Déclaration de Winston CHURCHILL à la Chambre des Communes au lendemain du débarquement de Provence: « Quelle chose magnifique que d’être aujourd’hui français, avoir 20 ans et son pays à reconquérir ! »
Rares sont les instants d’une vie où le cœur est pris d’une émotion intense et où chacun se sent, à part entière, membre d’une communauté chargée d’une mission historique et sacrée. Le 15 août 1944, chacun des 250 000 soldats de l’Armée « B », future Première Armée Française, posant le pied sur le sol chéri de la France, après deux ans d’intense préparation, fut pris à la gorge d’une émotion extrême car, avec une mentalité de vainqueur, il venait rendre à la Patrie sa liberté. Cette Armée était issue, principalement, de l’Armée d’Afrique basée en Afrique du Nord, entraînée et réarmée avec l’aide américaine dès le début de 1943. Très diverse mais unie dans la fraternité des armes, elle rassemblait plus de 100 000 français ou européens d’Afrique et de Corse, des métropolitains évadés, de nombreux soldats autochtones du Maroc, d’Algérie, de Tunisie, d’Afrique Noire et de l’outre-mer français. Après le débarquement, ils seront rejoints par 150 000 jeunes pleins d’ardeur qui venaient de subir, en France, quatre années de tyrannie ; ce fut l’amalgame, opération menée par le général de Lattre pour incorporer les jeunes héros des maquis à son armée. Ensemble, ces 400 000 soldats contribuèrent à renforcer, aux yeux des alliés, l’autorité politique du gouvernement du général de GAULLE et la place retrouvée de son armée au niveau mondial.
Le débarquement de Provence « Dragoon » fut la dernière opération importante des alliés sur le théâtre méditerranéen. Elle fut montée par le 6èm GROUPE D’ARMEES US ( Lt Général DEVERS) comprenant la 7ème ARMEE US (Général PATCH commandant les opérations de débarquement): 3ème , 36ème et 45ème DIUS venant d’Italie et l’ARMEE « B » future Première Armée Française (Général de LATTRE de TASSIGNY). Les unités françaises viennent
d’Italie (1ère DFL, 3ème DIA, 2ème DIM, 4ème DMM, 1er et 2ème GTM), de Corse (9ème DIC, 3ème GTM, Bataillon de choc, Commandos d’Afrique), d’Afrique du Nord (1ère et 5ème DB, unités de réserve générale). Le point de débarquement le plus à l’ouest fut Cavalaire (hors de portée des canons de 340 ennemis de Saint-Mandrier) et s’étendit sur 70 km à l’est, jusqu’à la plage d’Agay.
Le 10 août, la Naval Western Task Force 88 composée de 1370 navires de commerce appuyée par 880 navires de guerre dont 34 français appareille ; en tête les LCI (Landing Craft Infantry) et les LST (Landing Ships Tanks) puis le personnel et le matériel de la seconde vague embarqués sur des navires classiques. L’amiral HEWITT trompera l’ennemi en dirigeant son armada vers Gênes ; à l’aube du 15 août, servi par une brume légère interdisant les reconnaissances aériennes, il fit effectuer un virage à 120 degrés vers les plages de débarquement assignées en Provence. Un soutien aérien couvre le débarquement par 2000 avions venant des porte-avions mais surtout de Corse où 14 aérodromes ont été aménagés.
« L’héroïsme et la fougue manifestés par nos troupes tant à l’île d’Elbe qu’en Italie ne faisaient que traduire leur impatience de voir enfin arriver l’heure où commencerait la Libération de la France » Général de LATTRE
Les opérations peuvent être décomposées en trois phases :
Première phase :
Dans la nuit du jour J-1 au jour J (15 août) les 5 000 parachutistes anglais et américains de la 1ère Airborne Task Force du Général FREDERICK sont largués dans la région du Muy afin d’interdire la venue de renforts allemands vers la côte.
