Message de FIN

Nous nous devons de clôturer ce site par un message d’espoir, en hommage aux combattants de la Première Armée.

Charles De Gaulle a écrit en 1947 : « Qui sait si le sacrifice des morts qui sont tombés des deux côtés n’aurait pas en définitive aidé les deux peuples à comprendre qu’ils sont faits non pas pour se battre, mais pour marcher fraternellement ensemble !

Le Chancelier Konrad Adenauer sera accueilli à Colombey-les-Deux-Eglises, chez le Général De Gaulle, les 14 et 15 septembre 1958.

Il me semble, en effet, qu’il convient de donner à la rencontre une marque exceptionnelle et que , pour l’explication historique que vont avoir entre eux , au nom de leur deux peuples, ce vieux Français et ce très vieil Allemand, le cadre d’une maison familiale a plus de signification que n’en aurait le décor d’un palais.”

Adenauer déclare: “Je n’ai eu pour Hitler et ses gens que réprobation et mépris et n’ai reçu que sévices infligés à moi-même et aux miens” et “Si le rapprochement réel de nos pays est dans vos intentions, laissez-moi vous dire que je suis résolu à y travailler avec vous.”

et de Gaulle répond : “La France … peut, assurément, favoriser le rétablissement de son séculaire agresseur. Elle le fera -avec quel mérite !- au nom de l’entente à contruire entre les deux peuples, ainsi que de l’équilibre, de l’union et de la paix de l’Europe.”

(Mémoires de de Gaulle. Pléiade pages 1031-1038)

Ce fut le début de l’extraordinaire et admirable création de l’Europe… qui finira bien par tenir ses promesses !

F I N

* Konrad ADENAUER (1876-1967) : Chancelier de la République Fédérale d’Allemagne de 1949 à 1963. Il fut un des partisans les plus actifs de la création de la Communauté économique européenne et accéléra en 1962-63 le rapprochement franco-allemand. (Larousse)

Final Message

We cannot close this site in any other way than with a message of hope, in homage to the veterans of the First Army.

De Gaulle, again, prophetically wrote, in 1947: “Who knows if the sacrifice of those who lost their lives on both sides did not in the end help both people realize that they were created not to fight each other, but to walk side by side like brothers!”

There will be the welcoming of Chancellor Konrad Adenauer* at Colombey-les-Deux-Eglises, on the 14 and 15 of September 1958, for, says de Gaulle: “It seems indeed appropriate to treat this encounter as an exceptional event, and it seems that, for the historical conversation that will take place, in the name of their respective people, between this old French man and this ancient German, a family home would hold more significance than the solemnity of a palace.”

Adenauer declares: “I felt nothing for Hitler and his supporters but disapproval and contempt, and I and my family and friends experienced only cruelty from them” and “If your intention is a true reconciliation between our countries, let me tell you that I determined to work towards it with you .”

And de Gaulle answers: “France … can, by all means, look favorably upon the restoration of her age-long aggressor. She will do it -much to her credit! – for the sake of the friendship to be built between the two people, and the balance, union and peace of Europe. “

(Memoires of de Gaulle. Pléiade pp. 1031 – 1038)

Thus began the extraordinary and admirable creation of Europe… that will end up keeping its promise!

THE END

*Konrad ADENAUER (1876-1967): Chancellor of the Federal Republic of Germany from 1949 to 1963. He was one of the most active supporters of the creation of the European Economic Community and worked in 1962-63 to speed up the reconciliation between France and Germany. (Larousse)

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Drôle de mois de décembre ; drôle de Noël

Pour le 4ème RTT, le mois de décembre 1944 fut marqué de nombreux avatars. Pour moi, alors jeune aspirant chef de section à la 2ème Compagnie (capitaine Billard) du 1er Bataillon , il restera toujours ancré dans ma mémoire. Depuis l’Italie, nous n’avons eu qu’une seule période de repos à Remiremont en novembre. Le 4 décembre, le bataillon est détaché du régiment ; mis à la disposition du Combat Time N° 3, il reçoit la mission de relever au Hohneck un bataillon du régiment de Franche-Comté qui, audacieusement, s’est emparé de l’hôtel du sommet (1 366 mètres) dans la nuit du 3 au 4 décembre. Le bataillon doit tenir le Hohneck sans esprit de recul et maintenir le contact avec l’ennemi car le commandement espère voir s’ouvrir bientôt le col de la Schlucht, porte de l’Alsace.

Pour arriver à destination, nous traversons Gérardmer aux murs calcinés pour arriver au lac de Retournemer d’où nous repartons le 6 à six heures du matin. C’est la montagne sous la neige ; après les derniers sapins qui déversent de temps en temps leur surcharge de neige sur nos têtes, nous arrivons au Chaume, immensité blanche balayée par le vent où l’on s’enfonce jusqu’à mi-cuisses. Les tirailleurs sont fatigués et transis. Vers treize heures, nous arrivons à la ferme du Chitelet. La 1ère Compagnie du capitaine Lartigau, renforcée par une section de mitrailleuses lourdes de la Compagnie d’Accompagnement (CA) nous y a précédé la veille puis elle est montée occuper l’hôtel situé à 1 200 mètres de là.

Carte IGN Hohneck

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L'hôtel au sommet du Hohneck (1366m)

L'hôtel au sommet du Hohneck (1366m) - Cliquez popur agrandur la photo)

Le PC du bataillon, la 2ème compagnie et le reste de la CA s’installent dans la ferme. Ma section est détachée quelques trois cents mètres en avant, dans un chalet fortifié situé au débouché de la piste menant à l’hôtel. Je ne suis pas le plus mal loti, des créneaux permettent de mettre les fusils mitrailleurs en batterie et un gros poêle permet de réchauffer les hommes et de dégeler les armes.

Le 7,  je lance quelques patrouilles sans trouver le contact ; les patrouilleurs rentrent gelés et il faut parfois les frictionner avec de la neige pour éviter des gelures plus graves. Dans la nuit du 7 au 8, la neige tombe à gros flocons ; il faut constamment déblayer les embrasures des fusils mitrailleurs et effectuer une rotation des armes qui gèlent très vite ; les skieurs allemands en profitent pour effectuer un premier coup de main repoussé sur l’hôtel. Le 8 les Allemands canonnent l’hôtel. A vingt-trois heures, branle-bas de combat ; des voix allemandes se font entendre à proximité du chalet puis on frappe à la porte ; soulagement, c’est un groupe de sept allemands qui désertent ; je les fais acheminer vers le PC du bataillon pour interrogatoire. Le 9, nouvelle attaque repoussée sur l’hôtel. Le 10, la relève de la première compagnie par la 3ème commence à raison d’une section par jour ; un caporal et le dernier muletier qui ont trainé derrière le convoi n’arrivent pas à destination ; des tirs de mortiers s’abattent sur le Chitelet pendant que des rafales de mitraillettes partent des bois qui environnent cette ferme. Il apparait qu’il est désormais impossible d’accéder à l’hôtel sans combattre.

Une première attaque de dégagement est tentée le 11 à midi ; nous nous élançons depuis le talus sud de la route et nous nous enfonçons dans la neige jusqu’au ventre ; le brouillard ne permet pas de localiser les armes ennemies qui se déclenchent ; les hommes sont cloués dans la neige striée des trainée noires de l’éclatement des obus de mortiers ; le froid fait son œuvre, les armes ne fonctionnent plus, les hommes tombent glacés jusqu’à la moelle. Vers seize heures, il faut se rendre à l’évidence : nous n’arriverons pas sans un déneigement de la route et un appui de chars.

Cette action est prévue pour le lendemain mais le 12, en fin de matinée, je vois descendre sur la piste et passer devant le chalet le lieutenant Vittrant, de la 1ère compagnie, suivi d’officiers allemands munis d’un drapeau blanc ; ils viennent demander la reddition sans condition de l’hôtel du Hohneck, reddition refusée malgré la situation alarmante de la compagnie ; par contre, leur propre reddition est proposée ; les négociations se poursuivent toute la journée, ce qui leur permet sans doute de parfaire leur dispositif autour de l’hôtel. Le soir l’hôtel est à nouveau canonné, le poste radio est détruit et une nouvelle attaque a lieu le 13.

Ce n’est que le 14 que le Combat Time n° 3 monte une opération avec un bataillon du 7ème RTA et un appui de chars. Le temps est clair, la journée ensoleillée, le paysage est totalement différent. Ma section est en tête sur la piste, un bulldozer du Génie précède la colonne de chars ; je revois encore l’un des tireurs au fusil-mitrailleur de ma section, juché sur l’engin, faisant dégeler son arme sur les gaz d’échappement alors que les balles sifflent de tous côtés. L’apparition des chars et leur tir ajusté sèment la panique chez l’ennemi. Nous ramassons dans les casemates allemandes des armes automatiques et des mortiers. La section de l’adjudant tunisien Amara et la mienne quittent la piste et progressent vers le Haut du Falimont, croupe glacée à la surface si dure que les obus de mortiers n’y font pas d’entonnoirs. La nuit commence à tomber, une bise glacée se lève. Par radio nous recevons l’ordre de redescendre ; une patrouille du 7ème RTA est parvenue avant nous à proximité de l’hôtel, à son appel en arabe une voix a répondu « Kom Kamerad ». Nous ne saurons qu’à la fin de la guerre, avec le retour des prisonniers, comment s’est passée l’agonie de la première compagnie dans la matinée du 14, au cours d’une attaque aux lance-flammes et panzerfaust puis sous les charges explosives ; la cinquantaine de survivants, pour la majeure partie blessés ou brûlés, furent capturés. Si longtemps après je ressens encore la rage de penser qu’à une journée près nous aurions pu les sauver.

Nous sommes relevés le 15 par un bataillon du 7ème RTA ; outre la 1ère compagnie, le restant du bataillon a eu cent dix- huit pertes ; à la 2ème compagnie, ma section est la plus nombreuse : six, moi compris, les gelures aux pieds font que l’on assiste à un défilé d’éclopés. Nous sommes dirigés en camions vers le col du Bonhomme, en vue de rejoindre le régiment qui a pris Orbey (commune située à une dizaine de kilomètres à l’est de Kaysersberg). Nous sommes à Orbey du 21 au 23 ; nos unités sont reconstituées à l’aide d’un renfort de jeunes recrues tunisiennes qui n’ont jamais connu l’épreuve du feu. Je fais prendre les trois fusils mitrailleurs de ma section par des anciens et par de jeunes engagés français qui nous ont rejoints.

Le 24 décembre, à huit heures, les Allemands déclenchent la première attaque sur nos positions au sud d’Orbey en vue de reprendre cette localité ; c’est le 3ème bataillon qui reçoit le choc et doit céder du terrain, puis c’est le tour du 2ème bataillon dont la 6ème compagnie doit se replier et perd la côte 750. Le colonel Guillebaud, commandant le régiment, engage le premier bataillon ; le capitaine Billard me désigne comme section de tête de la contre-attaque. Comme chaque fois qu’un tel ordre m’est donné, je sens cette bête qui me vrille les entrailles et qui disparaîtra quand l’action sera engagée avec les regards des hommes fixés sur moi qui m’aideront à ne pas flancher. Ma section se déploie, sous les ordres de mon adjoint, le sergent-chef Rubod, pendant que le capitaine, à son PC, me précise ma mission puis m’accompagne vers la base de départ ; tout à coup, un sifflement déchire l’air et nous nous regardons tous deux en pâlissant : les six tubes ! Nous ne les avions plus entendus depuis l’Italie ; la rafale s’abat en plein sur ma section qui s’est jetée au sol. Je me précipite pour juger des dégâts ; heureusement, le six tubes, lance-roquettes de cent cinquante millimètres (Nebelwerfer 41), impressionnant par son bruit, a une grosse dispersion et fait de gros éclats, moins dévastateurs sur un groupe que les mortiers ; aucun homme n’est touché.

