Organigramme du commandement au 15/08/1944

ORGANIGRAMME

des responsables militaires à la veille du débarquement de Provence le 15 août 1944
Source : L’histoire de la Première Armée Française; par le maréchal Jean de Lattre de Tassigny

Grades des Officiers généraux

U.S. ARMY                                                                  Première Armée Française

brigadier general         1 étoile                                   général de brigade                  2 étoiles

major general              2 étoiles                                 général de division                 3 étoiles

lieutenant general       3 étoiles                                général de corps d’armée       4 étoiles

general                          4 étoiles                                général d’armée                      5 étoiles

General of the Army                                                 Maréchal de France

(1941-1945 : Eisenhower, MacArthur)

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Général de Corps d’Armée (britannique) Sir Henri Maitland WILSON
Chef Suprême des forces alliées en Méditerranée de juin 1943 jusqu’à décembre 1944
Lieutenant general Jacob L. DEVERS
Adjoint du G.C.A. Wilson, qui prendra le 15 septembre 1944 le commandement du 6th U.S. ARMY GROUP ou SOUTH U.S. ARMY GROUP.
Le major general Garisson H. DAVIDSON et le major general Alexander M. PATCH sont chargés du plan détaillé de l’opération de Provence.
Lors du débarquement :
L’amiral HEWIT (britannique) commandant en chef de l’opération du débarquement
Le major general Gordon P. SAVILLE commandant en chef l’aviation lors du débarquement
Le major general PATCH commandant en chef des forces terrestres alliées après le débarquement.

Le général Jean de LATTRE de TASSIGNY a reçu le 26 juillet 1944 le commandement des unités d’Italie ; commandant en chef de l’Armée « B », future Première Armée Française. Il est chargé de préparer le débarquement de ses unités et les opérations militaires ultérieures (voir l’article du même chapitre « Accord avec le 6th US ARMY GROUP pour le commandement futur de l’Armée « B »)

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Accord avec le 6th U.S. ARMY GROUP pour le commandement de l’Armée “B”

Le 9 mars 1944, le Général GIRAUD n’était pas parvenu à faire accepter l’idée d’une Armée Française Indépendante, le commandement allié détenant seul les moyens.

Le Comité Français de Libération Nationale, ayant autorité sur les armées, confirmera le 18 avril la nomination du Général de LATTRE “pour assurer en temps utile le commandement de l’ensemble des forces terrestres françaises appelées à débarquer sur les côtes sud de la France.”
Le 25 mai, la décision suivante est adoptée: la responsabilité  des plans et de la conduite des opérations appartient aux alliés. Son autorité  sur les forces françaises passera par le commandant des dites forces. Pour les premières opérations du débarquement sera établi un Quartier Général mixte. Dès que les forces françaises auront débarqué deux corps d’armées le commandement tactique passera sous les ordres d’un Q.G. Français et le commandement allié fournira les moyens attribués normalement à un Groupe d’Armées.
A partir du 15 septembre 1944, l’Armée française acquiert son autonomie tactique  et une fonction d’égalité  avec la VII° Armée U.S.

Le 19 septembre, l’Armée “B” devient la Première Armée Française.

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L’ennemi : la Wehrmacht et la Luftwaffe

Au faite de sa puissance, avant Stalingrad, l’armée allemande, la Wehrmacht, comptait 9 millions d’hommes, 300 divisions dont 40 blindées-motorisées. La SS, considérée par les nazis comme comme une élite raciale et idéologique, constituait pour eux l’élément dynamique de la guerre totale.

L’armement de la Wehrmacht était redoutable. Hitler, nommé chancelier obtint les pleins pouvoirs en mars 1933 et ordonna immédiatement le réarmement, avec l’accord des conglomérats de la Ruhr, en violation des clauses du Traité de Versailles. Réarmement plus ou moins caché : par exemple pour l’aviation, développement très important du vol à voile pour avoir de futurs pilotes, entraînement secret des pilotes militaires en URSS avec l’accord de Staline, participation à la guerre aérienne en Espagne comme test (Guernica), etc. Au moment du réveil des démocraties, en 1939, les ingénieurs de l’armement allemands avaient pris une belle avance et la qualité de certaines armes – dont la blindée, les V2, les avions à réaction… – posa problème aux Alliés, lesquels heureusement, comme l’avait prédit le général de Gaulle, disposaient sans discussion d’une énorme supériorité numérique. Après l’erreur fatale de l’invasion de l’URSS en 1941 par la Wehrmacht, une grande partie de ce matériel fut perdue. Et le pire fut que les meilleures troupes allemandes, qui avaient fait merveille en Europe de l’ouest, celles de Gudérian par exemple, furent sacrifiées et disparurent lors de l’attaque sans succès de Moscou. Elles ne purent jamais être remplacées : ce fut le début de la chute, après Stalingrad.

Au 15 août 1944, le Général WIESE, commandant pour le sud de la France depuis le méridien de Toulouse jusqu’à Menton, disposait de neuf divisions composant la 19ème Armée, couvrant à l’ouest la zone languedocienne, au centre la zone du bas Rhône et à l’est la zone provençale. La 11ème Panzer, venant de l’ouest, fut rattachée à la 19ème Armée. Il faut ajouter, en réserve générale 20 bataillons d’Ost Legion, 3 régiments de Luftwaffe, 2 brigades de Kriegsmarine, une unité de canons d’assaut et plusieurs d’artillerie de côte, une importante DCA et des formations territoriales, soit 250 000 hommes. Le Mur de la Méditerrannée était continu, dense et solide, et TOULON et MARSEILLE des bases puissamment défendues avec chacune plus de 200 canons de moyen et gros calibre. Toutes ces unités étaient puissamment armées avec des armes de grande qualité dans des positions soigneusement préparées. Il fallut tout l’héroîsme des soldats de la Première Armée pour en venir à bout, sous la direction de stratèges compétents.

Pour cause de l’offensive soviétique à l’est de l’Allemagne, la Luftwaffe ne disposait que de 120 chasseurs et de 110 bombardiers, et de très peu d’essence, alors que la Mediterranean Allied Air Forces, sous les ordres du général américain Ira Eake, comptait 1 900 avions d’appui ou tactique plus 200 appareils embarqués sur porte-avions. Le vice-amiral américain Hewitt protégeait l’énorme première vague d’assaut avec 250 navires dont 5 cuirassés, 9 porte-avions, 85 destroyers et 26 croiseurs.

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Le débarquement de Provence – 15 août 1944

Déclaration de Winston CHURCHILL à la Chambre des Communes au lendemain du débarquement de Provence: « Quelle chose magnifique que d’être aujourd’hui français, avoir 20 ans et son pays à reconquérir ! »

Rares sont les instants d’une vie où le cœur est pris d’une émotion intense et où chacun se sent, à part entière, membre d’une communauté chargée d’une mission historique et sacrée. Le 15 août 1944, chacun des 250 000 soldats de l’Armée « B », future Première Armée Française, posant le pied sur le sol chéri de la France, après deux ans d’intense préparation, fut pris à la gorge d’une émotion extrême car, avec une mentalité de vainqueur, il venait rendre à la Patrie sa liberté. Cette Armée était issue, principalement, de l’Armée d’Afrique basée en Afrique du Nord, entraînée et réarmée avec l’aide américaine dès le début de 1943. Très diverse mais unie dans la fraternité des armes, elle rassemblait plus de 100 000 français ou européens d’Afrique et de Corse, des métropolitains évadés, de nombreux soldats autochtones du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, d’Afrique Noire et de l’outre-mer français. Après le débarquement, ils seront rejoints par 150 000 jeunes pleins d’ardeur qui venaient de subir, en France, quatre années de tyrannie ; ce fut l’amalgame, opération menée par le général de Lattre pour incorporer les jeunes héros des maquis à son armée. Ensemble, ces 400 000 soldats contribuèrent à renforcer, aux yeux des alliés, l’autorité politique du gouvernement du général de GAULLE et la place retrouvée de son armée au niveau mondial.

Le débarquement de Provence « Dragoon » fut la dernière opération importante des alliés sur le théâtre méditerranéen. Elle fut montée par le 6èm GROUPE D’ARMEES US ( Lt Général DEVERS) comprenant la 7ème ARMEE US (Général PATCH commandant les opérations de débarquement): 3ème , 36ème et 45ème DIUS venant d’Italie et l’ARMEE « » future Première Armée Française (Général de LATTRE de TASSIGNY). Les unités françaises viennent

Embarquement d’unités dans un port Italien.

Embarquement d’unités dans un port Italien.

d’Italie (1ère DFL, 3ème DIA, 2ème DIM, 4ème DMM, 1er et 2ème GTM), de Corse (9ème DIC, 3ème GTM, Bataillon de choc, Commandos d’Afrique), d’Afrique du Nord (1ère et 5ème DB, unités de réserve générale). Le point de débarquement le plus à l’ouest fut Cavalaire (hors de portée des canons de 340 ennemis de Saint-Mandrier) et s’étendit sur 70 km à l’est, jusqu’à la plage d’Agay.

Le 10 août, la Naval Western Task Force 88 composée de 1370 navires de commerce appuyée par 880 navires de guerre dont 34 français appareille ; en tête les LCI (Landing Craft Infantry) et les LST (Landing Ships Tanks) puis le personnel et le matériel de la seconde vague embarqués sur des navires classiques. L’amiral HEWITT trompera l’ennemi en dirigeant son armada vers Gênes ; à l’aube du 15 août, servi par une brume légère interdisant les reconnaissances aériennes, il fit effectuer un virage à 120 degrés vers les plages de débarquement assignées en Provence. Un soutien aérien couvre le débarquement par 2000 avions venant des porte-avions mais surtout de Corse où 14 aérodromes ont été aménagés.

« L’héroïsme et la fougue manifestés par nos troupes tant à l’île d’Elbe qu’en Italie ne faisaient que traduire leur impatience de voir enfin arriver l’heure où commencerait la Libération de la France » Général de LATTRE

Les opérations peuvent être décomposées en trois phases :

Première phase :

Dans la nuit du jour J-1 au jour J (15 août) les 5 000 parachutistes anglais et américains de la 1ère Airborne Task Force du Général FREDERICK sont largués dans la région du Muy afin d’interdire la venue de renforts allemands vers la côte.

A l'aube, les commandos abordent la côte en vue d'atteindre les batteries à détruire.

A l’aube, les commandos abordent la côte en vue d’atteindre les batteries à détruire. (Cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Sur les plages de débarquement, symboliquement, le premier assaut fut livré au Cap Nègre par les français des Commandos d’Afrique articulés en trois groupes. Le premier est le groupe naval d’assaut des fusiliers marins « Rosie » commandés par le Capitaine de Corvette MARCHE dont le commando va se faire massacrer dans un champ de mines. Le second, « Roméo » du Colonel BOUVET, réussira à s’emparer des batteries du Cap Nègre. Le troisième, « Sitka » du 1er Spécial Force, neutralisera devant Hyères les batteries des îles de Port Cros et du Levant.

 

Deuxième Phase :

Le jour J (15 août) à l’aube, 1 000 avions larguent 800 tonnes de bombes sur les défenses des plages ; ensuite, la flotte tire 16 000 obus depuis ses 400 canons et les bateaux-fusées lancent 30 000 projectiles.

Les unités américaines et françaises aguerries en Tunisie et en Italie, la 7èmeArmée US du général PATCH renforcée par le CCI du général SUDRE débarquent sur trois plages ; La 3ème DIUS du général O DANIEL et le CCI SUDRE sur la première « Alpha » en face de Cavalaire, Pampelonne et Ramatuelle ; La 45ème DIUS du général EAGLES sur la seconde « Delta » en face de Sainte-Maxime et La Nartelle ; la 36ème DIUS du général DAHLQUIST sur la troisième « Camel ». La mission était de créer une tête de pont de 25 km de profondeur afin de rejoindre les parachutistes. L’élan est irrésistible, 94 000 hommes et 1 100 véhicules sont mis à terre ce jour-là.

Troisième phase :

Une compagnie d'infanterie débarque d'un LCI

Une compagnie d’infanterie débarque d’un LCI (Cliquez pour agrandir la photo)

Le 16, à 19 heures, le premier échelon de l’Armée « B » débarque : la 1ère DFL, la 3ème DIA, le Combat Command n° 2 de la 1ère DB, le 2ème Régiment de Spahis Algériens de Reconnaissance, les 7ème et 8ème Régiments de Chasseurs de Chars, deux groupes d’Artillerie lourde et des éléments du Train et des Transmissions soit 37 000 hommes et 5 860 véhicules. Le 17 voit débarquer la 9ème DIC et les Goums ainsi que les premiers éléments de la Base 901. Les unités commencent à pousser en avant vers leurs héroïques prouesses, si bien que la prise de Toulon et celle de Marseille planifiées respectivement pour le 4 et le 23 septembre furent effectives les 26 et 28 août. Le débarquement du reste de l’Armée « B » se termina fin octobre.

