Fernand GROSS, un Strasbourgeois qui a choisi la liberté après 1941

Fernand GROSS, un Strasbourgeois qui a choisi la liberté après 1941

Résumé d’une interview donnée en 2003 par Fernand Gross, strasbourgeois fuyant le nazisme.

Fernand Gross est né le 29 novembre 1922 à Strasbourg où il se trouvait lors de l’annexion de l’Alsace par l’Allemagne en 1941.

Fernand Gross est mobilisé par les allemands en octobre 1941 et envoyé dans un camp de travail avec préparation militaire (arbeitsdienst). Il réussit à guérir de graves ennuis de santé à l’hôpital de Dernbach mais bénéficie d’un report d’incorporation. Il reçoit en octobre 1943 sa feuille de route comme parachutiste de l’armée allemande en Tchécoslovaquie, mais trois jours avant son départ il décide de s’évader avec son ami Ferdinand, par la Lorraine où on leur donne leurs premiers papiers falsifiés. Puis Lunéville, Nancy, Paris, Barbezieux, Bordeaux où la Croix Rouge leur donne le nom d’un « passeur » à Bayonne, ceux qui font passer les Pyrénées. Celui-ci cherchera à livrer le groupe augmenté de deux aviateurs canadien et australien et d’une femme. Sa manœuvre sera déjouée par la circonspection de Fernand qui savait que parmi les « passeurs » se trouvait des héros et des traitres. L’Espagne sera atteinte et grâce à la Croix Rouge, Fernand et Ferdinand arrivent par train à Malaga. Là ils embarquent avec 6 000 évadés, 3 000 sur le « Général Lépine » et 3 000 sur le « Sidi Brahim ». Des sous-marins allemands les attaquent pendant le voyage mais des contre-torpilleurs français et anglais les défendent et ils arrivent à Casablanca.

C’est avec une joie immense que Fernand Gross arrive en Afrique et s’engage comme parachutiste au 1er Régiment de Parachutistes ( 1er RCP) stationné sur la  Base 209. Son ami Ferdinand le quitte, victime d’un problème cardiaque et s’engage comme interprète. Les deux évadés font émettre par Radio-Londres le message prévu pour leur famille : » Zig et Puce sont arrivés »

Le 1er RCP, commandé par le lieutenant-colonel Faure est transféré en avril 1944 en renfort de la campagne d’Italie en Sicile, à Trapani, où Fernand obtient son brevet de parachutiste. En Italie, il combattra uniquement dans la vallée du Mont Cassin où il saute  en parachute avec le groupe franc du régiment ; c’est très  dangereux et très éprouvant car les parachutistes, de nuit, ne voient pas exactement où ils vont se poser. À Rome, il va passer deux mois à partir du 2 juillet 1944.

Dans la seconde quinzaine d’août 1944, le 1er RCP est tranféré en France comme régiment de réserve générale de l’Armée « B » (future Première Armée Française) ; ils sautent en parachute sur Chabeuil près de Valence  et remontent la vallée du Rhône. Arrivés dans le nord de la France, le régiment mène une offensive au Mesnil dans les Vosges. Ayant réussi une percée vers Orbey, ils ont dû dormir caché dans la neige en se ménageant un trou pour respirer. Puis combat particulièrement éprouvant dans une forêt des Vosges. Enfin en février 1945, ils participent à la bataille de Colmar en prenant Blotzheim, Ensisheim et Gerstheim où dans ce village ils devaient faire face aux énormes chars « Tigre » allemands.

Des 1 500 soldats partis d’Afrique du Nord avec Monsieur Fernand Gross, 145 soldats seulement étaient présents au régiment après Colmar, leur dernière bataille.
Fernand Gross  est rendu à la vie civile fin mai 1945 ; quand il revint en Alsace, il découvrit l’histoire de son frère qui s’était battu dans l’armée allemande sur le front de l’Est.

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Après ce résumé, il faut rappeler le sort, peu enviable, de ces provinces frontalières confrontées à une longue germanisation de 1871 à 1918, soit une génération, puis après une accalmie de 23 ans, une seconde germanisation bien plus courte mais encore plus violente de 1941 à 1945. Deux fois dans leur Histoire, ils ont dû choisir entre l’exil et la servitude, c’est-à-dire pour ceux qui étaient mobilisables entre les armées alliées et l’armée allemande. Ils ont fait leur choix selon leurs convictions personnelles, parfois influencés par leurs proches. Les « Rhin et Danube » se souviennent de leur accueil inoubliable dans leurs villages ravagés par la guerre ; ils compatissent à leurs souffrances mais c’est vers ceux qui les ont rejoints que va leur estime.

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