Nous continuons la progression vers la côte 750 ; à une trentaine de mètres avant le sommet, nous passons un muret de pierres qui se révèlera ultérieurement comme providentiel. A proximité de la crête, nous tombons sur un guetteur ahuri que nous faisons prisonnier. La crête passée, nous essuyons un feu nourri d’armes automatiques parmi lesquelles on distingue celui, caractéristique, de la « tronçonneuse d’Hitler », la redoutable MG 42 tirant mille coups par minute ; parallèlement des bruits de chars et des détonations de canons

Carte Orbey

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antichars se produisent sur la piste menant au Noirmont, au sud d’Orbey, en arrière de notre position, où la Compagnie Antichar (CAC) du régiment fait face à une attaque de chars ennemis au carrefour bien nommé… de Bethléhem. Mes jeunes recrues, peu habituées à une telle situation, refluent vers l’arrière et j’ai la plus grande peine à les faire stopper derrière la murette rencontrée en montant. Nous nous y établissons pour la nuit, à contre pente de la crête ; les blessés et le prisonnier sont évacués ; ce dernier nous apprendra que nous avons en face de nous les jeunes élèves d’une école de sous-officiers stationnée à Rouffach.

Le capitaine nous a fait parvenir un ravitaillement spécial pour cette nuit de Noël mais le cœur n’est pas à la fête, les liquides non alcoolisés sont rapidement transformés en blocs de glace, il fait si froid et le foyer est si loin, nous ne pouvons qu’évoquer des réveillons antérieurs plus chaleureux. Dans la nuit, nous repoussons deux patrouilles venues vérifier jusqu’où s’est effectué notre repli.

Le 25, au lever du jour, les Allemands attaquent, heureusement en hurlant ce qui réveille ceux qui somnolaient parmi nous ; nous parvenons à les repousser grâce au tir d’un bazooka et au jet de plusieurs grenades. Dans l’après-midi, nouvelle attaque ; nous ouvrons le feu et un jeune vosgien à qui j’avais confié un fusil mitrailleur se dresse, l’arme à la hanche, en tirant par rafales ; je lui ai à peine crié « couchez-vous ! » qu’il s’écroule, une rafale ennemie en pleine poitrine. Je repère le fusil mitrailleur qui a tiré, à une vingtaine de mètres, le tireur est quasiment masqué par le tronc d’un sapin mais son servant-chargeur n’est pas protégé ; je l’ajuste avec ma carabine US M2 et je tire ; il roule sur lui-même en hurlant. Complètement hors de moi, dans le feu de l’action, je m’apprête à l’achever lorsque me revient, heureusement, ce que l’on m’a dit lors de mon stage à l’école de Cherchell : on n’achève pas les blessés hors de combat. Mon attention est d’ailleurs attirée par un homme portant un Panzerfaust qui vient de franchir la crête ; il est abattu avant d’avoir pu faire usage de cette arme. A la faveur de la nuit, les Allemands se replient en emportant leurs blessés et leurs morts. Dans la nuit du 25 au 26, une patrouille est repoussée à la grenade.

Le 26 au matin, un calme inhabituel nous laisse supposer que l’ennemi a abandonné sa position devant nous ; j’envoie une patrouille qui confirme cet abandon qui se révèle être une débandade car, après avoir franchi la crête de la côte 750, la section récupère cinq fusils mitrailleurs, plusieurs fusils, des munitions et du matériel téléphonique. Nous nous portons alors en lisière sud du bois couronnant la côte 750, face à la forêt du Rain des chênes, tenue par les Allemands  (voir la carte d’Orbey).

On commence à parler sérieusement de relève car des officiers du 1er Régiment de Chasseurs Parachutistes sont venus en reconnaissance. Effectivement, le régiment est relevé le 2 janvier 1945 ; le 3 janvier, il est tout entier au repos ; il y restera à peine quarante-huit heures car il faut aller sauver Strasbourg menacé par le remaniement du dispositif allié faisant suite à l’offensive allemande des Ardennes.

Général (2S) René AUVIN

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Camaraderie de combat franco-américaine

Quelles merveilleuses preuves de l’amitié franco-américaine que ces ordres du jour de nos chefs militaires au lendemain de la victoire de Colmar :

odjEt le général de Lattre ajoute, dans son livre : “Histoire de la 1ère Armée Française” (Plon éditeur) :

“Pour moi, je puis le dire, je n’ai pas de plus fier souvenir que d’avoir, pendant ces semaines épuisantes, eu l’honneur de commander, avec mes deux Corps d’Armée organiques, les 125 000 Américains valeureux du Corps d’Armée Milburn qui furent alors plus que des alliés : une part de nous-mêmes. C’est à Colmar que la division O’Daniel gagna notre fourragère aux couleurs de la Croix de guerre.

Et c’est à Colmar que quatre divisions américaines acquirent le doit de porter , comme les nôtres, l’insigne de la Première Armée Française (qui deviendra l’écusson RHIN et DANUBE)”.

Ces messages montrent à l’évidence la camaraderie de combat franco-américaine.

Pour bien la comprendre, il faut remonter en février 1944 à Anfa (Maroc) où le Président Roosevelt signa avec le Général Giraud les accords pour le réarmement d’une grande partie de l’Armée d’Afrique, qui avait été plus que convaincante lors des campagnes de Tunisie et d’Italie.

Un des traits marquant du caractère américain est d’accorder d’emblée sa confiance (pour le permis de conduire par exemple, sans examen) afin de gagner du temps, mais malheur à celui qui la trompe

Le soldat de l’Armée “B”, devenue la Première Armée Française après ses premiers succès, eut l’honneur, sur-le-champ, d’être considéré par l’U.S. Army comme un citoyen américain, habillé, nourri, armé aux frais du contribuable américain. Ceci, chose extraordinaire, sans serment ni soumission d’allégeance, de plus en conservant ses cadres tout en étant placé sous le haut commandement des généraux Devers et Eisenhower. Il ne fut jamais considéré, grâce à ses premiers exploits, comme faisant partie d’une force que l’on aurait pu qualifier de “supplétive”. Ceci grâce au génie tactique de notre général Jean de Lattre de Tassigny et au courage de ses soldats. L’U.S. Army nous fit dès le début une confiance totale, qui ne sera pas regrettée, mais honorée !

Avoir été considéré comme un citoyen américain ne laissera pas insensible la majorité de nos soldats. Comme l’écrit Bob Green dans “Notre heure la plus belle”. L’esprit triomphant de la deuxième guerre mondiale : “Si vous lui aviez demandé ce qu’il avait accompli de mieux durant sa vie, je suis tout à fait certain qu’il aurait dit, sans hésitation : Avoir servi dans les rangs de l’Armée des Etats-Unis au cours du plus grand conflit de l’histoire de l’homme.

Bien entendu, nous ne sommes pas, à l’heure actuelle, soixante-six ans après la victoire, des inconditionnels des Etats Unis, mais il est certain que nous sommes intimement touchés lors des épreuves subies par le peuple américain, et réjouis de ses succès. Et nous n’osons pas penser à ce que la France serait devenue si ses soldats n’étaient pas venus combattre, et parfois mourir, pour nous sauver de l’esclavage et de la tyrannie.

Gloire à toi La Fayette, et encore merci ; ton esprit est toujours bien vivant chez tout un chacun des deux côtés de l’Atlantique !

AMERICANO-FRENCH COMBAT FELLOWSHIP

What wonderful evidence of the Americano-French friendship that the orders of the day of our military leaders in the aftermath of the victory at Colmar


And General de Lattre adds, in his book « History of the French 1st Army » (Plon Publisher): « For me, I may say, I don’t remember having felt prouder, during those grueling weeks, having the honor to command, along with my two principal  Corps, the 125,000 valorous Americans of the Milburn Army Corps, who were more than allies: a part of ourselves. It’s in Colmar that the O’Daniel Division won our fourragere with the « Croix de guerre » colors. And it’s in Colmar that four American Divisions acquired the right to wear, like ours, the French First Army insignia (which became the « Rhin et Danube » badge) ».

General de Lattre and General Millburn are finalizing the plan of attack.

These messages clearly show the Americano French combat fellowship.
To catch it well, we must go back to February 1944 in Anfa (Morocco) where President Roosevelt signed with General Giraud, agreements for the rearmament of a large part of the Army of Africa, which was more than convincing in the Tunisia and Italy campaigns. A major feature of the American character is to trust at once (for the driver’s license, for example, without exam) to save time, but woe to the one who deceives. The soldier of « B »Army, which became the French 1st Army after its first successes, was honored on the spot to be considered by the US Army as an American citizen, dressed, fed, and armed at the expense of the American taxpayer. This, strangely enough, with no oath of allegiance or submission,  and even more in retaining its  officers while being placed under the high command of Generals Devers and Eisenhower. He was never seen, thanks to his early feats, as part of a force that could have been horribly termed as « auxiliary ». This, thanks to the tactical genius of our General Jean de Lattre and the courage of his soldiers. The US Army gave us full trust from the beginning, which won’t be regretted but honored.

Having been considered an American citizen won’t leave unaffected the majority of our soldiers. In the words of Bob Geen in « Our Best Time », the triumphant spirit of World War II: « If you had asked him what he had done better in his life, I am quite sure that he would have said without hesitation: Having served in the ranks of the Army of the United States during the greatest conflict in history of man.

Of course, we are not, at present, sixty-six years after that victory, fans of the United States, but it is certain that we are intimately affected during the hardships of the American people and look forward to their success. And we dare not think what France would have become if its soldiers had not come to fight and sometimes die to save us from slavery and tyranny.

La Fayette, Glory to you, and thank you again; your spirit is alive and still living with everyone on both sides of the Atlantic!