La victoire de Provence

La victoire de Provence

La participation de la Marine Française au débarquement de Provence

Ce sont 2 120 bâtiments au total qui ont pris part au débarquement de Provence, dont 250 vaisseaux de guerre, 600 grands transports et 1270 péniches de débarquement.

pavillonLes vaisseaux français constituent, pour la première fois depuis 1940, une force importante de 34 unités, placée sous les ordres du contre-amiral Lemonnier.
Cette force se composait de :

  • Croiseurs : Lorraine, Montcalm, Gloire, Georges Leygues, Émile Bertin, Duguay Trouin, Jeanne d’Arc.

Le croiseur Montcalm (Cliquez pour agrandir la photo)

Croiseurs légers : Le Terrible, Le Fantasque, Le Malin,

  • Torpilleurs : Le Fortuné, Forbin, Tempête, Simoun, Alcyon.
  • Destroyers d’escorte : Marocain, Tunisien, Hova, Algérien, Somali
  • Avisos : Commandant Dominé, La Moqueuse, La Gracieuse, Commandant Bory, Commandant Delage, La Boudeuse.
  • Pétroliers : Elom, Le Mékong, Var.
  • Transports de munitions : Quercy, Barfleur,
  • Divers : Chasseur 95 et 96, YMS 271

Au cours de l’action cette force tira environ 2000 obus

La tourelle 1 de 152 mm du Montcalm tire sur les défenses allemandes (Cliquez pour agrandir la photo)

La carte ci-dessous vous montre les différentes zones d’attaque des Forces TF 84, 85, 85,87 avec les navires de soutien.

Avec l’aimable autorisation de http://www.netmarine.net/g/dossiers/debarqprovence/index.htm (Cliquez pour agrandir la photo)

A 8h le 15 août, les troupes américaines du général Truscott débarquent ainsi que les Français du “Combat Command 1” du général Sudre

Avec les premiers éléments débarqués le 16 août de la Première Armée Française, alors “Armée B”, le général de Lattre attaque sans tarder Toulon, puis Marseille où il remportera deux éclatantes victoires, en avance de quarante jours sur le “planning” de l’U.S. Army.

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De Lattre, citoyen d’honneur de Cogolin

Anecdote rapportée par de Lattre dans son ouvrage, Histoire de la Première Armée Française, Plon éditeur :

« A Cogolin, je campe mon P.C. au milieu d’une population qui ne se lasse point de manifester à nos troupes son enthousiasme délirant. Le maire m’entraîne à la maison commune où le Conseil municipal décide, séance tenante, de me nommer citoyen d’honneur. Alors se passe une scène charmante à laquelle je ne repense jamais sans un rien d’émotion :

- Mon général, me dit le maire, vous serez notre second citoyen d’honneur. Un grand Français seul avant vous a reçu ce témoignage de notre affection.
– Puis-je connaître, monsieur le maire, le nom de mon illustre prédécesseur ?
– Georges Clémenceau.

Sans rien dire, je m’approche du registre des délibérations que je dois signer. Et sous mon nom, j’ajoute : “Deuxième citoyen d’honneur de Cogolin, né dans le même village de Vendée que le premier citoyen d’honneur, Georges Clémenceau.”

Déconcerté, le maire se retourne vers un de mes officiers et lui dit sur un ton de reproche : “Pourquoi le général écrit-il des blagues ?”

J’eus quelque peine à le convaincre qu’effectivement les deux citoyens d’honneur de sa cité étaient l’un et l’autre natifs de Mouilleron-en Pareds (Vendée). »

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Avant la prise de TOULON – La décision

Le 18 août au soir, la tête de pont après le débarquement est bien établie de Draguignan à Brignoles et Cannes, et jusqu’au contact des premières défenses de Toulon.

16 000 combattants, 30 chars et 80 canons sont prêts au combat et 8 jours seront nécessaires pour que le premier échelon au complet et le deuxième soient débarqués. Le planning prévoyait l’attaque de Toulon avec ces deux échelons. Faut-il les attendre ?

Tel est le dilemme du Général de Lattre.

Soit la prudence qui conduirait au siège de Toulon, avec ses défenses réorganisées,  soit l’audace avec le risque de briser l’Armée Française dès le départ ! Le Général nous dit : “Comment ne pas espérer un succès avec les troupes que j’ai sous mes ordres ? Leur élan, leur jeunesse, leur capacité manœuvrière, déjà magnifiques en Italie et à l’Ile d’Elbe, sont décuplés par leur contact avec la France. On peut toujours attendre – sauf l’attente… Avant la fin du jour, je me décide. Pour l’audace.” (Histoire de la Première Armée Française, Plon éditeur) Il convoque aussitôt ses généraux Brosset et Monsabert déjà en pointe à l’ouest, et informe le Q.G. allié pour accord.

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La prise de Toulon

Le Führer avait donné le 21 août l’ordre impératif de “défendre Toulon et Marseille jusqu’à la dernière cartouche”. Ce serait une faute importante et une grave erreur de penser que  tous les soldats allemands et tous les auxiliaires n’acceptent pas ce sacrifice car ils se battent résolument, d’où une violence extrême.

La bataille de Provence

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La prise de Toulon se déroulera en trois plans :
– Le premier sera du 20 au 21 août, l’investissement : le groupement Larminat attaquera à l’est et de Monsabert tendra un filet au nord et à l’ouest
– Le deuxième, les 22 et 23 août, le démantèlement : à l’ouest, avance coriace de la 9ème D.I.C. et de la 1ère D.F.L. Tandis que la 3° D.I.A. et les Chocs avancent de leur côté.
– Le troisième sera la réduction définitive où s’illustrera la 9° D.I.C. et tant d’autres. La reddition sans condition sera acceptée par l’Amiral Ruhfus le 27 août à 23h45.

Un point d’histoire relaté par le Général de Lattre: “ Le 28 août, à 8h du matin, je fais comparaître l’amiral Ruhfus et lui donne trois heures pour me fournir le plan détaillé des champs de mines dont la presqu’île est infestée. Sans ambages, je le préviens que, passé ce délai, il sera fusillé si, dans ce secteur, un seul de mes hommes saute sur une mine allemande. Trois heures plus tard, j’avais les plans. Et pas un seul de mes hommes ne sauta à Saint-Mandrier sur une mine allemande.” (Histoire de la Première Armée française, Plon)

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La Prise de Marseille

A certains moments, la difficulté pour un chef est de faire avancer ses troupes. Mais à d’autres, elle est de les retenir.” Général de Lattre de Tassigny (Histoire de la 1ère Armée Française). Mais ses généraux savaient à quel moment l’audace devenait témérité, ce qui supposait de parfaits dons de tacticiens.

Batterie d'artillerie allemande conquise
Batterie d’artillerie allemande conquise (Cliquez pour agrandir)

Marseille était une place forte redoutable, un véritable camp, avec un système défensif double. Des verrous puissants contrôlaient les quatre axes routiers qui y rentrent. D’autres sont dans la ville même autour des installations du port et de la colline de Notre-Dame de la Garde. La garnison était renforcée par la 244° division d’infanterie, des éléments de la Kriegsmarine et des unités en retraite venant de l’est, mises à mal par les opérations du débarquement. Elle disposait de 150 à 200 canons du 75 au 220. Et la 11° Panzerdivision remontait à l’ouest. Les ordres d’Hitler étaient de tenir Marseille jusqu’à la dernière cartouche, afin d’éviter la création d’une base d’un intérêt primordial pour les Alliés, tandis que la 19° Armée allemande retraitait vers le nord.

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Il fallait en finir avec Toulon avant d’envisager une action importante sur Marseille. Mais de Lattre envoya des éclaireurs vers son second objectif. Cette mission remporta un tel succès dans la soirée du 19 août qu’il fallut se demander s’il fallait profiter de cette occasion favorable. Dès que de Monsabert eut terminé l’encerclement de Toulon à l’ouest, il reçut l’ordre de se porter le 20 vers Aubagne, point clef de la défense allemande à l’est. La seconde bataille de Provence est donc déclenchée. Trois éléments vont assurer la victoire: le Combat Command n°1 du général Sudre, le 2° Régimental Combat Team de la 3° D.I.A., le 7° Tirailleurs Algériens (colonel Chappuis) et le général Guillaume avec ses Tabors. La prise d’Aubagne demandera deux jours de combats d’une extrême violence (au 1er Tabor, deux capitaines sur trois seront tués). “Comment voulez-vous, dira le colonel Westphale fait prisonnier au cours de la bataille, que mes pauvres garçons puissent se mesurer avec vos troupes africaines, manoeuvrières et aguerries ?” Le 1er G.T.M. marche en direction de Septèmes vers la route d’Aix-en-Provence à Marseille qu’il abordera plein Nord.

Les événements se précipitent le 22 août. L’insurrection nationale a éclaté dans la cité. Monsabert pousse vers Marseille le 1er bataillon du 7° R.T.A. et le C.C.1 de Sudre. Lors d’une conférence à Gémenos, réunissant de Monsabert, Larminat et Guillaume, de Lattre précise que la pénétration dans Marseille ne devra être effectuée qu’avec des moyens suffisants et trace sur la carte une ligne à ne pas dépasser, entre les faubourgs et la ville.

Le 22 août au soir, la colonne venue d’Aubagne atteint le faubourg de Saint-Julien où la population lui fait un accueil délirant, un véritable appel.

Le 23, au lever du jour, le colonel Chappuis n’y tient plus, il laisse son avant-garde se faire littéralement aspirer et plonge d’un trait vers la cité. A 8h il est au carrefour de la Madeleine où se trouve le boulevard qui conduit à la Canebière. Chappuis est un vieux soldat discipliné, il a atteint la ligne, mais il se rappelle que de Lattre a naguère réclamé qu’on ne laisse pas passer l’occasion favorable. En lui transmettant les directives de de Lattre, Monsabert a ajouté sur un ton enjoué “Mais si vous en avez l’occasion …” “D’ailleurs, Chappuis écrira plus tard, “si le chef vivait la situation présente, il condamnerait l’inaction.” A 10h les Algériens et les chars descendent la Canebière vers le vieux port.

Chasseur de chars du 9ème RCA pénétrant dans Marseille.

Chasseur de chars du 9ème RCA pénétrant dans Marseille. (Cliquez pour agrandir l'image)

Alors, brusquement, l’ennemi se réveille et réagit violemment de tous côtés. De Lattre, dès qu’il l’apprend, donne l’ordre à Monsabert d’engager dans Marseille le C.C. Sudre et prélève sur Toulon la 3° D.I.A. qu’il transporte d’urgence sur Marseille. Pour bien montrer sa détermination, de Monsabert s’installe au Q.G. de la 15° Région Militaire, près de la Préfecture, au beau milieu du dispositif ennemi, le jour même de la libération de Paris.

Le commandement allemand, abasourdi par la rapidité de notre pénétration, ne sait que penser de l’importance de nos forces. Depuis deux jours, le soulèvement de la population, attaquant les voitures et les patrouilles isolées, a contraint les troupes allemandes à se retirer dans leurs bunkers ce qui facilite grandement nos opérations.

Le Général Schaeffer, chef du secteur fortifié de Marseille, hésite sur son devoir. Il avait engagé des pourparlers avec les F.F.I. et le Colonel Chappuis les reprend à son compte. Le général accepte de négocier, avec une suspension d’armes, toute relative d’ailleurs. L’accord ne peut se réaliser, le Français demandant une reddition sans condition et à 19h15 le combat reprend,  la bataille de rues va s’engager, en même temps que la réduction des derniers ouvrages de la ceinture extérieure par les Tabors poussant au nord dans la région de Septèmes et de l’Estaque et au sud depuis Cassis.

Le 24, les Allemands se sont retranchés avec leurs formidables moyens intacts sur la colline de Notre-Dame de la Garde et les six kilomètres des installations du port. Le 25 août au matin, l’attaque démarre. A Notre-Dame les Allemands déclenchent un jet de feu avec douze lance-flammes, trop tôt heureusement. Le premier tank Sherman, Laporte, le Jeanne d’Arc explose au pied des marches du sanctuaire. Le second, Jourdan, a une chenille arrachée par une mine: le chef de bord Lolliot, quoique blessé, s’extirpe de la carcasse, court à la Basilique et déploie le drapeau tricolore sur la grille avec l’aide d’un F.F.I. C’est après de très durs combats, à 16h que le drapeau flotte sur le dôme de la “Bonne Mère”. L’ouvrage installé dans la quartier marseillais du  Roucas-Blanc résistera jusqu’au lendemain et la colline sera à nous.

