La libération fulgurante de Strasbourg par Leclerc et sa 2ème D.B. le 23 novembre 1944 restera comme l’un des exploits les plus remarquables, et politiquement l’un des plus importants, de la campagne d’Alsace et de la campagne de France.
La 2ème D.B. appartient au 15° Corps américain qui attaque en direction de Saverne -porte de l’Alsace- du 13 au 17 novembre 1944. La Division Leclerc est en réserve jusqu’au 17 où elle prend Badonviller, ouvrant la route des arrières de l’ennemi. Le mot d’ordre est la course aux cols. Le 19, Saverne est enveloppé. Il faut prendre l’ennemi de vitesse, c’est une question d’heure, et même de minute. La D.B. triomphe partout et, dans une ambiance de victoire, se lance vers Strasbourg et si possible Kehl par cinq itinéraires, sans trop se soucier de rester à la hauteur les uns des autres. Et le 23 c’est la victoire incroyablement rapide, La capitale de l’Alsace retrouvée, le serment de Koufra tenu avec les trois couleurs sur la cathédrale. Mais Kehl n’a pu être enlevé (voir dans “Témoignages” “Il ne tombera jamais plus d’obus sur Strasbourg – 23° R.I.C.”).
Le 25 décembre 1944, le général von Rundstedt déclenche la dernière grande offensive à l’ouest de l’armée allemande, son but étant, à partir des Ardennes d’aller reprendre Anvers et Strasbourg. Des moyens considérables sont mis à sa disposition, les dernières réserves, les meilleures et les autres, soit 200 000 hommes et un millier de chars.
Le général allemand Guderian, qui avait assuré la victoire en France en 1940 par l’application des idées de de Gaulle sur les colonnes blindées motorisées, imagina des équipes de saboteurs habillés d’uniformes américains et conduites par des Allemands parlant parfaitement américain; ils orientaient les convois vers des destinations sans issue, intervertissaient les pancartes routières, donnaient de faux renseignements à ceux qui leur demandaient une aide, recherchaient avidement les dépôts d’essence, condition du succès de l’offensive, etc, etc. Lorsqu’ils étaient pris et soupçonnés, les G.I. (nom adopté pour désigner le soldat américain de base, abrégé de “Government Issue”: fourniture du gouvernement) leur posaient des colles sur les événements sportifs aux USA, les dernières vedettes de cinéma, et autres…
Guderian, auquel on demandait son avis dans les situations très difficiles, avait perdu ses meilleurs soldats sacrifiés devant Moscou, premier pas vers la défaite totale !
Et le mauvais temps interdira l’utilisation de l’aviation au début de l’offensive. Le beau temps revenu le 22 janvier l’arrêtera net en appuyant les manoeuvres de contre-offensives des alliés. Ce sera alors la disparition définitive de tout espoir de victoire pour l’armée allemande.
Lors d’un souper intime au soir de Noël organisé par son Cabinet, de Lattre apprend le départ de l’offensive allemande vers Anvers et aussi vers Saverne pour un retour en Alsace à partir de Bitche. Ceci inquiète fort le général Patch d’autant plus que la consigne du S.H.A.E.F. (haut commandement allié) est de céder du terrain afin de maintenir l’intégrité des unités. De plus, il faut prévoir une offensive allemande au nord de la poche de Colmar. Eisenhower donne l’ordre de se replier sur les Vosges, dans une attitude purement défensive. La 2ème D.B. est redonnée à la 7° Armée US. On rappelle dare-dare la 1ère Division Française Libre envoyée pour la réduction des poches autour des ports en France pour la relever. Le dramatique abandon de l’Alsace libérée est prévu dans les ordres et le général de Lattre est placé dans une situation très difficile car il n’est, pour lui et de Gaulle, pas question d’abandonner Strasbourg et il ne peut ignorer l’appartenance de la Première Armée au dispositif allié, dont il dépend, en tout, étroitement.
Le 31 décembre, à 23h, six divisions d’infanterie allemande et une panzer (blindée) attaquent dans le but de s’emparer de la trouée de Saverne, porte de l’Alsace ! Le 1er janvier, Eisenhower donne l’ordre de repli sur les Vosges pour le 5 janvier avec l’abandon de l’Alsace du nord.
Ignorant encore l’existence de cet ordre, de Lattre lui écrit :”Strasbourg constitue un symbole de la résistance et de la grandeur de la France. La libération de cette ville a été le signe définitif de la résurrection nationale française. Son abandon inciterait la France à douter de la victoire : il aurait en outre un retentissement mondial. Il exalterait le moral d’une Allemagne pourtant au bord de la défaite…. la 1ère Armée Française n’est pas actuellement en mesure de défendre directement Strasbourg, mais elle est décidée à faire tout ce qui est en
son pouvoir pour couvrir la ville au sud…Elle compte, je vous le demande personnellement de la façon la plus insistante, que la 7ème Armée Américaine fasse l’impossible pour défendre Strasbourg avec la dernière énergie…. L’honneur militaire et le prestige des armées alliées y sont engagés.”
Non seulement de Lattre n’envisage pas de replier l’aile gauche de son armée, mais décide de prendre à sa charge la défense de Strasbourg. C’est la 3° Division d’Infanterie Algérienne de Guillaume qui la sauvera, unité d’élite qui n’a pas eu une semaine de repos pratiquement depuis le début de la Campagne d’Italie, mais comme “les grognards de la garde,” marchera. Superbement.
La lettre au Général Eisenhower a provoqué la conférence de Versailles le 3 janvier à 15h entre le commandant suprême, Wiston Churchill venu spécialement de Londres et le général de Gaulle. Il en résulte que des dispositions nouvelles sont adoptées pour la couverture de
Strasbourg, et courageusement tenues. La 7ème Armée US tiendra sur l’ancienne ligne Maginot, les Français à sa droite, défendront Strasbourg et le nord de l’Alsace déjà libérée.
La crise dramatique est donc réglée avec un resserrement des liens d’amitié et de confiance avec nos alliés et le mois de janvier vérifiera la remarquable efficacité et solidité de la coalition.
Après de très durs combats, l’ennemi sera partout battu et les cloches de la cathédrale de Strasbourg sonneront la victoire des alliés et le glas du reich.