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Liens utiles

  • MUSEE DES BLINDES
    1043 route de Fontevraud  49400 SAUMUR
    Tel 02 41 83 69 95
    Collection de 800 modèles dont 200, restaurés, présentés au public.
    Ouvert tous les jours.  Visites guidées en juillet et août à 10h 30 et 15h
  • MUSEE DE SAINT-JEAN D’ANGELY
    9 rue Régnaud     17400 SAINT-JEAN D’ANGELY
    Tel 05 46 25 09 72
    Le musée comprend deux parties: la première section présente la chronique des expéditions Citroën en Afrique dans les années 1920, des objets ethnographiques ramenés et la célèbre Autochenille (voir photo sous rubrique Véhicules de combat) qui est l’ancêtre des Half-Track de l’armée américaine en 1944/45 qui avait acheté le brevet Kégresse de ces véhicules.
    La seconde section présente un large éventail d’objets d’art, d’histoire et oeuvres d’art.
    L’entrée est gratuite et des visites guidées individuelles sont proposées à un tarif minime.
  • Cussac-Fort-Médoc
    C’est en 1970 que les villes de Cissac-Fort-Médoc et Sigolsheim se sont jumelées.
    Le vignoble de Cussac est classé HAUT-MEDOC, un terroir classé tout à fait excellent.
    Dans le but de verrouiller le fleuve à 37 km de Bordeaux (près de 4 km de large à cet endroit), Louis XIV ordonna le début des travaux du Fort du Médoc en 1686, terminés sous la direction de Vauban en 1690. Avec la citadelle de Blaye et le Fort Pâté sur une île (1690) le but fut atteint. Le Fort-Médoc, grâce aux efforts de remise en état par la collectivité et avec l’aide de l’Association « Les Amis de Fort-Médoc », a été inscrit à l’inventaire des Monuments Historiques Nationaux et sur la liste du Patrimoine de l’Humanité (UNESCO).
    Des cérémonies ont lieu lors des anniversaires du jumelage Sigolsheim / Cussac Fort-Médoc mais entre temps des séjours amicaux relient des familles des deux communes. Sigolsheim est un village martyr complétement détruit lors de la bataille de Colmar pour rejeter les dernières troupes allemandes hors d’Alsace, de France en janvier/février 1945. Pour cette victoire 125 000 soldats américains rejoignirent la Première Armée Française ; pour la première fois de l’histoire ces soldats d’Amérique furent placés sous les ordres d’un général autre qu’américain, le général français Jean de Lattre de Tassigny.
    Celui-ci a voulu qu’une nécropole regroupe 1 589 tombes des héros de Rhin et Danube, qu’à bien voulu accueillir la commune de Sigolsheim. C’est avec une profonde émotion que nous y faisons pélerinage , toujours si chaleureusement accueillis par la municipalité et les habitants.
    www.annuaire-mairie.fr/mairie-sigolsheim.html

    www.alsace-lieudememoire.com/necropole_nationale_de_sigolsheim.html
  • MUSEE  DE  L’INFANTERIE
    Le musée de l’Infanterie,  fut créé en 1973, à Montpellier, au sein de l’Ecole d’Application de l’Infanterie  Il retrace l’histoire du fantassin de 1479 à nos jours. Du fait du transfert de l’EAI de Montpellier à Draguignan, il a été mis en caisses en attendant une décision concernant son futur emplacement. L’Association des Amis du Musée de l’Infanterie ( AAMI ) qui l’a soutenu depuis sa création a créé un site internet de visite virtuelle.    www.musee-infanterie.com
  • MUSEE  DU  GENIE
    106, rue Eblé  49000 ANGERS ; tél. : 02 41 24 83 16 ( auprès de l’Ecole d’Application du Génie )
  • Ce musée rend compte de l’action du Génie de son origine jusqu’à nos jours, dans ses dimensions politique, culturelle, scientifique, technique et humaine en montrant au passage la trace qu’il a laissé dans le paysage français et dans le monde entier.
    www.musee-du-genie-angers.fr
  • MUSEE  DU  TRAIN  ET  DES  EQUIPAGES  MILITAIRES
    Précédemment installé à Tours, ce musée a été transféré à Bourges, avec l’école de la Logistique et du Train Avenue Carnot  18000 BOURGES
    Ecoles Militaires de Bourges  B.P. 50709  BOURGES  CEDEX
    Ce musée présente, entre autres, une collection de véhicules mis en œuvre par les «  tringlots  » depuis la création de l’Arme par Napoléon 1er jusqu’aux années 1980.
    « Dans certains cas, un camion peut avoir plus d’importance qu’un char »  général Schjwartzkopf, vainqueur de l’Irak ( guerre du Golfe )
    www.defense.gouv.fr/terre/bloc-patrimoine/musees/musee-du-train-et-des-equipages-militaires
  • MUSEE  DES  TRANSMISSIONS
    6, avenue de la Boulais   35510  CESSON  SEVIGNE ;   tél. : 02 99 84 32 43
    Ce musée présente une synthèse de l’évolution des systèmes d’information et de communications civils et militaires.
    www.espaceferrie.fr
  • MUSEE  DU  MATERIEL
    Quartier Carnot – avenue Carnot   18000 BOURGES;   Accueil : 02 48 68 74 39
    Ce musée retrace l’histoire du Matériel et de la maintenance de Louis XIV et Napoléon 1er jusqu’à nos jours et l’évolution des techniques.   www.defense.gouv.fr/terre/bloc-patrimoine/musees/musee-du-materiel
  • MUSEE  DE  L’ARMEE
    Hôtel national des Invalides   129, rue de Grenelle   75007 PARIS ;  Standard : 08 10 11 33 99
    www.invalides.org
  • ETABLISSEMENT  DE  COMMUNICATION  ET  DE  PRODUCTION  AUDIOVISUELLE  DE  LA  DEFENSE  (  ECPAD )
    www.ecpad.fr
  • Un site consacré à la mémoire des Résistants dont on ne parle jamais : les Évadés de France internés en Espagne et engagés volontaires en A.F.N. et les opérateurs radio de la Résistance, hommes et femmes qui se sont souvent sacrifiés.
    www.beiret-communication.com/
  • Le site de la ville de Colmar

 

 

  • Logo UNC UNION NATIONALE DES COMBATTANTS: une association qui accueille toutes les générations du monde combattant.
    18 rue Vézelay 75008 PARIS
    tél : 01 53 89 04 04
    http://www.unc.fr

 

  • Logo KoumiaLA KOUMIA : association des anciens Tabors marocains
    29 avenue du Général Leclerc
    92200 BOULOGNE
    tél 01 47 79 00 14
    La Koumia

 

 

Le site de la fondation Général Bigeard

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Capture du Train Blindé “Panzerzüg n° 31 SCARABEUS”

Récit du combat par le Lieutenant DES BRUNES (Extraits) :

Jeudi 7 septembre 1944.
A 8h 10, je reçois l’ordre du Capitaine Giraud de me porter au village de Saint-Bérain-sur-Dheune. Il ne m’accorde pour cette mission qu’une partie de mon peloton : ma jeep radio, une jeep avec mitrailleuse de 30, une jeep de protection, un Half-Track avec mitrailleuses de 50 et de 30, le Tank Destroyer  (T.D.) “Béarn”. Effectif : 1 officier, 2 sous-officiers et 22 hommes.

Avant d’entrer dans Saint-Bérain, un civil se précipite à ma rencontre et m’annonce qu’un train blindé allemand va entrer en gare. J’entends, en effet, assez loin encore, le bruit d’un train marchant au ralenti. J’hésite quelques secondes puis embosse le T.D. dans un petit chemin bordé d’arbres le long de la Dheune.

Je pars ensuite avec ma jeep, puis me dirige à pied vers le cimetière; nous sommes repérés. Je rejoins le peloton, pendant que le T.D. ouvre le feu sur le train.

Un civil arrivant à bicyclette m’annonce que cinq à six convois de transport de troupes suivent le train blindé  et que leurs occupants sont en train de mettre pied à terre. Etant donné le changement de situation  que m’apportent ces renseignements, je décide de défendre, par priorité, la lisière sud du village. J’y fait entrer mes jeeps, le T.D. et mon Half-Track. Les boches commencent à être agressifs; ils nous arrosent avec leurs armes automatiques  et nous envoient des minen (obus de mortier).

A 10h 55, j’entends un coup de sifflet comme pour le départ d’un train civil et le bruit d’un train qui démarre. Le T.D. Béarn s’embosse : la locomotive dès son apparition est saluée par quelques obus de 75 mm et s’arrête, les bielles fracassées.

A 12h 10, heureuse surprise, arrive une demi-section de zouaves à ma disposition. La situation s’est nettement améliorée, sans être encore brillante.

A 13h 50, nouveau coup de sifflet. Je vois le train précédemment en panne, s’ébranler, poussé par un autre train. Ma mitrailleuse de 50 ouvre le feu. Le T.D. Béarn vient reprendre sa place dans la rue du village. Je suis à côté de lui et conformément à mes ordres, il tire sur la locomotive, laquelle, touchée en plein dans la chaudière, exhale son dernier souffle de vapeur et s’immobilise; les voies sont maintenant bloquées par les trains en panne. Je fais mettre à l’abri mon précieux half-track. On m’annonce alors que les boches ont l’air de décharger un char derrière la gare : la fête va être complète !

A 15h 25, un message radio fait remonter ma propension naturelle (?) à l’optimisme :
a) – il doit y avoir une intervention de l’aviation sur le train blindé dans l’après-midi;
b) – des T.D. du 1er peloton vont s’embosser au-dessus du village pour tirer sur les trains;
c) – Je vais avoir un renfort d’infanterie
Effectivement, à 15h 45 arrive une section de zouaves.

A 18h10, j’apprends qu’un tir d’artillerie va se déclencher. A 18h 20, un véritable vrombissement emplit le ciel : les premières salves arrivent. Je fais allonger le tir qui sera d’une précision remarquable; mes hommes surexcités, jubilent et trépignent de joie. Huit avions se montrent à 18h30, mais voyant la précision du tir d’artillerie n’interviennent pas et font demi-tour. Plusieurs wagons commencent à flamber, des munitions explosent. L’ennemi semble pris de panique. Des groupes compacts se sauvent à travers champs, sans arme ni équipement.

A 19h 10, le tir d’artillerie cesse. A 19h15, je rencontre le capitaine Viane qui, avec le reste de sa compagnie, vient occuper et prendre le commandement du village. La nuit tombe.

Vendredi 8 septembre 1944

Après une nuit tranquille, interrompue seulement à 0h 10 par le tir d’artillerie que nous avions demandé et qui met le feu à plusieurs autre wagons, je me lève à 5h.

A 7h 45, nous voyons apparaître un drapeau blanc du côté de la gare avec deux civils. Je me précipite à leur rencontre. L’un d’entre eux se présente : “Capitaine F.F.I. François”. Ils étaient prisonniers des Allemands depuis plusieurs jours. Ils nous annoncent qu’à 19h la veille, le commandant du train blindé parlait de se rendre , et que, finalement, lui et presque tous ses hommes ont pris la fuite et qu’il ne reste plus de boches dans les trains. Le capitaine Viane décide d’envoyer une patrouille; je lui demande l’autorisation de m’y joindre; nous voyons de loin que la maison du garde-barrière a été transformée en poste de secours. Un médecin-major boche se présente à nous et déclare soigner une vingtaine de blessés. Ses dires sont contrôlés, je demande par radio une ambulance, et nous lui laissons une garde.

Nous sommes libres, maintenant, d’admirer le train blindé monstrueux, tout neuf, qui s’allonge immobile, toutes ses armes pointées en direction de Saint-Bérain. De crainte de pièges, je demande qu’on m’envoie d’urgence du Génie pour le visiter. Pendant ce temps, nous explorons les trains de marchandises (sept en tout, immobililisés derrière le blindé); tous sont équipés de wagons plate-forme, portant des canons de Défense Contre Avions de 20 ou 37 mm. Nous faisons tout de même une bonne trentaine de prisonniers qui ont l’air complétement hébétés, résultat du bombardement d’artillerie. Nous jetons un rapide coup d’oeil sur les convois : partout des armes, des équipements boches. Le ravitaillement, les cigarettes, des objets pillés de toutes sortes y abondent.