Les F.F.I. sont répartis entre les groupes de combat et rendent de réels services par leur connaissance des lieux. Petit à petit, l’ennemi est acculé à la mer et ne peut fuir car le cercle se referme tout autour. Des combats très meurtriers sont menés autour de positions préparées depuis des années. Mais le 26, l’adversaire commence à donner des signes de lassitude. Le 27, à 17h le drapeau blanc est hissé sur le fort Saint-Nicolas. Les forces libérées de Toulon arrivent avec leurs puissants moyens d’artillerie.

Le 28 à 7 heures, le général Schaeffer se présente au P.C. de Monsabert et accepte nos conditions: livraison de toutes les armes et de tous les ouvrages, interdiction de toute destruction supplémentaire au port et ailleurs, enlèvement des mines et pièges par les troupes allemandes, reddition de la garnison en unités constituées à partir de 13h. A l’heure dite, commence l’interminable défilé des prisonniers vers le camp de Sainte-Marthe , les cloches sonnant à toute volée la libération de la deuxième ville de France. Le 29, cérémonie d’action de grâces à Notre-Dame de la Garde, puis prise d’armes grandiose au Vieux Port, avec une Marseillaise triomphante d’une émotion indicible.

Puis défilé inoubliable des troupes et des F.F.I. ayant assuré la victoire, entre deux haies d’une foule innombrable, en délire, hurlant sa joie et son enthousiasme.

De Lattre envoie au général de Gaulle son fameux télégramme : ”Dans le secteur de l’Armée B , aujourd’hui J+13, il ne reste plus un Allemand qui ne soit mort ou captif.

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La poursuite de la Méditerranée à Lyon et au Jura

La Poursuite
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Avant sa mise en œuvre, le but d’ANVIL (nom de code du débarquement de Provence) était de faire se rejoindre au plus tôt les troupes d’Eisenhower venues de Normandie et celles du débarquement de Provence; la chute de Toulon et de Marseille étaient les deux points très importants de la manœuvre. Les directives ultérieures étaient très vagues et le succès rapide de de Lattre -32 jours d’avance sur le planning- les faisaient se décider au jour le jour, ce qui était plutôt favorable pour nous, car basées sur nos succès locaux.

De Lattre ne voulait à aucun prix perdre sa liberté de manœuvre et se laisser enfermer dans “une trappe”. Il poussa donc vers le Rhône à hauteur d’Avignon, position clef de tout le Midi, permettant de multiples manœuvres, le but ultime étant d’être les premiers sur le Rhin et en Alsace.

La percée de Patton de la Normandie vers l’est (“qui amènera la victoire, tout le reste étant garniture” dira de Gaulle) oblige le Général Wiese, commandant la 19° armée allemande, à un mouvement de retraite pour 5 divisions d’infanterie et la 11° Panzer, durement attaquées par la 36° D.I.U.S. et la Task Force Butler. La Nationale 7, sur des dizaines de kilomètres, est couverte d’une suite ininterrompue des vestiges du matériel de la 19°, inextricablement enchevêtrés après destruction.

Malgré les destructions opérées par les Allemands, la poursuite commence...

Malgré les destructions opérées par les Allemands, la poursuite commence... (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

... jalonnée par les débris d'une armée en repli harcelée par l'aviation alliée.

... jalonnée par les débris d'une armée en repli harcelée par l'aviation alliée. (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

La poursuite franco-américaine comportera trois phases: atteindre la transversale Lyon-Genève, puis atteindre le niveau de la trouée de Belfort et enfin le regroupement de notre armée, des Vosges à la Suisse (15-20 septembre).

Le 25 août, le général Patch, dans son ordre d’opération n°3, donne à l’armée “B” l’ordre de traverser le Rhône à Arles et de reconnaître en force vers Nîmes-Remoulins et, en direction du nord, le long de la rive droite du Rhône.

Le groupement du Général du Vigier pousse vers Alès, Montélimar et éventuellement Montpellier.

Le 28 août, Patch reçoit l’ordre d’assurer la jonction avec les troupes d’Eisenhower et le 6° C.A.U.S. par Grenoble et Valence, marche sur l’est de Lyon, vers Autun, Dijon et Langres. L’Armée “B” a alors en propre sa zone d’action entre la Suisse et la Saône, vers Bourg-en-Bresse, Besançon, Belfort et l’Alsace. Malheureusement le manque de carburant va se faire sentir et sera le principal obstacle à la rapidité de la progression, malgré les prouesses des conducteurs de camions trop peu nombreux. Pour les empêcher de s’endormir au volant, ivres de fatigue, on avait planté à intervalles réguliers des panonceaux leur racontant une histoire découpée: “Si tu fais un voyage de plus, tu seras plus vite de retour chez toi. etc etc…sans fin!”

L’Ordre d’Opérations de de Lattre n° 24 du 29 août précisait: la 2° D.I.M. assurera la couverture des Alpes, la 3° D.I.A. et la 9° D.I.C. rejoindront les Américains à Grenoble et pousseront à droite vers Ambérieu et la Franche-Comté. Liberté de mouvement pour le Groupe du Vigier de l’autre côté du Rhône.

La 1ère D.F.L. pénètrera dans Lyon le 3 septembre à 8 heures du matin.

Le 7 septembre, à 15 km de Chagny, un peloton de tanks-destroyers tombe sur un train blindé avec deux automoteurs de 120, quatre de 105 sous tourelle et plusieurs canons automatiques jumelés. La locomotive est immobilisée d’un coup heureux. Et les tanks tirent à vue sur la forteresse roulante et sur les cinq convois qu’elle escorte depuis le sud-ouest. Près de 3 00 prisonniers sont alors faits par la 1ère D.B.

Les généraux Dodi (4° R.T.M.) et Béthouard assurent la couverture des Alpes, de la Suisse à la Méditerranée. Le 2 septembre de Lattre fait une visite triomphale à Montpellier où il fut le seul à s’opposer aux troupes allemandes lors de l’invasion de la zone”libre” le 11 novembre 1942 !

Jusqu’au 10 septembre, date à laquelle les troupes allemandes perdront tout espoir de regagner l’Allemagne, une série de combats se déroule entre la 19° armée de Wiese, le 6° C.A.U.S. et l’armée “B” vers Villefranche, Grenoble, Bourg-en Bresse, Lons-le-Saulnier, Chambery,  Dôle,  Pontarlier, Montbéliard, Baume, Dijon, Beaune,  Autun.

Le 12 septembre, en Côte-d’Or, la jonction est faite entre les soldats de la 2° D.B. venus de Normandie et ceux de la 1ère D.F.L. débarquée en Provence. Après leur rencontre sur le plateau de Langres, les deux grandes forces débarquées en Normandie et en Provence n’en forment plus qu’une, sous les ordres d’Eisenhower.

Le 25 septembre, l’Armée “B” devient la Première Armée Française, avec son autonomie tactique, à égalité avec la 7ème armée américaine. De la frontière suisse au pied des Vosges et au Jura, la 1ère Armée Française est en ligne, orientée vers l’Est, Belfort et Mulhouse. La poursuite est terminée, une bataille d’usure commence !

En trois semaines d’efforts et de succès , nos troupes ont libéré 25 départements français, capturé près de 100 000 hommes. Le prix à payer fut de 500 tombes françaises et 1 657 américaines.

Cinquante et une divisions alliées marquent un temps d’arrêt de la Mer du Nord à la Suisse car “même le succès se paye” par les difficultés d’approvisionnement dues aux rapides succès.

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L’amalgame

« De Lattre avait très bien senti, en Afrique d’abord, cette opposition entre l’ancienne Armée d’Afrique, l’armée classique, et puis ceux qui étaient venus de France qu’il appelait “les jeunes évadés de France”.

Les gars du maquis à Lyon

Les gars du maquis à Lyon (Cliquez pour agrandir l'image)

« Il a senti très bien au débarquement ce qu’il y avait entre cette armée magnifiquement équipée par les Américains, solide dans ses structures, ayant pris les habitudes de cette vieille armée d’Afrique, et les (maquisards) FFI et FTP et ceux que nous rencontrions qui étaient les malheureux avec l’armement qu’ils avaient pu récupérer, les uniformes qu’ils avaient pu planquer et l’organisation sommaire qu’ils avaient pu se donner.

« De Lattre s’est très bien rendu compte qu’il y avait là un hiatus dramatique qui pouvait dans une certaine mesure couper la France en deux. Et systématiquement, brutalement, avec des scènes extraordinaires, parfois d’un romantisme étonnant, parfois d’une brutalité, d’une violence extraordinaire pour obtenir des chefs ce qu’il voulait, il a systématiquement cassé des unités qui étaient magnifiques  pour leur insuffler des gens qui n’avaient aucune notion de la discipline militaire et alors qu’on était au combat. Il prenait les meilleurs parmi ses chefs d’unités complétement constituées pour les donner à des unités qu’il constituait  avec des FFI et FTP qui n’avaient aucune notion  de l’encadrement dans lequel on voulait les mettre.

« Et grâce à cela, et grâce à ses écoles de cadre, il a réalisé vraiment, je crois, une très grande époque de la France, je ne dis pas de l’armée française, c’est beaucoup plus que cela. »
René BONDOUX  (la Nuit des Hommes Libres  France 3    18/06/1998)

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La Bataille des Vosges

A la mi-septembre 1944, la 1ère armée marque un arrêt aux portes de l’Alsace (de Lattre interdisant le mot “pause”). D’une part, le haut-commandement allemand veut défendre à toute force les frontières du 3ème Reich dont, pour lui, fait partie l’Alsace; d’autre part nos troupes ont fourni un effort victorieux constant au cours des sept dernières semaines et la fatigue se fait jour devant ces nouvelles formes de combat. Par ailleurs, le matériel demande une remise en état et nos dépôts de munitions et d’essence de proximité sont à créer et remplir obligatoirement pour de nouvelles offensives. Le plus proche était à 275 km du front entre Grenoble et Lyon! Les besoins quotidiens d’essence, de munitions et de vivres de notre Armée étaient de 1 500 tonnes !

Le long du Rhône et de la Saône se construit, à raison de 15 km par jour, un pipe-line pour apporter l’essence, mais il est encore loin. Les camions acheminant l’essence depuis le sud en consomment une partie beaucoup trop importante, il est indispensable de remettre en état au plus tôt les voies ferrées. En septembre, une seule voie à sens unique de montagne est disponible entre Aix et Grenoble. La tâche est immense pour remettre en état la ligne Paris-Marseille, mais la SNCF et les hommes des Génies US et français réussiront à réparer début octobre Marseille-Lyon puis Baume-les-Dames.

L’avance a été si rapide que nos troupes sont en tenue d’été, les tenues de drap étant encore sur les plages, et un automne précoce les font souffrir du froid et des pluies diluviennes.

Malgré ces difficultés, l’effort se poursuit. Du 15 au 20 septembre, nos deux Corps d’Armée se rassemblent face à la trouée de Belfort, porte de l’Alsace.

Le 1er du général Béthouard aura la mission de pousser entre le Doubs et la frontière suisse, vers Pont de Roide, Delle et Altkirch.

Le 2ème du général de Monsabert marchera vers le Ballon d’Alsace et le col de Bussang puis soit vers Cernay, soit vers Colmar et Mulhouse.

L’armée américaine se dirige vers le nord pour rejoindre la force principale venant de Normandie, ce qui oblige la 1ère Armée à s’étirer vers le nord au pied des Vosges; elle s’étire alors sur 360 km depuis les Alpes et doit créer un front offensif de 75 km.

Un convoi dans la forêt vosgienne
Un convoi dans la forêt vosgienne (Cliquez pour agrandir la photo)

Le général Wiese a réussi à établir une défense solide avec sa 19° armée, la Hauptkampflinie: la 1ère D.F.L. et la 1ère D.B. sont d’abord bloquées mais le 28 des résultats appréciables sont obtenus car ces deux unités ont fait sauter le verrou vers les cols des Vosges. Une manœuvre était prévue à partir de Gérardmer que les troupes américaines devaient prendre.

Ce ne fut pas le cas et l’on demanda à de Lattre une nouvelle couverture de 30 km. Et de sérieux problèmes de ravitaillement se posent : 968 tonnes ont été fournies alors que les besoins de nos 5 divisons sont de 3 000 tonnes. Les camions du Train, au prix d’efforts inouïs, livrent 200 tonnes/jour depuis la Provence. Le général Devers puis le général Marschall promettent et obtiennent la création à l’état-major U.S. d’une section logistique chargée de nos besoins.