Sur les plages de débarquement, symboliquement, le premier assaut fut livré au Cap Nègre par les français des Commandos d’Afrique articulés en trois groupes. Le premier est le groupe naval d’assaut des fusiliers marins « Rosie » commandés par le Capitaine de Corvette MARCHE dont le commando va se faire massacrer dans un champ de mines. Le second, « Roméo » du Colonel BOUVET, réussira à s’emparer des batteries du Cap Nègre. Le troisième, « Sitka » du 1er Spécial Force, neutralisera devant Hyères les batteries des îles de Port Cros et du Levant.
Deuxième Phase :
Le jour J (15 août) à l’aube, 1 000 avions larguent 800 tonnes de bombes sur les défenses des plages ; ensuite, la flotte tire 16 000 obus depuis ses 400 canons et les bateaux-fusées lancent 30 000 projectiles.
Les unités américaines et françaises aguerries en Tunisie et en Italie, la 7èmeArmée US du général PATCH renforcée par le CCI du général SUDRE débarquent sur trois plages ; La 3ème DIUS du général O DANIEL et le CCI SUDRE sur la première « Alpha » en face de Cavalaire, Pampelonne et Ramatuelle ; La 45ème DIUS du général EAGLES sur la seconde « Delta » en face de Sainte-Maxime et La Nartelle ; la 36ème DIUS du général DAHLQUIST sur la troisième « Camel ». La mission était de créer une tête de pont de 25 km de profondeur afin de rejoindre les parachutistes. L’élan est irrésistible, 94 000 hommes et 1 100 véhicules sont mis à terre ce jour-là.
Troisième phase :
Le 16, à 19 heures, le premier échelon de l’Armée « B » débarque : la 1ère DFL, la 3ème DIA, le Combat Command n° 2 de la 1ère DB, le 2ème Régiment de Spahis Algériens de Reconnaissance, les 7ème et 8ème Régiments de Chasseurs de Chars, deux groupes d’Artillerie lourde et des éléments du Train et des Transmissions soit 37 000 hommes et 5 860 véhicules. Le 17 voit débarquer la 9ème DIC et les Goums ainsi que les premiers éléments de la Base 901. Les unités commencent à pousser en avant vers leurs héroïques prouesses, si bien que la prise de Toulon et celle de Marseille planifiées respectivement pour le 4 et le 23 septembre furent effectives les 26 et 28 août. Le débarquement du reste de l’Armée « B » se termina fin octobre.
La participation de la Marine Française au débarquement de Provence
Ce sont 2 120 bâtiments au total qui ont pris part au débarquement de Provence, dont 250 vaisseaux de guerre, 600 grands transports et 1270 péniches de débarquement.
Les vaisseaux français constituent, pour la première fois depuis 1940, une force importante de 34 unités, placée sous les ordres du contre-amiral Lemonnier.
Cette force se composait de :
- Croiseurs : Lorraine, Montcalm, Gloire, Georges Leygues, Émile Bertin, Duguay Trouin, Jeanne d’Arc.
Croiseurs légers : Le Terrible, Le Fantasque, Le Malin,
- Torpilleurs : Le Fortuné, Forbin, Tempête, Simoun, Alcyon.
- Destroyers d’escorte : Marocain, Tunisien, Hova, Algérien, Somali
- Avisos : Commandant Dominé, La Moqueuse, La Gracieuse, Commandant Bory, Commandant Delage, La Boudeuse.
- Pétroliers : Elom, Le Mékong, Var.
- Transports de munitions : Quercy, Barfleur,
- Divers : Chasseur 95 et 96, YMS 271
Au cours de l’action cette force tira environ 2000 obus
La carte ci-dessous vous montre les différentes zones d’attaque des Forces TF 84, 85, 85,87 avec les navires de soutien.
A 8h le 15 août, les troupes américaines du général Truscott débarquent ainsi que les Français du “Combat Command 1” du général Sudre
Avec les premiers éléments débarqués le 16 août de la Première Armée Française, alors “Armée B”, le général de Lattre attaque sans tarder Toulon, puis Marseille où il remportera deux éclatantes victoires, en avance de quarante jours sur le “planning” de l’U.S. Army.