Train blindé

Train blindé (Cliquez pour agrandir la photo)

La composition du train blindé est la suivante:

  • Un wagon plate-forme blindé, portant un canon automoteur de 120 mm(?) monté sur un châssis de chenillette Lorraine
  • Un wagon blindé comportant une tourelle  de 105mm  et un affût quadruple de mitrailleuses de 20mm
  • Un wagon blindé à munitions avec un canon de 40mm Bofors et une tourelle de 105mm
  • Une locomotive et un tender blindés
  • Un wagon de commandement, avec une tourelle de 105 mm
  • Un autre wagon à tourelle de 105 mm avec affût quadruple  de 20 mm
  • Un autre wagon plate-forme portant un automoteur de 120 mm

Dans tous les wagons, les hommes avaient des couchettes confortables; partout des hauts-parleurs et des postes de T.S.F; 20 à 30 mitrailleuses sur rotule (M.G.43) devant permettre la défense rapprochée du train; 800/1000 fusils, 50 mitraillettes; 5 trains de voyageurs, 181 wagons, 5 locos.
Prisonniers : 300.

Je dois avouer qu’après le premier mouvement d’étonnement à la vue  de ce train si formidablement armé et accompagné, je suis envahi d’un sentiment de fierté; d’abord à cause de la beauté de la prise, mais surtout, en pensant au grand baroud de la veille, le premier que je faisais à la tête de ce peloton que je commande depuis un mois, dont beaucoup d’hommes ont bagarré en Tunisie. Je pense ne pas les avoir déçus. Cette impression m’est agréablement confirmée par l’attitude de mes hommes qui fouillent les wagons et me rapportent un peu de tout : ravitaillement, cigarettes, appareils de photo, rasoirs électriques, etc. L’un d’eux me fera cadeau d’un drapeau de guerre boche provenant du train blindé; un autre me donne un pistolet P 38, objet de mes désirs, depuis longtemps.

Nous déjeunons tous confortablement chez des civils qui nous font fête. La population est sortie des caves et nous gâte à plaisir. Je rejoins mon nouveau P.C. Et, volupté nouvelle, je dors dans un lit, pour la première fois depuis le débarquement de Provence, le 15 août 1944.

Lieutenant DES BRUNES

Adolescents,
Ils ont donné leur printemps
d’hommes
Afin que nous soyons un jour
ce que nous sommes

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Marie-Louise Molbert, ambulancière à la 2ème Compagnie de Ramassage de la 9° D.I.C.

Les jours qui ont précédé la libération de Pfastatt, ma sœur aînée avec qui je faisais équipe et moi-même, étions en permanence au poste avancé de secours de Dornach, quartier complètement évacué de sa population.

Le matin du 20 janvier 1945, les préparatifs de combat s’accélèrent et nous recevons l’ordre de nous diriger vers le quartier nord de Mulhouse où une tête de pont franchissant l’Ill nous permet de suivre la jeep du médecin-capitaine Schierl qui a pour mission d’installer le premier poste de secours à Pfastatt vers Richwiller. A l’entrée de Pfastatt un char est immobilisé et mis hors de combat. La bataille fait rage de tous côtés – les obus pleuvent – le froid est intense – il gèle.

Une terrible journée commence : nos ambulances avancent sur un immense glacis découvert, qui sépare le village de la forêt, pour aller chercher les blessés cloués au sol qui crient, qui hurlent. Les brancardiers s’activent, certains y laisseront leur vie, car des tireurs isolés nous alignent à la mitrailleuse. Je cite un fait : un soldat allemand, grièvement blessé, s’était fait un garot avec une bretelle. Il s’était planqué dans un trou d’obus armé d’une mitrailleuse lourde et des bandes de balles qui lui ont permis, pendant des heures, de décimer tout ce qui bougeait et devant les nôtres, impuissants.

Parfois on entendait le jeune médecin auxiliaire chargé des urgences qui hurle “couchez-vous !” et tout repart, c’est l’enfer. C’est à notre troisième mission, devant le poste de secours, alors que nous nous apprêtions à repartir sur le terrain, qu’un obus tombe et un éclat traverse le pare-brise pour se loger dans la carrosserie de la sanitaire. Il nous suivra jusqu’en Allemagne ! Inch Allah ! Et pendant de longues heures, c’est un va-et-vient avec notre poste de secours.

Pour comble de malheur, une fine neige poudreuse recouvre rapidement ces corps que le froid finit peut-être d’achever. Nous sommes bouleversées, car nous savons que c’est de la rapidité de nos évacuations que dépend la survie de nos blessés. Hélas, pour beaucoup il n’en fut rien – tous les moyens sont mobilisés. Notre commandant, présent, dépêche ses gars du service auto pour remplacer les brancardiers tués.

C’est en fin de cette journée qu’il fut décidé qu’un ¾ de tonne (Dodge 4×4 à 4 roues motrices, comme les ambulances) – avec des volontaires – irait chercher de nuit, au milieu des mines, les morts sur le terrain. C’est l’affligeant spectacle de ces corps raidis, chargés et entassés…

Le matin du 24 janvier, alors que nous transportions des blessés au deuxième poste de secours, une terrible nouvelle nous foudroie : notre camarade ambulancière Denise Ferrier vient d’être tuée à Richwiller. Le corps brisé de notre chère Denise sera installé dans une petite pièce où viendront s’incliner pour un douloureux adieu, et entre deux évacuations, nos camarades ambulancières. C’est le 25 au matin qu’a lieu un office célébré dans la chapelle de l’hôpital et notre Denise reposera dans le parc durant de longues années – sa tombe entretenue et honorée par les Pfastattois reconnaissants.

La guerre continue. Nous poursuivons nos missions avec notre poste de secours en direction de Kingersheim, de Wittelsheim et de la Cité Anna qui nous coûtera beaucoup de blessés – combats de rues – maison par maison – avec de redoutables tireurs isolés – des prisonniers et des blessés allemands sont ramenés au poste de secours. Ce furent des jours qui laissent d’atroces souvenirs.

Notre commandant voulait nous obliger à accepter la relève pour l’arrière. Toutes les ambulancières sont unanimes dans leur refus. Nous décidons de poursuivre notre mission jusqu’au bout.

En Allemagne, après la capitulation, nous sommes désignées pour l’évacuation des camps de concentration jusqu’au départ de la 9° D.I.C. pour l’Indochine.

Ambulancière Marie-Louise MOLBERT

Ambulancieres à Mulhouse-Dornach

Ambulancieres à Mulhouse-Dornach (Cliquez pour agrandir la photo)

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La mort du brancardier Jean DELLION

Les brancardiers du 3/23° R.I.C. à la Cité Anna.
Récit du brancardier Georges DELANOË :

Jour néfaste que ce 23 janvier 1945. L’avant-veille, je suis désigné pour monter en ligne avec la compagnie Tournier (9ème). Au débouché de Pfastatt, la compagnie Aubert (11ème) qui a pour objectif la ferme Grossacker, se trouve très éprouvée par les tirs de “Minen” (obus de mortiers). Ce qui fait qu’avec six brancardiers je me retrouve détaché à cette compagnie, qui atteint son objectif vers les 11 heures du matin. Le harcèlement des 88 est intense et continu. Malgré tout, les blessés sont ramassés, pansés ou non; pas le temps d’établir les fiches d’évacuation. Ils sont dirigés vers les ambulances qui, dans une neige de 40 cm, foncent au-devant des brancardiers. Demi-tour en trombe, ouverture des portes, déchargement des brancards, embarquement des blessés.

Le secours sur le terrain est dispensé par les filles elles-mêmes qui ont nom : Olga, Odette Demutras, les soeurs Molbert, les “attitrées”du 3° bataillon. Malgré le froid, la matinée est chaude, et quel magnifique exemple d’héroïsme et d’abnégation est donné ! Gloire et honneur à ces filles de France venues d’Afrique !

En arrivant à quelques mètres du corps d’habitation de la ferme Grossacker, nous sommes rejoints par le brancardier Jean Dellion qui me communique l’ordre d’avoir à me porter plus en avant de la direction du puits Anna. C’est alors que nous sommes à nouveau pris sous un tir d’artillerie. Nous nous couchons dans la neige. Soudain, Jean Dellion se relève, en criant à plusieurs reprises: “Delanoë ! Je suis blessé !” et il se met à pleurer. Je me précipite avec deux brancardiers dont l’un s’appelait, je crois, Reidinger. Sous la capote, à hauteur de la cuisse gauche, le sang commence à se répandre. Impossible de rester là, sous des tirs continus. Nous ramassons Dellion et le transportons dans le couloir de l’habitation, où je m’affaire, fébrilement, à déballer ma trousse pour y prendre ciseaux et garot. J’arrive à dégager sa jambe, et cherche à tâtons pour trouver une blessure énorme. A hauteur de l’aine, la cuisse n’est plus qu’un amas de chair hachée, le fémur est éclaté et la jambe ne tient plus que par quelques lambeaux. Malgré tout, je m’efforce de chercher l’artère fémorale qu’il me sera impossible de trouver. Le sang gicle, abondamment. Dillon est encore conscient. Il me demande si sa blessure est grave. Pas le temps de lui répondre. Il pleure à nouveau, puis se met à délirer, d’une façon encore audible. Il chante aussi ! Tout cela va très vite, en s’amenuisant. Puis, plus rien ! Jean Dellion est là, couché devant nous. Son sang coule encore sur la mosaïque du couloir.

Ce sera le souvenir qui me reste du bancardier Jean Dellion, mort pour la France !

Nous devions ensuite, non sans difficultés et autres évacuations, reprendre notre chemin pour répondre à l’ordre transmis par Dellion d’avoir à rejoindre le 11° compagnie devant la Cité Anna. Le but est atteint, tard dans l’après-midi. La blancheur de la neige permet de maintenir une certaine visibilité, alors que le jour décline et qu’un léger brouillard commence à s’installer. Les lueurs d’éclatement des obus et les incendies de chars ou de maisons ajoutent à cet éclairage. Pour trouver la position des voltigeurs, nous devons nous guider à la voix. C’est ainsi que nous débouchons sur une espèce de grand trou que nous connaissons tous ! Là se trouve la section de mortiers de 60 de la 11ème°. Nous y apprenons que le capitaine Aubert, qui se trouve en avant, est blessé. Je demande à déterminer sa position que l’on me précise à proximité de deux blocs de transformateurs. Du bord du trou, on ne voit rien, la vue est bouchée par le brouillard. Près de moi, le brancardier “Tarnus” qui me jette un : “On y va ?”. Il est gonflé Tarnus !

Je lui dis d’attendre. Bien nous en prend, une dégelée de mortiers s’abat ! Aussitôt, on s’élance. La neige est épaisse. Nous courons le plus vite possible, en levant nos jambes au plus haut. Je crois que nous ne faisons plus attention à ce qui se passe autour de nous. Subitement, nous tombons sur les transformateurs et j’entends, en arrivant, votre voix, mon colonel (Le médecin-colonel Delon était à cette époque médecin attaché au 3/23ème R.I.C.). “Delanoë, c’est vous ? ”. Réponse “Oui ! On vient chercher le capitaine.”. Nous repartons immédiatement. Notre retour est difficile. Je crois me rappeler que le capitaine Aubert était assez corpulent.

Après des arrêts fréquents, nous déposons le brancard à l’abri, au fond du trou. Les gars qui sont là s’inquiètent de l’état de santé du capitaine. Celui-ci, comme Dellion, est conscient, et je l’entends encore gémir et dire : “Mes petits, mes pauvres petits !”, plusieurs fois. Une ambulance assez rapprochée est signalée. Nous sortons du trou, et prestement, le capitaine Aubert est évacué.

Le lendemain, je devais apprendre que le capitaine Aubert – comme le brancardier Dellion – était mort pour la France.

Quelle chance avons-nous eu d’être les témoins d’une si belle et grande image du sacrifice de quelques-uns des nôtres, pour la France, pour notre patrie.

