A la mi-septembre 1944, la 1ère armée marque un arrêt aux portes de l’Alsace (de Lattre interdisant le mot “pause”). D’une part, le haut-commandement allemand veut défendre à toute force les frontières du 3ème Reich dont, pour lui, fait partie l’Alsace; d’autre part nos troupes ont fourni un effort victorieux constant au cours des sept dernières semaines et la fatigue se fait jour devant ces nouvelles formes de combat. Par ailleurs, le matériel demande une remise en état et nos dépôts de munitions et d’essence de proximité sont à créer et remplir obligatoirement pour de nouvelles offensives. Le plus proche était à 275 km du front entre Grenoble et Lyon! Les besoins quotidiens d’essence, de munitions et de vivres de notre Armée étaient de 1 500 tonnes !
Le long du Rhône et de la Saône se construit, à raison de 15 km par jour, un pipe-line pour apporter l’essence, mais il est encore loin. Les camions acheminant l’essence depuis le sud en consomment une partie beaucoup trop importante, il est indispensable de remettre en état au plus tôt les voies ferrées. En septembre, une seule voie à sens unique de montagne est disponible entre Aix et Grenoble. La tâche est immense pour remettre en état la ligne Paris-Marseille, mais la SNCF et les hommes des Génies US et français réussiront à réparer début octobre Marseille-Lyon puis Baume-les-Dames.
L’avance a été si rapide que nos troupes sont en tenue d’été, les tenues de drap étant encore sur les plages, et un automne précoce les font souffrir du froid et des pluies diluviennes.
Malgré ces difficultés, l’effort se poursuit. Du 15 au 20 septembre, nos deux Corps d’Armée se rassemblent face à la trouée de Belfort, porte de l’Alsace.
Le 1er du général Béthouard aura la mission de pousser entre le Doubs et la frontière suisse, vers Pont de Roide, Delle et Altkirch.
Le 2ème du général de Monsabert marchera vers le Ballon d’Alsace et le col de Bussang puis soit vers Cernay, soit vers Colmar et Mulhouse.
L’armée américaine se dirige vers le nord pour rejoindre la force principale venant de Normandie, ce qui oblige la 1ère Armée à s’étirer vers le nord au pied des Vosges; elle s’étire alors sur 360 km depuis les Alpes et doit créer un front offensif de 75 km.
Le général Wiese a réussi à établir une défense solide avec sa 19° armée, la Hauptkampflinie: la 1ère D.F.L. et la 1ère D.B. sont d’abord bloquées mais le 28 des résultats appréciables sont obtenus car ces deux unités ont fait sauter le verrou vers les cols des Vosges. Une manœuvre était prévue à partir de Gérardmer que les troupes américaines devaient prendre.
Ce ne fut pas le cas et l’on demanda à de Lattre une nouvelle couverture de 30 km. Et de sérieux problèmes de ravitaillement se posent : 968 tonnes ont été fournies alors que les besoins de nos 5 divisons sont de 3 000 tonnes. Les camions du Train, au prix d’efforts inouïs, livrent 200 tonnes/jour depuis la Provence. Le général Devers puis le général Marschall promettent et obtiennent la création à l’état-major U.S. d’une section logistique chargée de nos besoins.
Les généraux de Monsabert et Guillaume, le colonel Bonjour et tant d’autres s’illustrent dans de très durs combats où nos soldats sont sous la pluie, la neige, dans le brouillard, dans l’eau. L’aviation alliée ne peut intervenir que 4 jours par mois pour cause de mauvais temps. Les pertes sont terribles, le 17, sur les pentes du Haut-du-Faing, si un seul bataillon nazi a perdu 70 pour cent de ses effectifs, le 6°R.T.M. a perdu une centaine d’hommes pour la conquête de cette crête, il faudra 700 tués et blessés pour y tenir du fait de l’artillerie allemande. Le 17 octobre à midi, de Lattre arrête l’offensive des Vosges. Un point positif est que le gros des forces allemandes s’est porté sur le front des Vosges, ce qui a permis à Leclerc et sa 2ème D.B. de libérer Strasbourg.
Le S.H.A.E.F., commandement suprême, prévoit pour fin octobre la disparition des “poches” allemandes bloquant les ports de l’Atlantique. De Gaulle obtient que cette tâche soit confiée aux forces françaises, sous le commandement du général de Larminat, chef des Forces Françaises de l’Ouest qui seront renforcées par une partie de la 2ème D.B. La bataille des Vosges était quasi terminée.