Un groupe de fantassins progresse dans un hameau vosgien
Un groupe de fantassins progresse dans un hameau vosgien (Cliquez pour agrandir la photo)

Les généraux de Monsabert et Guillaume, le colonel Bonjour et tant d’autres s’illustrent dans de très durs combats où nos soldats sont sous la pluie, la neige, dans le brouillard, dans l’eau. L’aviation alliée ne peut intervenir que 4 jours par mois pour cause de mauvais temps. Les pertes sont terribles, le 17, sur les pentes du Haut-du-Faing, si un seul bataillon nazi a perdu 70 pour cent de ses effectifs, le 6°R.T.M. a perdu une centaine d’hommes pour la conquête de cette crête, il faudra 700 tués et blessés pour y tenir du fait de l’artillerie allemande. Le 17 octobre à midi, de Lattre arrête l’offensive des Vosges. Un point positif est que le gros des forces allemandes s’est porté sur le front des Vosges, ce qui a permis à Leclerc et sa 2ème D.B. de libérer Strasbourg.

Les opérations dans les Vosges du 25 septembre au 8 novembre 1944

Les opérations dans les Vosges du 25 septembre au 8 novembre 1944 (Cliquez pour agrandir la carte)

Le S.H.A.E.F., commandement suprême, prévoit pour fin octobre la disparition des “poches” allemandes bloquant les ports de l’Atlantique. De Gaulle obtient que cette tâche soit confiée aux forces françaises, sous le commandement du général de Larminat, chef des Forces Françaises de l’Ouest qui seront renforcées par une partie de la  2ème D.B. La bataille des Vosges était quasi terminée.

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Belfort

Début novembre 1944, l’ennemi tenait solidement les crêtes des Vosges. Il estimait que la 1ère Armée, après ses succès incroyables en si peu de temps, allait prendre ses quartiers d’hiver au repos. Un général tué au début de l’offensive pour Belfort, avait noté sur son carnet : “Les Français organisent le terrain et n’ont pas l’intention d’attaquer.”

Le gros des forces allemandes avait quitté le sud de l’Alsace pour la bataille des Vosges au nord. Les 11 et 15 octobre 1944, l’État-major de de Lattre lui soumet les plans d’une action vers le Doubs. La condition était de pouvoir franchir la Lisaine afin d’éviter les combats dans le secteur Montbéliard-Héricourt après une action “en souplesse” entre la frontière suisse et le Doubs. Le 17 octobre de Lattre prit la décision d’arrêter l’action du 2ème Corps dans les Vosges et d’agir à la droite du 1er Corps au sud avec une préparation faite dans le plus grand secret et une attaque surprise. Dans les Vosges où avaient été suspendues les actions offensives, il fut demandé à Monsabert “d’y maintenir une attitude agressive pour fixer les réserves de l’adversaire.”

Il fallut donc monter un “plan de déception” dont le but était de donner aux Allemands une impression de sécurité totale dans le secteur du Doubs mais de l’inciter à penser que le secteur des Vosges restait pour de Lattre le point important. Tous les moyens seront bons: faux mouvements d’unités amenées à grand bruit le jour et repartant la nuit tous feux éteints, important faux trafic radio, pose de pancartes routières, créations fictives de P.C., fausse “Instruction Secrète” pour importants combats dans les Vosges “dérobée” et portée au général Wiese (malgré l’arrêt par nos Marocains du pseudo-espion traversant nos lignes) ; le 12 novembre annonce fausse (hélas) de la reprise des permissions mi-novembre, etc ,,, Le carburant et les munitions nécessaires sont stockés avec d’infinies précautions pour échapper aux espions, Les troupes volontairement gardées hors du secteur du 1er Corps le rejoignent secrètement au cours des trois nuits précédant l’attaque, Le 1er Corps Aérien Français du général Girardot fournira 120 chasseurs, 80 bombardiers et 20 avions de reconnaissance, d’où une maîtrise de l’air en Haute Alsace.

Le 13 novembre, date prévue de l’offensive, une véritable tempête de neige empêche toute vue au-delà de quelques mètres: elle est remise au lendemain. Ce même jour, arrive en train spécial à Besançon Winston Churchill et le général de Gaulle. Au départ des visiteurs a lieu le dialogue célèbre  entre Churchill et de Lattre: “ Vous n’allez tout de même pas faire attaquer par un temps pareil ? ” “Il n’en est pas question, Monsieur le Premier.

Le 14, au matin le temps semble s’améliorer et l’action est déclenchée à 14 heures.
En face la 338° Volksgrenadiere Division est étirée sur 30 km depuis la Suisse. Enfoncé dans la neige, chacun de ses soldats se prépare sans souci à prendre ses quartiers d’hiver. Son chef, le général Oschmann, scrupuleux, inspecte ses avant-postes. Soudain, à 11h20 un bombardement inouï l’oblige à se réfugier dans un trou. Au bout d’une heure, il quitte son abri mais les soldats marocains du 8° R.T.M. sont là et une rafale de mitraillette lui fait perdre la vie. Il a avec lui la carte avec tout le dispositif de la 338° V.G.D. et les derniers ordres donnés. La surprise de l’adversaire est donc totale.

La neige retombe mais n’empêche  pas l’attaque. A la nuit, le front allemand est instable sur 15 km et l’avance du 8° R.T.M. est de 5 km ; le général Wiese n’y voit qu’un coup de main et attend toujours notre attaque dans les Vosges, n’envoyant que de faibles renforts au sud. Une nuit de combat se termine à notre avantage à Écot. Le 15 novembre, la 9° D.I.C. a désorganisé la défense allemande du Doubs et au soir la situation est favorable. Le matin du 16, les chars font sauter les verrous. La phase de rupture est proche et celle de l’exploitation

Carte Belfort- Montbeliard

Ccliquez sur la carte pour l'agrandir)

va s’ouvrir. Le commandement allemand réalise la gravité de la situation : il s’agit pour lui de protéger le système défensif de Belfort en tenant Héricourt et il engage enfin des renforts importants. Mais deux pelotons du 1er Cuirassiers se faufilent entre les résistances et sautent vers 11 heures sur Héricourt, empêchant la destruction du pont sur la Lisaine. L’ennemi riposte furieusement mais les Marocains défendent le pont qu’ils conservent jusqu’à l’arrivée du C.C.4 qui dégage Héricourt au cours de la nuit, les Allemands s’étant effondrés. La rive est est tenue sur 8 km de front et 2 de profondeur. Mais la journée connaîtra un succès plus important encore par la prise de Montbéliard par le Colonel Piatte et le 1er Chasseurs d’Afrique où les F.F.I. ont réussi à empêcher les Allemands de détruire les ponts . Pendant ce temps, la 9° D.I.C. a détruit les résistances de la boucle du Doubs. Le 17 au soir voit la   2ème D.I.M.,  vers le Rhin par la Ière D.B.,  vers Cernay par la 5ème D.B. .

Belfort : de gauche à droite, de Lattre, Devers, Béthouart et Montsabert .

Belfort : de gauche à droite, de Lattre, Devers, Béthouart et Montsabert . (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Pour Belfort, c’est par le nord que sera atteinte la banlieue, le 19.  Il faut prendre le fort du Salbert.
A 4 heures du matin, les Commandos d’Afrique, porteurs de cordes et d’échelles, gravissent les pentes abruptes et le bataillon de garde est neutralisé. Vers 16 heures,  nos chars sont dans la ville, guidés par les F.F.I. ils empêchent la destruction des ponts. Le 21 novembre à 5 heures du matin, la 4ème Compagnie du Bataillon de Choc pénètre dans la manutention où les boulangers allemands font cuire leur fournée. A 9h20 la Kommandantur est enlevée, la Préfecture libérée. Les défenseurs s’enferment dans la Château et refusent la reddition. Le 25 seulement, Belfort sera complétement libre..

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Les Français les premiers au Rhin – Mulhouse

Le 18 novembre, le général du Vigier lance son Combat-Command 2 vers Delle. Malgré une résistance opiniâtre, nos troupes avancent de 30 km, aux portes de l’Alsace. La 1ère D.B. se lance en direction de Dannemarie-Chalampé. Dès 14 h l’escadron du R.I.C.M. du Colonel Le Puloch a l’honneur de prendre  Seppois, le premier village d’Alsace que nous retrouvons.

Les chars légers du 5ème RCA

Les chars légers du 5ème RCA, fantassins du 1er Zouave sur les plages arrières se ruent vers le Rhin * (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Sur le sol alsacien, nos chars s’emballent, c’est la charge. Un détachement d’un peloton de tanks Sherman et d’une section du 1er Zouave fonce vers l’est : et c’est le Rhin ! « Quelques instants plus tard, le gros du groupement Gardy arrive à son tour, tous phares allumés dans la nuit maintenant tombée, et la batterie du capitaine Caire du 2° groupe du 68° Régiment d’Artillerie n’attend pas davantage pour envoyer joyeusement de l’autre côté du fleuve les premières salves qui tombent en Allemagne depuis 1940. »
Ah ! En cet instant -19 novembre 1944, 18h30- que de misères vengées ! En tête de toutes les armées alliées, la 1ère Armée Française est arrivée au Rhin.

Les cavaliers d'un escadron blindé trempent le fanion de leur unité dans les eaux du Rhin

Les cavaliers d'un escadron blindé trempent le fanion de leur unité dans les eaux du Rhin (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Le matin du 20,  » le C.C.3 va s’emparer de Mulhouse« , déclare son chef, le Colonel Caldairou. A 16h nos objectifs à la lisière de Mulhouse sont atteints. Avec l’aide efficace des F.F.I. le nettoyage se poursuit. Le plus pittoresque est l’arrivée de Caldairou, le colt au poing au centre de tri de la Feldpost où 20 postiers trient consciencieusement le courrier pendant que 60 dorment à l’étage, soit 80 prisonniers !

Dès l’aube du 21, les chars du groupement Gardy foncent vers l’Ill et la Doller et s’attaquent au quartier des casernes solidement défendu. La caserne Lefebvre résiste. Gardy pénètre dans la ville et se rabat vers l’ouest. Une contre-offensive d’un Kampfgruppe et d’une dizaine de chars à Battenheim attaque un détachement mixte du R.C.C.C. et du R.I.C.M. Mais elle échoue grâce à des zouaves appuyés des tanks Sherman venus de Baldersheim.

Le Maire de Mulhouse et le Préfet reprennent leurs fonctions à Mulhouse.
Le général Wiese essaie de reprendre la main par des offensives extrêmement violentes sur tout le front pendant 20 jours de batailles ininterrompues, mais les Allemands n’ont pas réussi à arrêter l’élan de libération de la Haute Alsace.

Carte Rhin Mulhouse

(Cliquez sur la carte pour l'agrandir)

Pendant la même période, le 2ème Corps d’Armée, réduit à deux divisions (1ère D.F.L. et 3ème D.I.A.), couvrait à gauche la manœuvre du 1er Corps tout en s’emparant de Champagney et de Gérardmer. Le Général Brosset, commandant la 1ère D.F.L., trouvait la mort dans un malencontreux accident de jeep.

Plus au Nord, la 7ème Armée U.S., qui comprenait la 2ème D.B. française, poursuivait son offensive. La 2ème D.B.  déboucha, le 22, par la trouée de Saverne et libéra Strasbourg le 23 novembre.

Du 25 au 29 novembre, une manoeuvre conjointe des deux corps d’armée français en direction de Burnhaupt conduisait à l’encerclement des forces ennemies restantes autour de Dannemarie.

La bataille de Haute Alsace a coûté 1 300 tués, 4 500 blessés, 140 disparus, 1 691 évacués pour gelures, 2 824 évacués pour maladies. L’ennemi a perdu 10 000 tués, plus de 120 canons, 60 blindés.

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* )  Le char Saint Cyr fut, le 8 mai 1945, le seul char survivant des cinq chars du 2ème peloton du 2ème escadron du 5ème RCA (1ère DB).

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Strasbourg sauvé

La libération fulgurante de Strasbourg par Leclerc et sa 2ème D.B. le 23 novembre 1944 restera comme l’un des exploits les plus remarquables, et politiquement l’un des plus importants, de la campagne d’Alsace et de la campagne de France.