“O morts pour mon pays,
je suis votre envieux”

Victor Hugo (Nos morts)

Brancardier Georges Delanoë
Décoré de la Médaille Militaire

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Un fantassin de 17 ans regarde la mort en face

Le récit ci-après du soldat de deuxième classe François Fydrych prouve ce que fut le courage des jeunes Français dans l’épreuve:

Entre le 15 et le 20 janvier 1945, notre unité en position à Lutterbach, dans la banlieue de Mulhouse a été relevée et a fait mouvement sur Kingersheim en prévision de la dernière offensive d’hiver pour nettoyer la Poche de Colmar.

Le 27 janvier, dans la matinée, on nous prévient que nous allons attaquer. J’avais 17 ans. L’âge des camarades de ma section variait entre 17 et 21 ans.

Il neigeait à gros flocons. Nous reçûmes du tissu blanc. Nous l’avons coupé , pour camoufler les casques d’une part, et d’autre part pour en faire des tuniques de façon à cacher au maximum nos capotes kaki, à l’exception des manches. Les Allemands, de la division de Gebirsjeager, avaient eux aussi des tenues blanches adaptées au paysage.. On nous annonça que nous allions monter à l’assaut, à la baïonnette, d’une tranchée tenue par l’ennemi.

Nous partîmes à l’assaut ! Impossible de courir, il y a au moins 30 cm de neige, même en essayant de faire de grandes enjambées. Pendant ce temps, l’officier D.L.O. (« Détachement de Liaison et d’Observation » = Observateur et régulateur des tirs d’artillerie), un champion, faisait effectuer un tir de barrage sur la tranchée allemande distante de 150 à 200 mètres de notre point de départ…. J’ai donc atteint l’aile extrême gauche de l’objectif et sauté dans la tranchée. Je revins sur ma droite pour essayer d’établir un contact avec mes camarades. Je fis 10 à 15 mètres dans la tranchée principale. Personne ! Par contre, j’entendis des ordres en allemand et vis quelques grenades à manche qui voltigeaient par-dessus ma tête pour tomber quelques mètres derrière moi, sur ceux qui n’avaient pu arriver encore. Je me mis en embuscade à la jonction d’un boyau qui reliait la tranchée principale à un abri ou à un chemin de repli. J’entendis un bruit de pas, des voix, et la suite se passa en quelques secondes qui me parurent une éternité. Voici les faits. J’avais dans les mains mon fusil, baïonnette au canon, un pistolet allemand à la ceinture et une grenade F1 dégoupillée, prête à être lancée. Mon coeur battait très fort.

Je vis déboucher à trois mètres de moi, par le boyau qui était plus étroit que la tranchée principale, un Allemand, mitrailleuse en bout de bras. Il s’arrêta et me regarda, surpris. Nous étions tous les deux en blanc. Mon fusil avec baïonnette pointé sur lui, je lui demandai, en allemand, de lever les bras. Pendant ce temps (cela va vite!) je me dis que si je le fais prisonnier, l’autre Allemand, que je ne vois pas, va m’abattre: aussi j’appuie sur la détente de mon fusil. Stupeur: le coup ne part pas! Le gel sans doute. Le mitrailleur répondit à mon injonction de se rendre: “Mench, macht kein Dumeit”, ce qui signifiait : “Mon vieux, ne fais pas de …bêtise”. Le deuxième Allemand, pourvoyeur de la mitrailleuse, que je ne voyais pas, l’interrogeait: “Was ist los ?” (Que se passe-t-il ?) Au même instant, je jetai ma grenade F1 dans les jambes du mitrailleur qui s’est retourné pour s’enfuir.

Il a dû bousculer son pourvoyeur, le boyau est très étroit, la grenade explosa les tuant tous les deux. De mon côté, j’étais protégé par l’angle de la tranchée et du boyau. Le comble, en vérifiant mon fusil, je m’aperçus que j’avais oublié d’enlever le cran de sûreté. Si mon arme avait fonctionné, je n’aurais certainement pas eu le temps d’abattre le deuxième Allemand, et je ne saurai jamais si, en la circonstance, j’aurais été capable, à 17 ans, d’embrocher un homme à la baïonnette, et le pourvoyeur aurait été sûrement plus rapide.

Soldat de deuxième classe François FYDRYCH
Officier de la Légion d’Honneur

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Bibliographie

DE LA MEUSE AU DANUBE, Julien Hottier, Lavauzelle Editions, 2014

MÉMOIRES DE GUERRE, Charles de Gaulle, Pléiade, 2000

HISTOIRE DE LA PREMIÈRE ARMÉE FRANÇAISE, Général de Lattre de Tassigny, Plon 1949

LA 1ére ARMÉE FRANÇAISE RHIN ET DANUBE, Raymond Muelle Presses de la Cité 1991

LES COMPAGNONS DE LA FORET NOIRE, Michel Droit, Éditions Julliard, 1966

LES OPÉRATIONS EN EUROPE, Gal.Eisenhower, Gal. Wilson, Maréchal Montgomery Berger-Levrault 1947

LA VICTOIRE EN EUROPE, Général Marshall Berger-Levrault 1947

LE DÉBARQUEMENT DE PROVENCE Jacques ROBICHON Robert Laffont 1962

LE DÉBARQUEMENT DE PROVENCE Raymond Muelle Trésor du Patrimoine 2004

AOUT 1944 – Le Général de Lattre libère la Provence, Fondation de Lattre 2004

AUTOMNE 1944 – HIVER 1945 Le Général de Lattre libère l’Alsace, Fondation de Lattre 2005

BATAILLE D’ALSACE 1944-1945, Album mémorial

Bernage, de Lannoy, McNair, Baumann Editions Heimdal 1992

L’ALSACE SE LIBÉRE, Hors Série du Journal L’ALSACE 2005

LES VÉHICULES DE L’U.S. ARMY 1939-1945, J.M. Boniface, J.G. Jeudy Editions Presse Audiovisuel 1987

LA JEEP – UN DEFI AU TEMPS J.G.Jeudy, M. Tararine Éditions Presse Audiovisuel 1981

JEEP GOES TO WAR Will Fowler Courage Books 1993

DODGE Cinq générations de tous terrains, J.M. Boniface, J.G. Jeudy E. P. A. 1979

LE GMC Un camion universel, J.M. Boniface, J.G. Jeudy E. P. A. 1978

DU TCHAD AU DANUBE – Direction du Service d’information du Ministère des Armées Editions G.P. 1947

LE DEUZIEME CONFLIT MONDIAL – Général Bregeault, Général Brosse, Colonel Hautcoeur, Roland de Marès, H. Le Masson,  Editions G.P. 1946

LE CORPS EXPEDITIONNAIRE FRANÇAIS DANS LA CAMPAGNE D’ITALIE (1943-1944) Colonel Goutard http://pdbzro.com/pdf/goutard.pdf

L’épopée du 4ème RTT Ets Bonici Tunis

Supplément au n° 26 du bulletin de l’Association des Amis du Musée de l’Infanterie (AAMI ), article du Colonel P. Carles.

Bulletin n° 27 de l’AAMI, témoignage du général de division (2S) J. Murat

Historia Magazine 2ème guerre mondiale n° 59 et n° 61.

WIKIPEDIA et d’une manière générale INTERNET.

COMBATS OUBLIÉS – Résistants et soldats français dans les combats de la Libération 1944-45  Dominique Lormier  Éditions du Toucan 2014

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De l’occupation au Lac de Constance

La résistance et la guerre furent pour moi une grande aventure qui marqua une étape importante de ma vie. Les adolescents que nous étions à cette époque faisaient partie de la jeunesse sacrifiée, ceci à cause de la capitulation de l’armée française et de l’occupation allemande. Tout nous était interdit, aucune distraction : ni bals, ni fête, ni voyage, ni cigarettes, ni boissons, etc…
(…)
Vers la fin de l’année 1943, le recensement de ma classe (la 44) est effectué en vue de notre incorporation aux Chantiers de Jeunesse (…) pour une période de huit mois et ensuite nous imposer d’aller travailler en Allemagne ou participer à la fortification du Mur de l’Atlantique (organisation Todt). Personnellement, je m’étais toujours refusé à servir un régime qui collaborait et souhaitait la victoire de l’occupant et ennemi nazi. Il ne restait qu’une solution: partir sans laisser d’adresse.
(…)
Je suis parti seul dans la nuit en direction de Pleaux (Cantal) afin de rejoindre un maquis dont je connaissais l’existence. Ce maquis était constitué et encadré principalement par des ouvriers et des ingénieurs du chantier de Saint-Cirgues (aménagement d’une centrale hydroélectrique) (….) Je suis enfin arrivé dans le maquis que je recherchais. Après un interrogatoire assez serré dû certainement à la possibilité d’infiltration par la Gestapo dans la résistance, je fus admis et affecté dans la section des “corps francs” par le capitaine Bonneval, ex-officier de la Légion Etrangère. Au cours de cet entretien, je reçu un ordre et un conseil. L’ordre était de détruire tous les papiers d’identité en ma possession et trouver un pseudonyme dans le but de protéger ma famille en cas de capture par les Allemands ou les miliciens. Le conseil: il m’a été conseillé de garder, afin de pouvoir l’utiliser contre moi, la dernière balle de mon arme dans le but de m’éviter les tortures nazies en cas de capture.
(…)
Le 16 septembre 1944, nous partons en direction d’Auxonne (Côte-d’Or) afin de permettre le regroupement des différents maquis et pour parfaire notre formation. (…) Une mise en demeure nous fut faite: il s’agissait de prendre un engagement par écrit à servir dans l’armée française pour la durée de la guerre ou de rentrer chez soi. (Je signai) et à partir de ce moment là, je n’étais plus un maquisard, ni un terroriste, mais un soldat (…) Nous sommes intégrés à la 9° D.I.C. (Division d’infanterie coloniale) et partons au front à Villars-les-Blamont (Doubs)  (…) où nous essuyons quelques salves d’artillerie.
(…)
Nous avons été transférés à Audincourt et ensuite à Delle où le bataillon était regroupé pour intervenir dans le cas où le gros des troupes nazies chercherait à se mettre à l’abri en Suisse. De très durs combats eurent lieu pendant trois jours consécutifs, les 24, 25, 26 novembre 1944, qui coûtèrent à notre bataillon dix-huit morts, cinq disparus et une centaine de blessés. (…) Les Allemands durent subir notre supériorité et battre en retraite. (…) Début janvier, nous sommes regroupés à Morschviller le Bas. Il fait très froid et il y a 40 cm de neige. Nous devons être prêts à intervenir pour la grande attaque qui doit finir de libérer l’Alsace dont les Allemands occupent toujours une partie importante entre Mulhouse et Sélestat, dénommée “poche de Colmar”. Cette attaque, la plus dure et la plus périlleuse que j’aie connue, débuta le 20 janvier 1945. Pendant trois jours, nous avons attaqué et aussi été repoussés sur un terrain enneigé et infesté de mines, par une température de -20°. Nous avons plusieurs fois traversé la Doller avec de l’eau jusqu’aux genoux. C’était terrible, de nombreux soldats furent évacués pour pieds gelés. J’ai reçu une balle qui me déchira une chaussure et qui m’effleura la face externe du pied gauche. J’avais tellement froid que je ne sentais presque pas la douleur. J’ai refusé de me laisser évacuer. Cette attitude me valut d’être décoré de la Croix de Guerre avec étoile de bronze.

