A la suite du franchissement du Rhin, dans la nuit du 30 au 31 mars, nous avons deux petites têtes de pont qui n’en feront qu’une sur un front de 20 km.
De nouvelles unités traversent, dont la 5° D.B. qui a obtenu un créneau de passage sur le pont américain de Mannheim. Le 1er avril Monsabert a tout son 2° Corps à l’Est du Rhin. A l’aube du 2 avril, la 9° D.I.C. traverse plus au Sud avec un succès complet. Alors commence avec fierté la marche en pays ennemi, sur les traces de Turenne et de Napoléon. Le 3, l’avance est de plus de 15 km sur tout le front dans le pays de Bade. Le 4 au matin, Karlsruhe tombe. En cinq jours, la tête de pont est de 40 km de long et parfois de même en profondeur, 100 blockhaus enlevés, 80 localités conquises, 3 500 prisonniers et leur matériel.
Le 4, 130 000 des nôtres et 10 000 véhicules sont à pied d’œuvre.
Le groupe d’armées américain semble se rabattre vers le Sud, ce qui réduirait notre conquête à la portion congrue et le Général de Gaulle demande d’urgence la prise de Stuttgart et précise: “… la capitale du Wurtemberg sera pour nos troupes la porte ouverte vers le Danube, la Bavière, l’Autriche. Sa possession nous assurera en outre un gage important pour soutenir nos desseins quant à la zone d’occupation française.”
La 19° Armée allemande tient tête avec énergie devant Stuttgart et le couloir badois. De Lattre oriente alors son action vers Freudenstadt, clé du débouché de la Forêt-Noire vers l’Est.
Monologue du Général de Lattre après la signature de le capitulation allemande à Berlin le 8 mai 45
« Mes petits gars, ils ont été merveilleux. Je pouvais tout leur demander. Jamais armée n’a connu pareil enthousiasme ni montré plus de discipline intellectuelle. La victoire de Freudenstadt et son exploitation dans trois directions divergentes est quelque chose d’unique. Il fallait des soldats sensationnels pour oser cela. Et pourtant ce sont des petits Français comme les autres. Il y a 10 mois, ils ne savaient rien !” (Histoire de la Première Armée française, Plon)
Freudenstadt, cœur du dispositif de la 19° Armée, a été enlevé le 16 avril au prix de durs combats par un groupement de la 2° D.I.M.
Ainsi s’achève la dislocation de la défense allemande.
Le 21 avril, Stuttgart tombe. Le 24 nos trois couleurs flottent sur la forteresse d’Ulm, 140 ans après la victoire des soldats de la Grande Armée. Le 24, prise de Sigmaringen. Le 28, la frontière autrichienne est franchie. Les bases allemandes de Friedrichshafen et de Lindau sur la lac de Constance tombent entre nos mains, avec leurs chantiers de navires, d’avions, de V2.
Après avoir anéanti en cinq semaines deux armées allemandes, fait 180 000 prisonniers, envahi les Pays de Bade et de Wurtemberg, une partie de l’Autriche et de la Bavière, la campagne victorieuse de la 1ère Armée est terminée.
“Vous venez d’inscrire sur nos drapeaux et nos étendards deux noms chargés d’histoire et de gloire française : Rhin et Danube”, dit le Général de Lattre, dans son ordre du jour n°8.
L’insigne de la Première Armée Française portera désormais ces deux noms au-dessous des armes de Colmar.