Libération de Strasbourg par la 2ème DB

Libération de Strasbourg par la 2ème DB (Cliquez sur la carte pour l'agrandir)

La 2ème D.B. appartient au 15° Corps américain qui attaque en direction de Saverne -porte de l’Alsace- du 13 au 17 novembre 1944. La Division Leclerc est en réserve  jusqu’au 17 où elle prend Badonviller, ouvrant la route des arrières de l’ennemi. Le mot d’ordre est la course aux cols. Le 19, Saverne est enveloppé. Il faut prendre l’ennemi de vitesse, c’est une question d’heure, et même de minute. La D.B. triomphe partout et, dans une ambiance de victoire,  se lance vers Strasbourg et si possible Kehl par cinq itinéraires, sans trop se soucier de rester à la hauteur les uns des autres.  Et le 23 c’est la victoire incroyablement rapide, La capitale de l’Alsace retrouvée, le serment de Koufra tenu avec les trois couleurs sur la cathédrale. Mais Kehl n’a pu être enlevé (voir dans “Témoignages” “Il ne tombera jamais plus d’obus sur Strasbourg – 23° R.I.C.”).

Le 25 décembre 1944, le général von Rundstedt déclenche la dernière grande offensive à l’ouest de l’armée allemande, son but étant, à partir des Ardennes d’aller reprendre Anvers et Strasbourg. Des moyens considérables sont mis à sa disposition, les dernières réserves, les meilleures et les autres, soit 200 000 hommes et un millier de chars.

Le général allemand Guderian, qui avait assuré la victoire en France en 1940 par l’application des idées de de Gaulle sur les colonnes blindées motorisées, imagina des équipes de saboteurs habillés d’uniformes américains et conduites par des Allemands parlant parfaitement américain; ils orientaient les convois  vers des destinations sans issue, intervertissaient les pancartes routières, donnaient de faux renseignements à ceux qui leur demandaient une aide, recherchaient avidement les dépôts d’essence, condition du succès de l’offensive, etc, etc. Lorsqu’ils étaient pris et soupçonnés, les G.I. (nom adopté pour désigner le soldat américain de base, abrégé de “Government Issue”: fourniture du gouvernement) leur posaient des colles sur les événements sportifs aux USA, les dernières vedettes de cinéma, et autres…

Guderian, auquel on demandait son avis dans les situations très difficiles, avait perdu ses meilleurs soldats sacrifiés devant Moscou, premier pas vers la défaite totale !
Et le mauvais temps  interdira l’utilisation de l’aviation au début de l’offensive. Le beau temps revenu le 22 janvier l’arrêtera net en appuyant les manoeuvres de contre-offensives des alliés. Ce sera alors la disparition définitive de tout espoir de victoire pour l’armée allemande.

Lors d’un souper intime au soir de Noël organisé par son Cabinet, de Lattre apprend le départ de l’offensive allemande vers Anvers et aussi vers Saverne pour un retour en Alsace à partir de Bitche. Ceci inquiète fort le général Patch d’autant plus que la consigne du S.H.A.E.F. (haut commandement allié) est de céder du terrain afin de maintenir l’intégrité des unités. De plus, il faut prévoir une offensive allemande au nord de la poche de Colmar. Eisenhower donne l’ordre de se replier sur les  Vosges, dans une attitude purement défensive. La 2ème D.B. est redonnée à la 7° Armée US. On rappelle dare-dare la 1ère Division Française Libre envoyée pour la réduction des poches autour des ports en France pour la relever. Le dramatique abandon de l’Alsace libérée est prévu dans les ordres et le général de Lattre est placé dans une situation très difficile car il n’est, pour lui et de Gaulle, pas question d’abandonner Strasbourg et il ne peut ignorer l’appartenance de la Première Armée au dispositif allié, dont il dépend, en tout, étroitement.

Le 31 décembre, à 23h, six divisions d’infanterie allemande et une panzer (blindée) attaquent dans le but de s’emparer de la trouée de Saverne, porte de l’Alsace ! Le 1er janvier, Eisenhower donne l’ordre de repli sur les Vosges pour le 5 janvier avec l’abandon de l’Alsace du nord.

Ignorant encore l’existence de cet ordre, de Lattre lui écrit :”Strasbourg constitue un symbole de la résistance et de la grandeur de la France. La libération de cette ville a été le signe définitif de la résurrection nationale française. Son abandon inciterait la France à douter de la victoire : il aurait en outre un retentissement mondial. Il exalterait le moral d’une Allemagne pourtant au bord de la défaite…. la 1ère Armée Française n’est pas actuellement en mesure de défendre directement Strasbourg, mais elle est décidée à faire tout ce qui est en

Défense de Strasbourg

(cliquer sur la carte pour l'agrandir)

son pouvoir pour couvrir la ville au sud…Elle compte, je vous le demande personnellement de la façon la plus insistante, que la 7ème Armée Américaine fasse l’impossible pour défendre Strasbourg avec la dernière énergie…. L’honneur militaire  et le prestige des armées alliées y sont engagés.”

Non seulement de Lattre n’envisage pas de replier l’aile gauche de son armée, mais décide de prendre à sa charge la défense de Strasbourg. C’est la 3° Division d’Infanterie Algérienne de Guillaume qui  la sauvera, unité d’élite qui n’a pas eu une semaine de repos pratiquement depuis le début de la Campagne d’Italie, mais comme “les grognards de la garde,” marchera. Superbement.

La lettre au Général Eisenhower a provoqué la conférence de Versailles le 3 janvier à 15h entre le commandant suprême, Wiston Churchill venu spécialement de Londres et le général de Gaulle. Il en résulte que des dispositions nouvelles sont adoptées pour la couverture de

Fusil-mitrailleur en batterie aux avant-postes

Fusil-mitrailleur en batterie aux avant-postes (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Strasbourg, et courageusement tenues. La 7ème Armée US tiendra sur l’ancienne ligne Maginot, les Français à sa droite, défendront Strasbourg et le nord de l’Alsace déjà libérée.
La crise dramatique est donc  réglée avec un resserrement des liens d’amitié et de confiance avec nos alliés et le mois de janvier vérifiera  la remarquable efficacité et  solidité de la coalition.

Après de très durs combats, l’ennemi sera partout battu et les cloches de la cathédrale de Strasbourg sonneront la victoire des alliés et le glas du reich.

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Liquidation de la poche de Colmar

Parmi la liquidation des différentes « poches » qui achève la libération totale du territoire français, celle de la poche de Colmar revêt une importance particulière par le volume des forces engagées et par l’âpreté des combats menés au cours d’un hiver particulièrement rigoureux (températures descendant jusqu’à moins vingt degrés).

Toul 3 janvier 1945 Spitfires
Chasseurs Spitfire basés début janvier 1945  à Toul (Cliquez pour agrandir)

Après l’épuisement de l’offensive allemande des Ardennes, le commandement allié envisage d’entamer des opérations au-delà du Rhin ce qui implique, dans la zone impartie à la Première Armée Française, la résorption de la poche de Colmar tenue par la 19ème armée allemande.

A cet effet, dès la mi-janvier, la 2ème Division Blindée (général Leclerc) puis la 28ème Division d’Infanterie US (général Cota) lui sont affectées en renfort, en plus de la 3ème Division d’Infanterie US (général O’Daniel) déjà en place.

Dans son ouvrage Histoire de la Première Armée Française, le général de Lattre de Tassigny expose son plan :

« Ne laisser à l’Allemand aucune chance de s’échapper; libérer Colmar intact. En conséquence, l’effort à faire devra consister à étrangler la poche le long du Rhin, là où elle s’alimente c’est-à-dire dans la région de Neuf-Brisach.

Progression d'infanterie appuyée par des chars
Progression d’infanterie appuyée par des chars  Cliquez pour agrandir)

« Dans cette direction seront enfoncés deux « coins » convergents. Le premier le sera au sud, par le 1er Corps d’Armée du général Béthouart qui déplacera le centre de gravité du dispositif adverse et aspirera ses réserves. Puis, deux jours plus tard, le 2ème Corps d’Armée du général Monsabert entrera en action : ce décalage, nécessité par la mise en place des renforts attendus, aura pour effet d’augmenter la surprise de l’ennemi.

« Entre ces deux masses d’attaque, dans les hautes Vosges, le front restera, initialement, passif. Il s’activera lorsque notre filet sera assez tendu auprès du Rhin pour que le moment soit venu de rabattre vers lui le poisson…« 

L’offensive du 1er Corps débute le 20 janvier 1945 à 7H30 ; malgré la tempête de neige la progression est, initialement, rapide mais limitée et contrecarrée, dès le 22 janvier, par de violentes contre-attaques qui obligent l’ennemi à engager une partie de ses réserves.

L’offensive du 2ème Corps débute le 22 janvier à 21H30 ; elle bénéficie d’un effet de surprise. Dès la matinée du 23, l’Ill est abordée en deux points par la 3ème DIUS d’une part, par la 1ère DFL d’autre part, et la progression atteint sept kilomètres. Mais sur tout le front les combats sont acharnés, l’ennemi réagissant par ses blindés et son artillerie.

C’est donc un certain pessimisme qui apparaît lors de la réunion tenue le 24, à Ribeauvillé, poste de commandement de la 3ème DIUS. Il apparaît que l’importance des forces adverses aux abords de l’Ill rend le franchissement laborieux et ne permet pas un large déploiement des blindés.

Le Général Barr, chef d’état-major du général Devers (commandant du 6ème Groupe d’Armée US qui englobait douze divisions américaines et onze divisions françaises) assistait à cette réunion.. Le général de Lattre lui dit : « Vous voyez bien que nous n’en sortirons qu’avec des moyens supplémentaires; donnez- moi donc ce 21ème Corps d’Armée qui n’a rien à faire ; alors vous verrez !  » Le général Barr lui répond : « si l’on accorde ce que vous demandez ; quand l’affaire sera-t-elle finie ? «  . Le général de Lattre examine un instant la carte et lui répond : « Le dix février au plus tard » .

La bataille pour Colmar
La bataille pour Colmar (Cliquez pour agrandir)

Conscient de l’importance de l’enjeu, le commandement allié met aux ordres du général de Lattre le 21ème Corps d’Armée US du général Milburn et la 75ème Division d’Infanterie US du général Potter, renforcée. Le général Milburn englobe sous son commandement l’ensemble des divisions américaines et la 5ème DB française du général de Vernejoul et s’insère, à partir du 29 janvier, au centre du dispositif, entre les deux Corps d’Armée français.

Dès lors, la rupture peut être envisagée.

Sur le front du 2ème Corps d’Armée, la menace sur Strasbourg est levée et la couverture du flanc gauche du 21ème Corps d’Armée US est assurée. Un pont sur l’Ill est lancé et le Rhin est bordé, le 1er février, jusqu’à une dizaine de kilomètres au nord de Neuf Brisach.

Sur le front du 1er Corps d’Armée, la bataille fait rage autour de Cernay.

Sur le front du 21ème Corps d’Armée US, la 28ème Division d’Infanterie US atteint le champ de manœuvre de Colmar, à un kilomètre de la ville.

Les chars de La 5àme DB se préparent à entrer à Colmar
Les chars de La 5àme DB se préparent à entrer à Colmar  (Cliquez pour agrandir)

Le 2 février, au matin, le colonel Rudder arrête son régiment (109ème Régiment d’Infanterie US) pour laisser aux blindés français de la 5ème DB l’honneur de pénétrer, les premiers, dans Colmar. La chute de Colmar précipite l’effondrement de la résistance allemande.

Le 4 février, le 1er Corps d’Armée et le 21ème Corps d’Armée US font leur jonction à Rouffach et à Sainte Croix.

Du 4 au 8 février, c’est l’exploitation.

Bennwihr, début 1945
Bennwihr, début 1945 (Cliquez pour agrandir)

Le 8 février, le 21ème Corps d’Armée US atteint Neuf Brisach puis Fessenheim tandis que le 1er Corps d’Armée entame un mouvement d’enveloppement vers Chalampé.

Le 9 février, à 8 heures, les Allemands font sauter le pont-rail de Chalampé.

Mais il a fallu attendre le franchissement de la Lauter, le 19 mars, par le 4ème Régiment de Tirailleurs Tunisiens appuyé par les chars de la 5ème DB pour que l’Alsace soit, enfin, libre.

Salut du général de Lattre à la population de Colmar
Salut du général de Lattre à la population de Colmar (Cliquez pour agrandir)

Malgré ses villages martyrisés dans l’âpreté des combats, elle a accueilli ses libérateurs avec une chaleur que tous les combattants gardent en mémoire.

Dans la bataille de Colmar, la Première Armée française a engagé près de 300 000 hommes dont 125 000 américains. Cette bataille a coûté la vie à 2 137 combattants, dont 1 595 français, et fait 11 253 blessés, dont 8 583 français. Il faut y ajouter 7 115 hospitalisés, dont 3 887 français, pour accidents, gelures, problèmes sanitaires divers. Les pertes ennemies sont estimées deux à trois fois plus nombreuses et 20 000 prisonniers furent faits. La 19ème Armée allemande fut, pratiquement, anéantie.