Les Allemands pris en tenaille se rendaient en masse; ils étaient hagards, la plupart d’entre eux étaient chaussés avec des sacs de jute remplis de paille afin de se préserver du froid.
Cette grande attaque, menée par l’ensemble de la Première armée française et par plusieurs divisions américaines a permis de libérer pratiquement toute l’Alsace.

(…) Le régiment est au repos à Colmar, sa ville de garnison, du début février au 20 mars. Nous logeons au lycée Bartoldi, la caserne du 15.2 ayant été minée par les Allemands au moment de leur départ avec des dispositifs à retardement. Nous sommes équipés du bel uniforme de l’armée américaine et le 10 février, nous défilons dans notre ville en présence du général de Gaulle venu à Colmar remettre officiellement au colonel Colliou le drapeau de notre régiment. Puis ce fut quinze jours de permission à Riotord où ma mère était heureuse de me revoir mais aussi inquiète, sachant que la guerre continuait.(… )

C’est dans ce pays (Scheibenhardt) que nous avons mis pour la première fois les pieds en Allemagne. Nous étions à la fois heureux et fiers de prendre une revanche envers cet ennemi qui nous avait occupé et humilié pendant quatre ans (…). Le 18 avril, nous sommes transportés par les camions du train en direction de Karlsruhe (…). Le 21 avril, en fin de journée, nous atteignons Stuttgart après de durs combats  qui nous permirent de capturer des régiments entiers de l’armée nazie (…). Au bout de quelques jours, nous quittons Stuttgart en direction de la Forêt Noire et du Lac de Constance (…). Nous arrivons à Ohningen, sur les bords du Lac, le 8 mai 1945, jour de la fin de la guerre; notre joie est à son comble. Démobilisé en janvier 1946, je repris mon travail à Riotord.
(…)
Je souhaite que les générations futures n’oublient pas ce qui s’est passé entre 1940 et 1945. Il faut qu’elles veillent sur le maintien de cette démocratie que nous avons si chèrement acquise.
Je conclus en signalant que nous les résistants, qui représentions une partie infime des Français  et qui avons refusé la présence de l’ennemi, le nazisme, et qui avons préparé un monde meilleur à nos enfants et petits-enfants, nous nous souvenons avec émotion de nos camarades qui ont payé de leur vie leurs convictions. Nous pardonnons, mais nous n’oublions pas et si les générations futures veulent la paix et la liberté, nous leur recommandons surtout de ne pas oublier le passé.
Cette victoire sur l’ennemi n’a pu être effective que grâce au concours de jeunes volontaires dont la plupart était issue comme moi-même de la base, et n’avait ni patrimoine, ni compte en banque à défendre. Ils se sont battus exclusivement pour l’honneur de la patrie, afin que la France puisse effacer sa défaite de 1940 et retrouver sa place parmi les grandes nations dans le monde.

Soldat de 1ère classe (volontaire) Joseph FOURBOUL

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Écusson Rhin et Danube

En 1944, la libération de la France  de l’occupant nazi est loin d’avoir été une promenade de santé. En effet, le général Wiese commandait la 19° Armée allemande se composant de neuf divisions et de la 11° Panzer.

Après le succès allié du débarquement de Provence, il avait reçu l’ordre de se replier en combattant durement vers le seuil de Bourgogne et de le tenir afin d’assurer la retraite des troupes d’occupation du sud-ouest de la France, après avoir laissé des garnisons sacrifiées à Toulon et Marseille avec l’ordre de tenir jusqu’au dernier homme, jusqu’à la dernière cartouche. D’après le général de Lattre, Weiss « connaissait bien son métier » et mena la vie dure à l’Armée « B » et à la 7° U.S. Army du Général Patch qui remontaient le Rhône et les Alpes. En février 1945, la Première Armée Française franchit le Rhin et, après de très durs combats, atteignit Ulm le 24 avril 1945.

Dès le mois d’avril, de Lattre avait décidé de créer un insigne symbolisant une des plus éclatantes campagnes de cette guerre, commencée  par le Rhin franchi et se terminant sur les rives du Danube, puis l’Autriche. Cette création avait plusieurs raisons d’être : reconnaître les mérites d’une armée permettant le renouveau de la France parmi les Grands, consacrer la réussite de l’amalgame entre l’Armée d’Afrique, les unités F.F.I. et les jeunes volontaires ayant rejoint de Lattre, maintenir le souvenir de la chaude camaraderie partagée à la Première Armée et de ceux qui s’étaient sacrifiés pour le succès de nos armes. C’était aussi une façon de se démarquer des « résistants de la dernière heure » !

Au lendemain de la libération de Colmar, le 10 février 1945, la municipalité avait décidé, unanimement, de conférer à la Première Armée le droit de porter le blason de la ville. Le 21 avril, une maquette fut proposée par Gérard Ambroselli, artiste et officier maquettiste de l’état-major et approuvée par le général de Lattre; elle ajoutait aux couleurs de Colmar et à l’or  de la masse d’arme quelques lignes bleues symbolisant en plus des flots du Rhin et du Danube, ceux de Saint-Tropez rappelant le courage des soldats qui débarquèrent le 15 août 1944.

Ecusson

Ecusson (Cliquez pour agrandir)

Le général demanda à l’officier maquettiste de lui présenter pour le lendemain à 17 heures quelques exemplaires brodés sur tissu. L’officier, fort préoccupé, alla trouver le bourgmestre de Karlsruhe, où se trouvait le quartier général, et lui imposa cette réalisation, menaçant la ville d’une forte amende. Le 22 à 17h, les brodeuses souriantes, qui avaient travaillé toute la nuit, présentèrent des petits chefs d’œuvre de broderie. On passa donc une commande de 100 000 pièces à une maison spécialisée de Saint-Étienne. Malheureusement, les ouvriers venaient de commencer une grève. Toutefois ils regagnèrent leurs métiers en apprenant que ce travail était destiné à la 1ère Armée. Livraison fut faite le 18 juin.

Porter cet insigne, durant toute notre vie militaire, cousu en haut de l’épaule gauche, fut toujours ressenti comme un très grand honneur. Les Américains disaient avec fierté : « J’étais avec Patton ! »
Les porteurs de l’insigne disent : « J’étais avec de Lattre ! ».

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La fin du Sherman n°63

La fin du Sherman n°63 D’Artagnan le 18 avril 1945 à Herrenberg (6ème Régiment de Chasseurs d’Afrique (R.C.A.) – 4ème Escadron)

Le 6ème R.C.A. était équipé de chars Sherman M4A2 Diésel. L’équipage était de 5 hommes: Chef de char, Pilote, Aide-Pilote, Tireur, Chargeur.

Le brigadier-chef Louis Watrigant, 21 ans, chef du char 63, a été admis à l’Ecole d’Officiers de Cherchell, mais le 6/12/1944 il refuse de s’y rendre. Le 30 janvier 1945, il ne reste que 13 chars en état sur 51 aux 3 escadrons de Sherman du 6e RCA (après Jebsheim).

Voici le récit du combat du 18 avril 1945 à Herrenberg en Allemagne :

« Allo 75, ici 63, je serais d’avis de foncer… Qu’en pensez-vous ? Répondez.
« – Allo 63, ici 75, d’accord en avant… en avant… »

Et le 63, qui après une progression mouvementée dans un terrain difficile, était aux aguets depuis plusieurs minutes, à 200 mètres des premières maisons d’Herrenberg, repart.

Tout ce qui est suspect est copieusement arrosé, mitrailleuses de capot et de tourelle, mitrailleuse de 50 crachent dans toutes les directions. Le Half-Track de la Légion, qui suit, en fait autant. L’esprit de chaque homme est tendu, il s’agit de tuer et non d’être tué.

Devant nous se trouve l’inconnu, l’ennemi avec toutes ses traîtrises, ses snipers, ses panzerfausts. BOUM.  une détonation formidable et une immense flamme. Un panzerfaust vient d’atteindre 63 alors qu’il ne se trouvait plus qu’à 70 mètres de la première maison. Watrigant, le Chef de char, ordonne immédiatement l’évacuation du char; il n’a pas besoin de répéter l’ordre. En vingt secondes, les gars ont giclé de la tourelle et se sont précipités dans le fossé, cherchant à s’abriter le mieux possible des tireurs ennemis embusqués dans les premières maisons. Le char, emporté dans son élan, a quitté la route et s’est embourbé à 50 mètres plus loin dans la prairie.

Sitôt camouflé dans un trou avec ses hommes, Watrigant fait le point : il manque le pilote et l’aide-pilote, et du char non loin de là, se dégage une épaisse fumée. Les gars sont sûrement dedans, blessés sans doute ? Il faut les sauver mais comment faire ? Si l’on sort du trou, on se fait descendre ! Tant pis, on risque le coup…

En rampant, Watrigant parvient au char sans être touché. Il entend des gémissements et s’aperçoit que les volets du poste avant sont toujours fermés. En un bond il est sur le char et ouvre l’écoutille du pilote qui, grièvement blessé et brûlé, cherche à sortir. Un petit coup de main pour le tirer et le précipiter à terre, en vitesse car les tireurs ennemis recommencent à tirer. Et en voilà un de sauvé. A l’autre maintenant. Merde ! la porte est bouclée. Mais il faut à tout prix l’ouvrir et il n’y a qu’un moyen : comme un fou, Watrigant a pris la place du pilote. Une épaisse fumée et des flammes l’environnent. A droite, un rayon de lumière. En un instant, Watrigant a compris : c’est par le trou fait par le panzerfaust que passe cette lumière, juste à côté de l’aide-pilote. Si près de lui. Il doit être foutu. Mais qu’importe, il faut le sortir de là. Watrigant cherche en vain le verrou, mais la fumée est si épaisse qu’il faut chercher à tâtons ; heureusement, il y a un extincteur à portée de la main et une minute plus tard, il ne reste plus que de la fumée qui se dissipe lentement. Alors, l’infernale vision de l’aide-pilote, affalé sur la transmission, la figure et le corps recouverts de sang. Mais il ne faut pas s’arrêter à cela. Il n’est peut-être pas mort, il faut le sortir, ce qui est chose faite en quelques minutes après des efforts inouïs du Chef de char pour dégager et tirer dehors cet immense corps inerte et malgré l’explosion, à proximité du char, d’un deuxième panzerfaust tiré de la petite maisonnette d’où partaient les balles tout à l’heure.

Pendant ce temps, le tireur De la Perrière et le chargeur Mancini, parvenus indemnes jusqu’au char, avaient mis à l’abri le pilote Penicaud. Watrigant,  laissant entre leurs mains l’aide-pilote Sartor qui respirait encore, se dirige en rampant vers le deuxième char dont la progression avait été si brusquement stoppée. Il y trouve le Chef de peloton à qui il rend compte et lui demande une ambulance.

Un quart d’heure plus tard, l’avance ayant repris, l’ambulance emmène l’équipage qui, en jetant un dernier regard sur le char maintenant complètement en feu et explosant de toutes parts , se promet bien de le venger !

HERRENBERG, le 18 avril 1945

Louis WATRIGANT
Chevalier de la Légion d’Honneur le 30.12.1948

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Franchissement de l’Ill le 5 février 1945

Franchissement de l’Ill le 5 février 1945 par la 5ème Compagnie du 2ème Bataillon du 21ème Régiment d’Infanterie Coloniale.