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Nécropole Nationale de Sigolsheim

“Sur ces pentes des Vosges, dans cette Plaine d’Alsace, par haute neige et vingt degrés sous zéro, des soldats de France, d’Afrique, et des États Unis d’Amérique, amalgamés dans la Première Armée Française sous les ordres du Général de Lattre de Tassigny, forcèrent la victoire dans les luttes acharnées de la Bataille de Colmar, du 20 janvier au 9 février 1945.

Au lendemain de la deuxième guerre mondiale, durant laquelle Sigolsheim fut malheureusement entièrement détruit, le Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre, à la suite d’un souhait exprimé par le Maréchal de Lattre de Tassigny et par l’Association Rhin et Danube, se proposait de regrouper les corps des héros militaires de la Première Armée Française en un endroit où les engagements avaient été les plus meurtriers.

L'église de Sigolsheim
L’église de Sigolsheim (cliquez sur l’image pour l’agrandir)
L'église de Sigolsheim détruite
L’église de Sigolsheim détruite (cliquez sur l’image pour l’agrandir)

Sigolsheim répondait à ce critère, d’autant plus qu’à partir du 6 décembre 1944 jusqu’au 9 février 1945, jour de la libération de Colmar, ce village était de jour comme de nuit, le lieu de combats d’infanterie, d’artillerie, de chars et même de bombardements aériens.

Le conseil municipal de Sigolsheim se réunissait le 20 juin 1958, sous la présidence de M. Pierre Sparr, maire de l’époque, et par délibération, cédait gratuitement au Ministère des Anciens Combattants et Victimes de Guerre les terrains nécessaires. Une seconde délibération en date du 22 juin 1962 dans laquelle il fut décidé d’ériger la future Nécropole Nationale sur cette “colline du sang” (ou “blutberg” comme dénommée par les troupes allemandes) au lieu-dit “laengert”, à flanc de coteau, orientée de telle sorte que la Nécropole soit visible de la localité, de la vallée de Kaysersberg, de la ville de Colmar, de la plaine du Rhin et de toutes les régions environnantes. Le sommet situé à 358 mètres constitue un point de vue idéal. Par beau temps, il est possible de voir la flèche de la cathédrale de Strasbourg, les Alpes bernoises, la plaine du Rhin et la Forêt-Noire.

Les travaux ont débuté en été 1962 pour se terminer en mai 1965 sur une surface de 3 ha ½ . La Nécropole proprement dite se compose de 48 rangées de tombes implantées sur 12 plates-formes disposées en terrasses arrondies, séparées par une allée principale centrale et de 4 voies latérales montantes, ainsi que de 3 voies horizontales. 1589 tombes de la Première Armée Française (dont 792 de maghrébins et 15 de militaires israélites) ont trouvé place sur cette Nécropole provenant des cimetières communaux disséminés dans les départements du Haut-Rhin, Bas-Rhin, des Vosges et du territoire de Belfort. Ils appartenaient aux 74 Régiments de la Première Armée. La nécropole recouvre 18 285 m2, pour une surface totale de 33 410 m2.

La Maréchale à la Nécropole
La Maréchale à la Nécropole (cliquez sur l’image pour l’agrandir)
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Photo Elisabeth LORRACH (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

La nécropole a été inaugurée le 2 mai 1965 par M. Sainteny, alors ministre des Anciens Combattants et Victimes de Guerre en présence de madame la Maréchale de Lattre de Tassigny, épouse du Grand Patron de ces héros. Préfets, généraux, parlementaires, élus et personnalités de la région étaient présents; venus des quatre coins de la France, les sections d’anciens combattants et les familles de ces héros qui ont laissé leur vie pour que la France vive en liberté. La Grande-rue de Sigolsheim, devenue à partir de cette époque rue de la Première Armée, ressemblait le jour de l’inauguration à un fleuve tricolore, formé par les drapeaux des différentes sections patriotiques. On dénombrait environ 15 000 personnes.

Par l’intermédiaire du ministre des anciens combattants et de la commune de Sigolsheim, le pieux dessein du Maréchal de Lattre de Tassigny et de l’association Rhin et Danube est devenu réalité. Ainsi a-t-il été rendu hommage aux lourds sacrifices consentis par la Première Armée en cette terre d’Alsace. Le nombre total des tués de la 1ère Armée fut de 13 874.

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Le franchissement du Rhin

Après la victoire de Colmar, pour la première fois depuis 6 mois, la 1ère Armée se repose: hommes et matériel ont besoin de se refaire.

A compter du 1er mars, de Lattre est dégagé de la responsabilité des Alpes mais, le 27 février, il reçoit l’ordre de diriger la 1ère Division Française Libre vers les Alpes.

Le Général de Lattre crée l’Ecole des cadres de Rouffach, qui restera légendaire: instructeurs enthousiastes, stagiaires choisis, perfection technique des exercices de combat, de l’entraînement physique, de la formation morale.

Pour les Français c’est une nécessité historique de participer à la campagne d’Allemagne, un devoir pour libérer nos déportés et nos prisonniers, un droit pour effacer les armes à la main la défaite et l’occupation. Tout comme de Lattre, le général de Gaulle estime que c’est la condition primordiale pour relever notre prestige mondial et pour le futur de notre politique européenne.

Mais les plans du S.H.A.E.F. (Supreme Headquarters Allied Expeditionary Forces)ne correspondent pas à nos attentes car le rôle passif prévu pour la 1ère Armée Française est de couvrir sur le Rhin le dispositif allié. De plus, le 12 mars, ordre nous est donné de prêter à la 7° Armée US les hommes et les ponts de la 1ère D.B. et la moitié de ceux de la 5° D.B.

De Lattre savait qu’il serait impossible de franchir le Rhin depuis l’Alsace et que des plages plus au Nord seraient nécessaires. Par une chance inouïe, nous recevons l’ordre de pousser vers le Nord le long du Rhin pour couvrir la 7° Armée, vers le créneau indispensable sur la Lauter. La 3° D.I.A. et le C.C.6 de la 5°D.B.attaquent, séparés des Américains par la forêt, en longeant le Rhin. Guillaume réussira à nous donner 12 km , le créneau sur la Lauter.

Champ de rails aux abords de la ligne Siegfried

Champ de rails aux abords de la ligne Siegfried (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Le 18 mars, de Lattre rencontre Devers à son E.M. et lui demande la permission (obtenue) de faire franchir le Rhin à la 3° D.I.A. et à la 5° D.B. Monsabert reçoit l’ordre d’attaquer vers Kandel en forçant la ligne Siegfried. Celle-ci consiste en des centaines de blockhaus disposés en quinconce tous les 150 mètres, sur une profondeur de 7 km, avec des mines, des barbelés, des pièges ! Le 19 mars, à 16h15, toute l’artillerie de la 3° D.I.A. se déchaîne sur Scheibenhardt, premier village allemand qui sera conquis à 20h30. L’effort conjugué des Américains et de Monsabert ont créé une étroite fissure dans la ligne Siegfried que Guillaume exploite sans tarder.

“C’est à vous et aux troupes relevant de votre commandement, écrit Brooks à Guillaume, qu’a échu le grand honneur de rejeter jusqu’au dernier, de la terre d’Alsace et de celle de la France, l’envahisseur boche; J’ai longtemps soutenu que le commandement d’une division au feu est l’ultime récompense de tout soldat mais, en plus, bouter hors de son pays le dernier envahisseur, est un honneur et un privilège de peu d’hommes de guerre. Le 6° C.A.U.S. en entier applaudit à votre victoire.”

Nous tenons une vingtaine de kilomètres sur la rive gauche du Rhin. Compte tenu des difficultés pour traverser le Rhône en août 1944, de Lattre avait demandé au Général Dromard, commandant le Génie, de penser au Rhin. Le 27 mars, Devers inclut Spire dans notre zone d’action et confirme le 28 la mission de s’emparer de Karlsruhe, Pforzheim et Stuttgart. L’intention de de Lattre est de déboucher au nord de la Forêt Noire par la trouée de Pforzheim. Il reçoit le 28 un télégramme de de Gaulle comme suit : “ Mon cher général, il faut que vous passiez le Rhin, même si les Américains ne s’y prêtent pas et dussiez-vous le passer sur des barques. Il y a là une question du plus haut intérêt national. Karlsruhe et Stuttgart vous attendent, si même ils ne vous désirent pas. Veuillez croire, mon cher général, à mon entière confiance et à ma filèle amitié. Signé: de Gaulle.”

Franchissement de fantassins sur bateau M2 propulsé

Franchissement de fantassins sur bateau M2 propulsé (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Dans la nuit du 30 au 31 mars, le Rhin est franchi par la 3° D.I.A. et la 2° D.I.M. au prix de lourdes pertes. Le général de Lattre pourra écrire: “Pour toute l’Armée, le 31 mars est un jour de fierté. Mais l’Arme du Génie a le droit de garder avec un particulier orgueil le culte de cette journée durant laquelle le 101ème Régiment du Génie du Colonel Ythier a glorieusement acquis son titre de “Régiment du Rhin”. Ses sacrifices ont préparé une lumineuse journée de Pâques.”

La 9ème D.I.C. franchira le 2 avril et Karlsruhe sera prise le 4 avril.

Franchissement des blindés sur un pont Treadway

Franchissement des blindés sur un pont Treadway (cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Objectif de choix pour l'aviation adverse, le pont est défendu par une batterie de 40 Bofors

Objectif de choix pour l'aviation adverse, le pont est défendu par une batterie de 40 Bofors (Cliquez sur la photo pur l'agrandir)

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Au dela du Rhin

La progression en Allemagne et en Autirche

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A la suite du franchissement du Rhin, dans la nuit du 30 au 31 mars, nous avons deux petites têtes de pont qui n’en feront qu’une sur un front de 20 km.

De nouvelles unités traversent, dont la 5° D.B. qui a obtenu un créneau de passage sur le pont américain de Mannheim. Le 1er avril Monsabert a tout son 2° Corps à l’Est du Rhin. A l’aube du 2 avril, la 9° D.I.C. traverse plus au Sud avec un succès complet. Alors commence avec fierté la marche en pays ennemi, sur les traces de Turenne et de Napoléon. Le 3, l’avance est de plus de 15 km sur tout le front dans le pays de Bade. Le 4 au matin, Karlsruhe tombe. En cinq jours, la tête de pont est de 40 km de long et parfois de même en profondeur, 100 blockhaus enlevés, 80 localités conquises, 3 500 prisonniers et leur matériel.

Le 4, 130 000 des nôtres et 10 000 véhicules sont à pied d’œuvre.

Le groupe d’armées américain semble se rabattre vers le Sud, ce qui réduirait notre conquête à la portion congrue et le Général de Gaulle demande d’urgence la prise de Stuttgart et précise: “… la capitale du Wurtemberg sera pour nos troupes la porte ouverte vers le Danube, la Bavière, l’Autriche. Sa possession nous assurera en outre un gage important pour soutenir nos desseins quant à la zone d’occupation française.”

Nos chars foncent vers Stuttgart

Nos chars foncent vers Stuttgart (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

La 19° Armée allemande tient tête avec énergie devant Stuttgart et le couloir badois. De Lattre oriente alors son action vers Freudenstadt, clé du débouché de la Forêt-Noire vers l’Est.

Monologue du Général de Lattre après la signature de le capitulation allemande à Berlin le 8 mai 45

« Mes petits gars, ils ont été merveilleux. Je pouvais tout leur demander. Jamais armée n’a connu pareil enthousiasme ni montré plus de discipline intellectuelle. La victoire de Freudenstadt et son exploitation dans trois directions divergentes est quelque chose d’unique. Il fallait des soldats sensationnels pour oser cela. Et pourtant ce sont des petits Français comme les autres. Il y a 10 mois, ils ne savaient rien !(Histoire de la Première Armée française, Plon)

En plein Tyrol, sur la route du col de l'Arlberg

En plein Tyrol, sur la route du col de l'Arlberg (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Freudenstadt, cœur du dispositif de la 19° Armée, a été enlevé le 16 avril au prix de durs combats par un groupement de la 2° D.I.M.

Ainsi s’achève la dislocation de la défense allemande.

Le 21 avril, Stuttgart tombe. Le 24 nos trois couleurs flottent sur la forteresse d’Ulm, 140 ans après la victoire des soldats de la Grande Armée. Le 24, prise de Sigmaringen. Le 28, la frontière autrichienne est franchie. Les bases allemandes de Friedrichshafen et de Lindau sur la lac de Constance tombent entre nos mains, avec leurs chantiers de navires, d’avions, de V2.

Après avoir anéanti en cinq semaines deux armées allemandes, fait 180 000 prisonniers, envahi les Pays de Bade et de Wurtemberg, une partie de l’Autriche et de la Bavière, la campagne victorieuse de la 1ère Armée est terminée.