Récit de Louis Scandella :

Beaucoup de jeunes bisontins, issus pour la plupart des rangs de la Résistance, s’étaient engagés pour la “durée de la guerre”. Ils furent versés dans la 5ème compagnie du 2ème bataillon du 21° R.I.C. Après quelques jours d’entraînement, ils subirent le baptême du feu lors de l’offensive déclenchée le 14 novembre 1944 dont le but était la libération de la région de Montbéliard, de Belfort et de Mulhouse. La bataille de rupture du front allemand fut très dure.

Puis ce fut la grande attaque de fin janvier 1945 dont le but était de rejeter à jamais l’occupant de l’autre côté du Rhin.

Le 5 février, la 5ème compagnie reçoit la mission de franchir de vive force la rivière l’Ill au Nord d’Ensisheim, les ponts ayant été détruits. L’objectif est d’établir une tête de pont sur l’autre rive, de prendre Ensisheim et de réparer le pont pour permettre le passage des blindés. Avant l’opération, un camion Dodge arrive avec des rations alimentaires. Toujours pince sans rire, le chef Tamalet nous dit: “Ce n’est pas la peine de prendre des rations avant, car après le passage de la rivière, il y aura du rab.” Phrase prémonitoire.

Le 71° Génie a apporté des canots pneumatiques et installé un câble entre les deux rives. L’Ill est en crue, c’est un torrent boueux. Très impressionnant. Nous embarquons à 22 hommes dans ces grands canots, avec tout notre équipement, capotes, armes, munitions. Je suis tireur au lance-grenade et j’ai une musette de grenades à fusil à charge creuse et quadrillées avec adaptateur. Ainsi harnaché, on a peu de chance de s’en sortir si on tombe à l’eau. Onze hommes tirent sur le câble pour nous faire avancer. Il semble qu’il nous faut une éternité pour atteindre l’autre côté de la rivière. C’est un miracle que nous y soyons parvenus. Trois canots n’auront pas cette chance: l’un, avec des hommes du génie, sera emporté par le courant, un autre sera coulé par des éclats d’obus, un troisième chavirera, touché par une rafale d’arme automatique.

Avec soulagement, nous mettons pied à terre et nous commençons à progresser à travers les bosquets. Tout à coup, nous sommes stoppés par des tirs d’armes automatiques. Nous nous installons en position et presque en même temps, on entend des départs d’obus de mortier. Une première salve s’abat autour de nous, comme la grêle. Tout autour de moi, mes camarades sont touchés. On entend crier sans cesse. Les infirmiers-brancardiers sont à la peine; avec leur brassard croix-rouge, sous le déluge de feu, ils font la navette, transportant les blessés pour les déposer sur les bords de la rivière.

De l’autre côté, des ambulances attendent les victimes. Au volant, de courageuses ambulancières, femmes dévouées bravant la mort et pour qui nous avons beaucoup de respect et d’admiration.

Le pilonnage continue. Nous craignons une contre-attaque. En effet, nous apercevons des fantassins disséminés dans la plaine; trois chars allemands viennent les appuyer et tirent à vue sur nous. Je mets mon fusil-mitrailleur en batterie et tire à volonté; tout le monde tire. Les fantassins ennemis se camouflent derrière les arbres. Après quelques salves, les chars se replient, sans doute gênés par l’état du terrain détrempé par la fonte des neiges. A nouveau, nous creusons des trous pour nous terrer. La nuit tombe. Les tirs s’espacent. Petit à petit, les mortiers se taisent. Malgré nos pertes, la tête de pont a tenu.

Pour nous c’est la trêve, on commence à respirer. Le ravitaillement arrive et on nous distribue des rations C. Comme le prévoyait le chef Tamalet, il y a du rab et malgré le danger, l’appétit ne perd pas ses droits. Pour les blessés, le calvaire continue. Ils ont été simplement déposés en attente sur le bord de l’Ill. Dans la nuit, on entend leurs appels angoissés, leurs cris de détresse. Quelques-uns seront emportés par la rivière qui continue à monter et sort de son lit. Une nuit de cauchemar pour ces hommes qui souffrent et se croient abandonnés. Nous sommes bouleversés par les cris des mourants qui appellent leurs mères.

Malgré l’inconfort, le froid, l’humidité, le danger, nous arrivons à dormir un moment dans des trous de fortune. Pendant la nuit, des renforts ont été débarqués et surtout l’évacuation des blessés a pu s’effectuer. Tout est prêt pour l’exploitation à partir de la tête de pont . Le 6 février, avant le lever du jour, nous sortons de nos trous en silence et, déployés en tirailleurs, nous nous dirigeons sur Reguisheim. Le capitaine Brin donne l’ordre d’attaquer: on se redresse et on se lance à l’assaut en courant. Des tirs d’armes automatiques ennemis ne nous arrêtent pas. Sans épauler, en courant, je tire quelques rafales avec mon fusil-mitrailleur. Ces deux journées me valent une croix de guerre où il est dit que je suis entré le premier à Reguisheim.

Nous reprenons notre marche sur Ensisheim. Quand les marsouins (soldats de la Coloniale), entrent dans la ville, ils réduisent un à un les points d’appui ennemis, aidés par leurs frères d’armes. Un char Panther est capturé. Le nettoyage de la ville est terminé. Le drapeau français flotte à nouveau sur le clocher. Les habitants restés sur place, sortent des caves et des abris et nous font fête.
Ensisheim est libéré ! Depuis le 2 février Colmar est libre. La campagne de France est terminée.

La libération de l’Alsace a coûté cher à notre compagnie. Au lendemain du passage de l’Ill, nous avions perdu la moitié de nos effectifs.
Mais nous devons continuer la lutte, traverser le Rhin pour porter la guerre sur le sol allemand  et nous battre jusqu’à la victoire finale.

Soldat de 2ème classe Louis SCANDELLA
Chevalier de la Légion d’Honneur

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Conduite héroïque de l’ambulancière Denise Ferrier

Conduite héroïque de l’ambulancière Denise Ferrier, de la 2ème Compagnie de Ramassage

Mort d’une ambulancière Denise Ferrier

CITATION

Denise Ferrier« Ambulancière de la 2° Compagnie de Ramassage du 25° Bataillon Médical qui s’était déjà fait remarquer à l’Ile d’Elbe par son sang-froid.

« Depuis le début de la Campagne de France, volontaire pour toutes les missions vers l’avant, a constamment payé de sa personne et évacué de très nombreux blessés. A participé avec le Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc (Régiment de Reconnaissance de la 9° Division d’Infanterie Coloniale) à la percée sur Mulhouse où son courage et son esprit de sacrifice lui ont valu une citation à l’Ordre du Régiment et l’attribution de la fourragère rouge de ce Régiment.

« Tuée par un obus le 20 janvier 1945 à Richwiller, à 7 heures du matin, devant un Poste de Secours du Bataillon. Jeune Française animée du plus noble idéal, toute imprégnée de la devise de sa Section “Franchise et Vaillance”, Denise FERRIER restera pour tous ceux qui l’ont connue et aimée un modèle très pur de patriotisme ardent et de souriant héroïsme. »

Voir la page consacrée à cette action : Le 23ème Régiment d’infanterie Coloniale enlève la Cité Anna

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La “DISTINGUISTED UNIT” au R.I.C.M.

Une des plus hautes distinctions militaires américaines, la “Distinguished Unit” a été attribuée le 10 avril 1945, pour la première fois au cours de la campagne de France, au Régiment d’Infanterie coloniale du Maroc (R.I.C.M.).

Voici le texte (traduit) de cette citation

CITATION A l’ORDRE DE LA NATION AMERICAINE

Ordre du jour n°27 WAR DEPARTMENT (MINISTERE DE LA GUERRE)

Washington, D.C., 10 avril 1945

Distinction d’Honneur de la Bataille : Comme autorisé par l’Ordre exécutif n° 9075 (sec.III, Bull.11 WD, 1942), l’Unité suivante est citée par le Ministère de la Guerre selon les dispositions de la section IV, Circulaire n°333, Ministère de la Guerre, 1943, au nom du Président des Etats Unis comme témoignage public d’honneur et de distinction mérités. La citation se lit comme suit:

Le Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc est cité pour performance exceptionnelle de devoir contre l’ennemi du 17 au 26 novembre 1944. Le 17 novembre, durant l’âpre combat de la trouée de Belfort, après que sa division ait réussi une brèche dans les défenses ennemies dans le secteur Herminoncourt-Clay, le régiment mena une attaque de nuit dans la percée à travers des secteurs abondamment minés et contre des obstacles défendus par de l’infanterie. Le matin suivant, combattant contre une résistance acharnée, il captura l’important centre de communication de Delle. Continuant son avance, le Largue fut franchi, faisant du Régiment le première unité alliée à entrer en Alsace, et le puissamment fortifié village de Seppois capturé. Cette action de choc, couplée avec la surprise, eut pour résulat la capture de plus de 100 prisonniers, un équipement important et deux pièces d’artillerie de 88 mm. Prenant un avantage total sur un ennemi tenace et maintenant perplexe, le régiment a  continué sa marche en avant durant la nuit et le matin du 19 a forcé son avance jusqu’à Kembs sur la rive du Rhin. Fatigué, réduit à deux escadrons, il attaqua constamment de l’est de Mulhouse à Battenheim où, malgré sa puissance effective inférieure, il conserva la plus grande partie du front en tenant bon contre de nombreuses contre-attaques de forces supérieures ennemies. A Suarce les 20 et 21, à l’Ile-Napoléon et à Harsheim le 24, il repoussa de nombreuses contre-attaques d’infanterie appuyées de chars lourds et a tenu ses positions jusqu’à ce qu’il fut relevé le 26.

L’héroïsme extrême et la détermination du Régiment d’Infanterie Coloniale du Maroc, en combattant comme il l’a fait devant une résistance ennemie organisée et acharnée, a montré les plus hautes valeurs de l’Armée Française.

Par Ordre du Ministre de la Guerre : G. C. MARSHALL Chef d’Etat-Major.

Cette citation comporte l’attribution de la “Distinguished Unit” (Rectangle bleu dans cadre doré) avec inscription “ROSENAU”.

Notre ami, le Soldat Roger Etourneau nous a transmis ce document. Il appartenait à ce Régiment d’élite (dans le Groupe d’Escadrons portés) de la 9ème Division d’Infanterie Coloniale (la fameuse 9ème D.I.C.). Il avait dix-sept ans et demi. Il fut cruellement blessé après d’âpres combats en Allemagne le 28 avril 1945 (10 jours avant la capitulation) main gauche arrachée, deux balles dans la jambe droite, d’où une invalidité à 80%. Il est membre de l’Association des « Combattants de moins de 20 ans » et est actuellement Président Départemental pour la Charente-Maritime des anciens de la Première Armée Française RHIN et DANUBE.

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Bataillon Janson de Sailly

Début septembre 1944, une grande effervescence règne dans la cour du lycée Janson de Sailly à Paris. Le commandement des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) de la capitale a décidé d’y mettre sur pied une unité militaire d’infanterie. La troupe, de 500 hommes, est à tous les points de vue d’un niveau élevé; elle se recrute en partie parmi les étudiants de la Sorbonne et des élèves préparant les grandes écoles. La totalité de notre troupe n’a qu’un objectif: rejoindre l’armée de Lattre qui progresse vers la Bourgogne par la vallée du Rhône. Plusieurs officiers contactent donc le général de Lattre, qui accepte ce renfort, sous réserve qu’il rejoigne son armée dans les cinq jours et par ses propres moyens.