Vous venez d’inscrire sur nos drapeaux et nos étendards deux noms chargés d’histoire et de gloire française : Rhin et Danube”, dit le Général de Lattre, dans son ordre du jour n°8.

L’insigne de la Première Armée Française portera désormais ces deux noms au-dessous des armes de Colmar.

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La reddition à Reims le 7 mai 1945

Le 4 mai, les chefs de l’armée allemande se sont résolus à débuter les négociations de reddition. Les alliés étaient formels : “pas d’armistice, capitulation sans condition ou rien!”

Signature de la reddition des fercess allemandes de l'Ouest
Signature de la reddition des fercess allemandes de l’Ouest (Cliquez sur la photo pour l’agrandir)

Le 7 mai, à 1h41, le général Jodl apporte à Reims la capitulation de toutes les forces du Reich à une délégation alliée. Du côté allemand, Jodl et ses aides de camp Oxenius, Freideburg. Côté alliés : le général britannique Morgan, le général François Sevez représentant la France, l’amiral Burrough commandant la Force Navale Expéditionnaire U.S., le général Souslaparov délégué soviétique et le général Spaatz chef de l’aviation stratégique américaine.

La clause principale était : “Nous, soussignés, au nom du haut commandement allemand, déclarons remettre au Commandant en Chef du Corps Expéditionnaire allié, ainsi qu’au haut commandement Soviétique, la reddition sans condition de toutes les forces terrestres, aériennes et maritimes encore sous l’autorité allemande.”

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La victoire à Berlin

TRÈS SECRET, n°B.X. 15131 – Pour général de Lattre personnellement. Selon instructions du S.H.A.E.F., le général de Lattre est désigné pour participer à la signature de l’acte de capitulation à Berlin, le 8 mai à 13 heures.”

Deux avions emmènent le général accompagné du Colonel Demetz, son chef d’état-major et du Capitaine Bondoux , son chef de cabinet, à Berlin-Tempelhof. Puis rencontre avec le maréchal soviétique Joukov.

En visitant la salle où va se signer la capitulation, le général voit trois drapeaux: le drapeau Rouge soviétique, l’Union-jack britannique et la bannière étoilée américaine. Nulle part ne figurent les couleurs françaises. Le général exige que la France soit présente par son drapeau. Mais nulle part on ne trouve de drapeau français. On en fabrique un, mais les jeunes filles soviétiques cousent les couleurs horizontalement. Cette erreur réparée, notre emblème national est fixé entre ceux de nos alliés.

Chef de la délégation ennemie, le maréchal Keitel aperçoit le général de Lattre: « Ach !  il y a aussi des Français ! Il ne manquait plus que cela », grommelle-t-il,

Le général de Lattre signe l'acte de capitulation

Le général de Lattre signe l'acte de capitulation (Cliquez sur la photo pour l'agrandir)

Dès les signatures terminées, les reporters et photographes agissent. Les chefs alliés se serrent la main et se congratulent.

“Demetz, Bondoux et moi, nous nous serrons longuement, gravement la main. Nous sentons que le moment que nous venons de vivre à Berlin a une signification exceptionnelle : plus encore qu’une revanche, il doit consacrer le dernier acte d’une longue tragédie qui a ensanglanté pendant des générations l’histoire de notre pays.”

Général de Lattre de Tassigny (Histoire de la Première armée française, Plon)

Les chefs des armées victorieuses, Montgomery, Eisenhower, Joukov, de Lattre

Les chefs des armées victorieuses, Montgomery, Eisenhower, Joukov, de Lattre (cliquez sur la photo pour l'agrandir)

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Ordre du jour du général de Gaulle

Ordre du jour du général de Gaulle

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Ordre du jour du général de Lattre du 9 mai 1945

Ordre du jour du général de Lattre

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“Il ne tombera jamais plus d’obus allemands sur Strasbourg”

Le 23ème Régiment d’Infanterie Coloniale dans la campagne d’Allemagne
“ Il ne tombera jamais plus d’obus allemands sur Strasbourg”  –  le 17 avril 1945

La mission est simple : s’emparer d’Oberkirch et ouvrir un passage dans la vallée de la Rench pour permettre aux blindés de foncer sur Freudenstadt, le grand noeud des routes de la Forêt noire, le point crucial de la manœuvre menée par la Première Armée Française pour Stuttgart. En même temps détruire les canons lourds qui continuent à harceler Strasbourg, là-bas à notre droite
…..
S’emparer de Ringelbach est un jeu pour la Compagnie Corvez, mais les réactions ennemies sont violentes, des minens partent de Gaisbach. L’un d’eux atteint le capitaine Corvez, qui debout comme à son habitude, comme à Meyers Hoff, comme à Kuppenheim, oriente sa section réservée. Corvez meurt dans les bras de l’abbé Laudrain, son ami, le prestigieux Aumônier Divisionnaire qui met en pratique ce principe pour lui essentiel, mais non de tout repos, que c’est en premier échelon toujours, là où le feu est le plus dense, qu’un prêtre doit se trouver pour assister les mourants.
……
La liaison est-elle faite entre Lautenbach et Oberkirch ? Oui. Le Colonel Landouzy est le premier à la faire, et à féliciter le Commandant Voisard et son bataillon. Voici comment celui-ci a gravi les crêtes et enlevé le point d’appui de la côte 692, défendue par des gens de la “Kriegsmarine”, des collègues…
…….
A 7h départ d’Haslach, la 10ème Compagnie en tête, puis la 9ème, puis la 11ème. Le temps est magnifique.
A 9H30 , on traverse Ringelbach en flammes, et c’est alors la montée vers 692; 500 mètres de dénivelé, belle excursion si les munitions ne pesaient si lourd dans le sac. Le Bataillon s’étire en une interminable colonne par un sur l’unique sentier découpé en pleine forêt.
Derrière la 10ème, le fil téléphonique jalonne le parcours.
Haltes fréquentes; car si la forêt à cette heure matinale où le soleil joue dans les gouttes de rosée, est délicieuse, une sourde hostilité se dégage de la profondeur des bois.
Certes à chaque clairière on admire le magnifique panorama qui s’étend jusqu’au Rhin, et derrière lequel on devine confusément la cathédrale de Strasbourg, mais surtout on se méfie, le pays est si propice à l’embuscade.
On approche du sommet ; soudain des coups de feu éclatent. Encore quelque touriste qui se fâche, disent les hommes mais une Mg 42 élève la voix, tous ont compris et s’apprêtent au combat.
La 10ème est accrochée. Le Capitaine Mourrut engage sa Section de deuxième échelon, qui est presque aussitôt stoppée.
C’est sérieux. Et quel terrain! Une futaie impénétrable puis un terrain nu et rocailleux d’une centaine de mètres, et une nouvelle pépinière enfin, dernier bastion de défense pour le boche.
Le Capitaine Mourrut engage alors la 3ème Section dans un large mouvement débordant par le droite. Elle progresse avec difficulté. Il va falloir engager la 9ème Compagnie pour soulager la 10ème à sa gauche, et resserrer ainsi dans une implacable étreinte toute la défense allemande.
La voix du Commandant Voisard parvient très faible au téléphone: “La 9ème en avant !”
La Section Bacon part en tête, la Section TAP derrière, déboitant peu à peu sur la gauche. La Section Darrigand est en réserve.
On progresse difficilement, le visage cinglé par les branches, arrêtés par un fouillis de ronces qui s’accrochent partout; heureusement les Allemands ne peuvent ajuster leur tir, les rafales de leurs mitrailleuses passent au-dessus des têtes, faisant tomber une pluie de branches et de brindilles.
On arrive à la lisière, la Section TAP s’aligne sur la 1ère Section.
Les Allemands sont là, à 100 mètres à peine,  dissimulés dans un chaos de rochers, bien protégés.
Il faut donner l’assaut. Les 4 mitrailleuses légères de la Compagnie arrivent immédiatement , deux à gauche, deux à droite. Elles ouvrent le feu, et les deux Sections de voltigeurs, en ligne, crachant un feu nourri de toutes leurs armes automatiques parmi lesquelles brillent les M.P.44 allemands récupérés depuis peu, avancent au pas, les hommes debout, l’arme sous le bras, forçant l’ennemi à se terrer;
Les rafales allemandes deviennent sporadiques. Toute tête, toute épaule, qui se montre est immédiatement prise à parti.
C’est un feu roulant qui progresse. Le Caporal Duc, tombe frappé mortellement d’une balle en plein front, le Soldat Etienne s’affaisse lui aussi, une deuxième rafale l’étend inanimé. Le soldat Roura qui dirige brillamment le feu d’une mitrailleuse légère tombe lui aussi frappé à mort.
Mais l’élan est donné, on pénètre dans le dispositif ennemi où à bout portant sont abattus les Allemands qui ne se rendent pas. D’autres affolés, se tiennent recroquevillés dans leur trou
Plus de 20 prisonniers sont ainsi faits.
Tandis que la section TAP nettoie la crête, la 1ère section s’attaque au dernier réduit où deux mitrailleuses légères continuent à nous arroser. Le groupe Babilani y entre en force, une première rafale blesse le chef de groupe, qui continue néanmoins à progresser, une deuxième rafale l’atteint au ventre mais les servants paieront de leur vie ce dernier sursaut de résistance. Ceux qui tentent de s’échapper du bois, coincés également par l’avance de la section Chaignon sont abattus par les rafales ajustées des F.M.
Ceux qui continuent à se battre sont anéantis, le Capitaine commandant la Compagnie allemande est abattu par l’Aspirant Chaignon.
C’est fini, une cinquantaine de cadavres ennemis gisent ça et là, autant de prisonniers restent entre nos mains.
La route est ouverte sur Lautenbach
….
C’est vers 17h que le Bataillon Voisard, dégringolant les pentes de la Côte 692, atteint Lautenbach et s’en empare après un furieux assaut.
Entre temps, les Batteries Allemandes qui jusque là bombardaient Strasbourg ont dû se replier ou se faire sauter. On en a vu défiler en bas sur la route, se dirigeant vers Openau Et elles ont été copieusement arrosées par nos artilleurs.
Le soir, le calme revient dans ce coin de vallée. Au matin, les blindés accompagnés du 6ème Marocain continueront vers Freudenstadt.

Il ne tombera plus jamais d’obus allemands sur Strasbourg.

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“Le pont de Chalampé était à notre portée” le 20/11/1944

Le pont de Chalampé était à notre portée” le 20/11/1944

Le Maréchal-des-Logis Roger Vayssettes raconte :

Le 19 novembre 1944 est la date mémorable où le fanion du 2ème Régiment de Chasseurs d’Afrique fut trempé dans le Rhin où il fut le premier des alliés à l’atteindre.

Nous, les blindés légers (automitrailleuse Greyhound), sommes les éclaireurs, “l’appât”. J’en sais quelque chose. Je suis en tête du Groupement: peloton et reconnaissance, compagnie de tirailleurs marocains – tanks-destroyers. Notre mission est de progresser à l’est de Mulhouse par la route entre la forêt de la Hart et le Rhin. Je reçois l’ordre de pousser jusqu’à Chalampé. Action réalisable ? Pourquoi pas ? Nous aurions pu nous emparer du pont ce 20 novembre.

Il faut reconnaître Petit Landeau, Hombourg et Ottmarsheim; une importante action va se dérouler. A l’entrée de Hombourg, je suis pris sous le feu de plusieurs armes. Mon ordre est de foncer dans le village. Nous n’étions pas attendus. Au passage, en pleine vitesse, mon tireur, Eugène Fort, avec une chance inouïe atteint la culasse d’un canon anti-char nous faisant face, prêt à tirer un obus.

La vérité est simple, nous n’avons pas été suivis par notre soutien, le deuxième blindé, trop éloigné, qui avait signalé au commandement que mon automitrailleuse Nimes était détruite. Ce que ce soutien avait vu, c’était les hautes flammes par la mise à feu des mines non amorcées placées de chaque côté de notre blindée qui avaient été atteintes par des balles.

La radio endommagée, antenne coupée, pouvait recevoir, pas émettre.

Stupéfait, j’entends ce message de détresse, alors que nous sommes seuls à tenir le village.

Il faut renseigner au plus vite. Ottmarsheim et le pont de Chalampé sur le Rhin était à notre portée. Nous étions bien en place après avoir tout bousculé. Après épuisement des munitions de bord, obus et mitrailleuses,  j’ordonne le demi-tour pour rejoindre l’arrière.

Maréchal-des-Logis Roger VAYSSETTES

L'équipage du char

L'équipage du char (Cliquez our agrandir la photo)

(Cliquez pour agrandir la photo)

L’équipage de l’automitrailleuse « Nancy » :
– Chef d’équipage Roger Vayssettes
– Pilote : René Delhomme
– Tireur Tourelle : Eugène Fort
– Radio : Georges Mesguich

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Le 23ème Régiment d’infanterie Coloniale enlève la Cité Anna

Le 25/01/1945 Le 23ème Régiment d’infanterie Coloniale enlève la Cité Anna en Alsace.

Dépassant les éléments des 1er et 3ème Bataillons, le 2ème doit attaquer la Cité Anna après une préparation d’artillerie de 40 minutes et avec l’appui d’un peloton de chars.

La compagnie a pour mission de s’emparer de la moitié est de la Cité Anna. Elle s’installera aux lisières nord.

Les ordres arrivent tard dans la nuit et il faudra attaquer à l’aube. Au jour, ce serait un suicide. Ce n’est même pas une plaine pour y aller, c’est un billard. Le réveil a lieu à 3h30.

Il a neigé dans la nuit. A 4h, réunion des chefs de sections. Rien de précis n’a pu leur être dit plus tôt. Ils savent seulement que l’on va attaquer et que ce sera la Cité Anna. Un dur morceau. On va encore essayer la tactique qui nous a si bien réussi cinq jours plus tôt, lors de la prise de la teinturerie de Pfastatt. Il s’agit d’aller plus vite que l’ennemi ne le peut supposer, se saisir de l’objectif alors qu’il nous croit au mieux, encore aux lisières et le nettoyer ensuite, tranquillement, avec un élément du 2ème échelon. Nos hommes sont au point pour le faire. Ils viennent de le montrer et le succès n’a pu que les rendre encore plus ardents. Ils ont cette “furia française” que leurs aînés ont illustrée.

Les délais de surprise pour atteindre les lisières seront courts. L’ennemi sera alerté par la préparation massive qui lui est offerte. Juste le temps de se rendre compte que c’est bien le dernier obus tombé et de relever la tête. Combien de temps ! Trois minutes ? Deux minutes ? Moins encore ? Heureusement que l’artillerie française est leur terreur ; en tous cas il faudra serrer au plus près des éclatements et bondir aussitôt car l’échelonnement nécessaire de la Compagnie fait poser le problème, non pas pour les premiers éléments, mais pour les derniers.

Il est 5h45, la nuit est claire, les sections se rassemblent tranquillement et sans bruit. On dirait un départ pour l’exercice si ce n’était les grenades accrochées par la cuillère dans les boutonnières des blousons. Les jambes sont libres, la démarche aisée, le regard droit. Des soldats ! Ils sont dignes de la légende que l’on créera pour eux plus tard.

6h40, la Compagnie quitte la grand route pour s’engager dans le chemin parallèle aux lisières du village à un kilomètre au sud. La préparation commence. Les lueurs des explosifs et les gerbes des obus au phosphore détachent les premières maisons en ombre chinoise. Une chance heureuse pour nous guider dans la bonne direction. Encore un quart d’heure et tout est prêt. La Compagnie piquette sur la neige une vague figure rectangulaire d’environ 200 mètres de front sur 400 mètres de profondeur.

7h, le dispositif s’ébranle. Il faut être sûr d’avoir la temps de serrer suffisamment près, et pourtant il faudrait bien pouvoir rester le moins possible là-bas. Le séjour risque d’y être malsain.

A 7h15, les éléments de tête sont à moins de 150 mètres des lisières. Une minute après, un matraquage sévère de mortiers allemands nous arrive dessus. Tout le monde est étendu à plat dans la neige, immobile. Par endroit, les obus ont l’air de se toucher. Et tout autour, presque dessous, des hommes ; jamais un seul ne s’en relèvera. Là-bas, sur les lisières, le tir continue. L’œil est rivé à la montre; les minutes sont longues. Vont-ils finir, enfin, que l’on puisse avancer et quitter ce maudit coin ?

7h21. Une salve de fumigènes placés comme à la main,  juste devant, à nous toucher. En avant ! Allez, le 5ème debout ! Les Allemands continuent à tirer. Ça ne fait rien. Les gars se lèvent, bondissent sans souci de rien, ne voyant que ces lisières que l’on doit, que l’on veut avoir, qu’on aura. Le sergent J… se penche un instant sur A …, blessé. “Laisse-moi, en avant”. Les maisons sont là tout près ! “Allez-y les gars ! On y est ! On les a !” De la gauche, une mitrailleuse commence à tirer, hésitante, puis s’affermit. Maintenant, c’est par bandes. Elle veut nous arrêter. Sur la droite une autre, deux autres lui font écho. Trop tard, nous sommes dans le village. Les éléments désignés serrent sur (l’objectif) 0.1. La préparation d’artillerie qui se continue sur (l’objectif) 0.2 tombe un peu court. Le nettoyage de la partie sud se fait comme prévu. Il commence à faire jour. On se regroupe. La première section n’a pas pu passer. On se recompte. Dans les sections il manque des gars laissés sur le terrain par le bombardement.

Attention, la préparation sur (l’objectif) 0.2 va se terminer.

7h53. De nouveau, la charge à travers les jardinets, sautant les barrières, enfonçant les portes charmantes et dérisoires qui les ferment. Une figure timide à un volet qui s’entrebâille avec précaution : “Les Français ! Bonjour ! Bonjour ! En avant !

8h, les lisières nord; l’objectif final est atteint. Un boche est encore assis dans une camionnette, en train de réchauffer son moteur.”Vous permettez ? Elle est à nous !”. Un autre charge dans sa voiture une Norvégienne de café chaud. Il nous l’offre. On ne peut être plus courtois. Il nous offrirait d’ailleurs sa chemise si on la lui demandait …

Il faut nous organiser, vite, pour le cas où, remis de leur stupeur, les Allemands viendraient nous tâter, pour que notre faible effectif puisse leur faire illusion. Les patrouilles de liaison n’ont en effet rien donné. Nous sommes tout seuls dans la Cité Anna. Pas de liaison radio. A se demander si nous avons bien attaqué le bon village ou si nous ne nous sommes pas trompé de jour. Les gens commencent à nous entourer, heureux. On leur conseille doucement, mais fermement, de retourner dans leurs caves. Certes, nous n’avons pas l’intention de repartir; mais il est dans le domaine des choses possibles que ça barde quand même encore un peu, un peu trop même si les blindés s’en mêlent. La Défense contre les blindés (DCB) se résume en effet à trois lance-grenades et une douzaine de grenades à fusil. On a bien un Rockett, mais les obus n’ont pas suivi !

Le Sergent-Chef P… et le Soldat D… aperçoivent un groupe d’une vingtaine d’Allemands qui s’avancent au nord du “crassier”. Ils ouvrent le feu avec leur mitraillette. Le groupe B… “Toto” en tête, se porte à leur renfort. Sept boches en moins. Les autres n’insistent pas. Nous sommes toujours sans liaison. Vers 9h30, venant de l’ouest, une auto-mitrailleuse allemande s’avance précautionneuse, le long de notre rue. La mitrailleuse légère de de C… est là, un peu en retrait. Encore 50 mètres, trente mètres, vingt mètres; de C… épaule sa mitraillette et lâche deux rafales. Les deux occupants accoudés sur le blindage, en observation, s’écroulent ensemble. A la pièce, Ch… ouvre le feu et lâche presque toute une bande. L’A-M fait demi-tour et s’enfuit sans résister.

En prévision d’une contre-attaque suivant cette reconnaissance, le dispositif est resserré. Le vaste bâtiment du P.C. se transforme en réduit d’où l’on pourra plus facilement s’expliquer. Nos gars semblent enchantés de cette perspective et même paraissent la trouver très drôle.

La Compagnie n’a-t-elle pas un “pot du feu de Dieu !” alors pourquoi s’en faire !

Deux chars, deux Jagdpanthers apparaissent sur la route de Pulversheim à 500 mètres de nous. Ils s’arrêtent quelques instants. Vont-ils se rabattre ? Non ! Ils continuent vers le nord et derrière eux, bientôt huit blindés plus petits, auto-mitrailleuses et auto-canons, suivent sagement à la queue-leu-leu. Peut-être après tout, est-ce une réaction peu normale d’une petite mitrailleuse contre un blindé qui leur a fait supposer l’épaulement d’une D.C.B. puissante !

Nous sommes toujours sans liaison, sans un renseignement d’aucune sorte. Les agents de transmission envoyés vers l’arrière ne sont pas encore revenus. La situation est certainement sportive, mais elle commence à risquer de devenir désagréable, pour peu qu’elle se prolonge encore longtemps !

10 heures moins cinq. Un bruit de chars venant du sud. Cinq minutes après débouche la première section et les éléments qui s’étaient amalgamés juste à temps pour permettre à P… de descendre avec sa mitrailleuse lourde les deux occupants d’une voiture légère allemande courant rejoindre ses blindés. Jamais les tanks Sherman ne m’ont paru si beaux ! La situation devient nettement plus facile.

C’est l’heure du déjeuner; comme d’habitude personne n’y pense… jusqu’au moment où un peu de détente vous fait découvrir une faim canine. De la détente, il est assez peu question. Venant de Wittenheim, cinq blindés légers avec environ une section d’infanterie, s’avancent sur le billard. Les tuniques blanches, analogues à celles des camarades d’autres unités, cette avance tactiquement bizarre en dehors des couverts très perméables et proches, font hésiter sur l’identification. Ce sont bien pourtant des boches. Ils ouvrent le feu sur notre bâtiment à moins de 800 mètres. Mais déjà la concentration d’artillerie est partie et tout le monde est en alerte. Le Capitaine N… la règle soigneusement au milieu des arrivées, sans même l’interrompre pour apprécier le passage à travers le plancher, à moins de deux mètres de lui, un obus qui ricoche de l’étage en-dessous. Il n’éclate pas; un beau petit trou bien rond de 50 cm de diamètre au milieu d’un nuage de plâtras. La suite de la journée nous permit de constater que ce calme effrayant, ce sang-froid imperturbable et ce parfait mépris du danger semblent son habituelle manière d’être.

Dès l’arrivée du tir demandé, l’infanterie se disperse et les blindés cessent de progresser. Les tanks Sherman et les Tanks Destroyers se mettent en action. Deux boches semblent touchés, les autres se replient. Ils ont manqué une belle occasion en ne venant pas trois heures plus tôt. La chose aurait été moins facile pour nous.

C’en est fini avec l’infanterie. Les Allemands ne semblent plus craindre que le débouché de nos blindés. Ils font une démonstration avec deux Jagdpanthers et trois autres plus petits en s’avançant venant du Nord, jusqu’à un millier de mètres du village.

Encore des blessés chez nous. Le Médecin Sous-Lieutenant D…, venu nous dépanner vers midi, se dépense sans compter. Il navigue entre nous et la 6° compagnie. L’itinéraire est pris en enfilade par une mitrailleuse légère allemande tirant de la droite, difficile à localiser, et encore plus difficile à faire taire. Il ne s’en soucie pas. Il soignera et évacuera sans arrêt jusqu’à deux heures du matin ne consentant à prendre un peu de repos que lorsque tout est fini. J’ai rarement vu la fatigue comme sur son visage.

La nuit arrive. Petit à petit, le silence. Seuls dans le lointain quelques tirs de harcèlement. Les guetteurs, doubles, veillent. Nos gars avaient raison en déclarant orgueilleusement aux habitants leur disant leur joie et leur crainte de les voir repartir : “Craignez-rien, la Coloniale ne fout jamais le camp.”

Extrait des Journaux de marche du 23ème Régiment d’Infanterie Coloniale

Conduite héroïque de l’ambulancière Denise Ferrier, de la 2ème Compagnie de Ramassage

MORT D’UNE AMBULANCIÈRE Denise FERRIER  –  CITATION

Denise FerrierAmbulancière de la 2° Compagnie de Ramassage du 25° Bataillon Médical qui s’était déjà fait remarquer à l’Ile d’Elbe par son sang-froid.

Depuis le début de la Campagne de France, volontaire pour toutes les missions vers l’avant, a constamment payé de sa personne et évacué de très nombreux blessés. A participé avec le Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc (Régiment de Reconnaissance de la 9° Division d’Infanterie Coloniale) à la percée sur Mulhouse où son courage  et son esprit de sacrifice  lui ont valu une citation à l’Ordre du Régiment et l’attribution de la fourragère rouge de ce Régiment.

Tuée par un obus le 20 janvier 1945 à Richwiller, à 7 heures du matin, devant un Poste de Secours du Bataillon. Jeune Française animée du plus noble idéal, toute imprégnée de la devise de sa Section “Franchise et Vaillance”, Denise FERRIER restera pour tous ceux qui l’ont connue et aimée un modèle très pur de patriotisme ardent et de souriant héroïsme.

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