Faire sortir de Paris 500 hommes sans donner l’alerte, les transporter sur 400 km en cette période de pénurie représente une vraie gageure. Elle est gagnée. Dans la nuit du 25 au 26 septembre, le bataillon Janson de Sailly – appelé aussi “Royal XVI°”- s’évade de Paris.

Rassemblé le surlendemain à Gray, sur les bords de la Saône, il est inspecté par le général de Lattre. Chacun doit se présenter en précisant son âge et son degré d’instruction. Frappé par la bonne présentation et la cohésion de notre bataillon, le général est satisfait de recevoir 500 hommes dont plus de la moitié sont bacheliers. Nous sommes embarqués vers le camp du Valdahon que les Allemands viennent d’évacuer: accueil sinistre. Débarque une section d’instructeurs et de moniteurs chargés de conduire notre instruction de manière intensive malgré un temps exécrable. De Lattre vient fréquemment constater nos progrès qui le satisfont puisqu’il nous fait passer en revue le 13 novembre par le général de Gaulle, Winston Churchill, le général Juin et autres autorités.

Quelques jours plus tard, l’instruction s’arrête brusquement et nous sommes transportés au nord de Belfort et mis à la disposition du colonel Gambiez dont les unités, le 1er bataillon de choc et commandos de France, ont subi de lourdes pertes en s’infiltrant à Masevaux. Le bataillon Janson de Sailly reçoit la mission de s’emparer de la ville où il arrive le 26 novembre à l’aube après une marche dans les Vosges enneigées. En fin de soirée, les objectifs sont atteints et la ville libérée. Les pertes du bataillon sont lourdes: 45 tués et une centaine de blessés. Malgré cela, appuyé par des chars, il reprend sa progression dans la forêt dominant Thann, progression difficile qui lui coûte encore plusieurs morts.

Début janvier 1945, le bataillon Janson de Sailly, reçoit l’appellation officielle de 2° Bataillon de choc. Dans le cadre de l’amalgame, opération chère au général de Lattre qui a consisté à procéder à des échanges de personnel entre les unités ayant débarqué en Provence et celles d’origine F.F.I., le bataillon doit muter 140 sous-officiers et hommes du rang au 2° Régiment de Zouaves.

Pour la bataille de Colmar, du 23 janvier au 6 février, le bataillon reçoit la mission de s’emparer de plusieurs villages et cités des mines de potasse aux portes de Mulhouse. Sous la neige, il soutient des combats violents face à un ennemi puissant et agressif, qui déclenche plusieurs contre-attaques. Finalement, après avoir subi d’assez lourdes pertes, les Allemands se replient, laissant plusieurs chars Panther sur le terrain. Le bataillon déplore onze morts et 70 blessés ou gelés.

Relevé, le 2° Choc est envoyé à Rouffach où de Lattre a créé une école de cadres où il vient presque quotidiennement. Cinq mille cadres et futurs cadres de toutes les unités de la 1ère Armée y seront soumis, sans distinction de grades, à un entraînement intensif avec des séances à tir réel.

Le 3 avril 1945, le Rhin est franchi et la campagne d’Allemagne s’achève à un rythme endiablé. Le bataillon participe au nettoyage de Karlsruhe, puis chevauchée motorisée à travers la Forêt Noire, par Freudenstadt, Rottweil, Sigmaringen et Constance où nous apprenons la capitulation.

Début juin, le 2° Choc est dissous. Du jour au lendemain,le général de Lattre apprend qu’il doit quitter le commandement de son armée et des forces françaises en Allemagne pour remplir à Paris les fonctions d’inspecteur de l’armée (voir chapitre Épilogue).

D’après le Général Jacques MALÉZIEUX-DEHON

Commandeur de la Légion d’honneur

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La prise de la ferme Meyershof

Le 21 janvier 1945, quittant Pfastatt, nous attaquons le village de Rischwiller. S’il n’y avait que peu de résistance, il y avait de nombreux snipers (soldats isolés armés de fusil de précision à lunette) autour des barricades et un peu partout dans le village, d’où quelques pertes parmi nous bien qu’avançant le long des murs, profitant des entrées de maison pour nous abriter.

Personnellement, je me trouvais dans l’encoignure d’un hall d’entrée d’une maison attendant pour repartir en courant quand mon chef de section, le sergent-chef Tomasi, se plaça devant moi juste au moment où un coup de feu claqua. Il s’écroula ayant pris une balle dans la poitrine qui m’était certainement destinée. Sans le vouloir, il m’avait sauvé la vie en s’arrêtant devant moi. Il fut presque aussitôt évacué, hospitalisé et revint quelques mois plus tard avec le grade d’adjudant.

La prise de Rischwiller se continua de la même manière pas à pas mais grâce à l’appui des chars sans trop de difficultés ni trop de pertes. Nous passâmes une nuit tranquille à dormir sous un mètre de paille.

Le lendemain matin, il y avait près de 30 centimètres de neige et il nous fut attribué des surplis blancs avec capuche. A la sortie du village une immense plaine blanche se trouvait devant nous et au bout un bois où s’étaient retranchés les Allemands fortement armés de mitrailleuses. Ce glacis de près de 200 à 300 mètres était recouvert d’une épaisse couche de neige. L’ordre d’attaquer étant lancé, nous partîmes en courant sur ce glacis; mais avec la hauteur de neige le surplis blanc me gênait quand il fallait se coucher pour se protéger des balles et surtout pour me relever, aussi j’abandonnais le mien. Malgré tout nous avancions et nous nous trouvions au milieu du glacis sans trop de pertes. Je me trouvais à plat ventre derrière un piquet de pâture en bois quand j’entendis un claquement et des morceaux de bois me frappèrent au visage. Une balle venait de percuter le piquet juste à hauteur de mon front. J’avais eu de la chance.

Étant tous bloqués encore loin du bois où les Allemands solidement retranchés tiraient sans arrêt, il a fallu faire appel aux chars qui, venant d’une autre direction surprirent les Allemands et détruisirent les nids de mitrailleuses et les mirent en fuite. Nous pûmes atteindre le bois sans difficulté où nous restâmes près de 2 heures à plat ventre dans la neige à attendre l’ordre d’attaquer la ferme de Meyershof. La neige fondait sous moi et regelait aussitôt. Heureusement collé contre un char dont le moteur tournait, je récupérais un peu de sa chaleur. L’ordre nous fut enfin donné de progresser vers la ferme, les chars restant en arrière en soutien. Nous pénétrâmes dans les bâtiments. Je me trouvais à l’extérieur longeant le mur et un camarade était à l’intérieur. A hauteur d’une fenêtre, j’entendis le crépitement de balles sur le mur, tout autour de moi. Je rouspétai après ce camarade, croyant qu’il tirait sur moi. Il me cria : « Planque-toi, une mitrailleuse allemande vient de te tirer dessus. » J’avais encore une fois eu de la chance. En fin de journée nous occupions les ¾ de l’ensemble de la ferme, mais la mitrailleuse allemande était toujours là, bloquant le passage vers l’arrière. Pour pouvoir l’éliminer, je fus désigné comme « volontaire d’office ». Je devais avancer dans la direction de cette mitrailleuse qui, en principe, devait tirer sur moi et un char qui me suivait à 50 mètres l’aurait détruite. J’étais donc désigné à être abattu et mourir. Heureusement, la mitrailleuse avait décroché. J’étais sain et sauf et de plus, en passant près d’un bunker, onze allemands en sortirent en levant les bras et je les ramenais prisonniers au Poste de Commandement. Ceci me valut une citation.

Puis la nuit fut calme bien que nous entendions des bruits de chars et d’engins motorisés laissant prévoir une contre-attaque pour le lendemain…

Durant cette journée, j’avais échappé plusieurs fois à la mort !

Soldat Christian GIGOT : Président de RHIN et DANUBE des Ardennes
Président départemental de la Fédération des Combattants de Moins de Vingt ans.

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Les forces françaises d’Afrique du Nord en 1942

A la suite de l’armistice du 22 juin 1940, les forces françaises d’Afrique du Nord avaient été réduites à une centaine de  milliers d’hommes. Leur équipement comprenait peu d’armement lourd ( artillerie, chars, avions ).

Ces forces cherchaient à dissimuler aux commissions d’armistice italo-allemandes des effectifs susceptibles de se mobiliser rapidement, en utilisant des organismes tels que les unités de travailleurs ou les chantiers de jeunesse. Elles parvenaient aussi à camoufler du matériel. C’était cependant très insuffisant pour affronter de nouveau les forces de l’Axe. Elles le firent pourtant à l’automne 1942, en Tunisie notamment. Ce n’est qu’après la modernisation de leur équipement par les Américains que ces forces eurent vraiment les moyens de se mesurer aux troupes d’occupation.

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L’Armée d’Afrique en Tunisie

Ravitaillement en munitions avec le moyen de transport disponible

Ravitaillement en munitions avec le moyen de transport disponible

Le 8 novembre 1942, les Américains débarquent au Maroc et les Britanniques en Algérie. Après une résistance, bien inutile, des forces françaises aux ordres du gouvernement  de Vichy, un cessez le feu est conclu et les alliés peuvent renforcer leurs moyens. Mais la réaction immédiate des forces italo-allemandes fut d’opérer un débarquement en Tunisie orientale et d’occuper ses ports. Cette opération leur permet d’étrangler le trafic maritime allié vers Égypte tout en couvrant le leur vers la Libye où opère l’armée Rommel, en retraite devant l’armée Montgomery.

On peut distinguer trois phases dans le déroulement des opérations en Tunisie.

Avant l'attaque, notre artillerie pilonne l'ennemi

Avant l'attaque, notre artillerie pilonne l'ennemi

Lors de la première phase, les Britanniques au Nord et les Français au Sud tentent de rejeter les forces adverses. Dès le 25 novembre 1942, le général Juin prend le commandement des unités françaises (troupes de Tunisie, division du Maroc, division de Constantine puis division d’Alger). Ces unités opèrent face à Medjez el Bab et Pont du Fahs qui sont conquises mais les contre-attaques blindées ennemies les rejettent de Pont du Fahs le 2 décembre 1942. Il faut souligner que ces combats ont lieu sur les contreforts de la dorsale tunisienne, en hiver, avec de grosses difficultés de ravitaillement par des moyens hippomobiles en terrain difficile et détrempé.

Lors de la deuxième phase, dès le 19 janvier 1943, les forces italo–allemandes développent plusieurs attaques entre les deux dorsales qui épuisent les forces françaises et le dispositif allié doit être remanié avec le renfort d’unités blindées américaines.

Les offensives des alliés

Les offensives des alliés

La troisième phase voit, à partir du printemps 1943, le développement de l’offensive ultime des alliés. Dès le 20 février, le général Leclerc occupe Ksar Rhilane, à l’Ouest des Mont de Matmata, et s’y maintient en dépit de violentes attaques de chars et de Stukas permettant à la 8ème armée britannique de prendre Gabès le 28 mars.

Le 19ème Corps d’Armée français couvre l’attaque britannique sur Kairouan en partant de la région d’Ousseltia le 9 avril ;  la division de Constantine prend le Massif de l’Ousselat; son chef, le général Welvert, est tué le lendemain à la tête de ses troupes.
L’acte final se déroula du 1er au 13 mai en passant par la prise de Tunis et de Bizerte le 7 mai.

La marine et l’aviation alliées coupèrent court à toute tentative de rembarquement des forces ennemies. Le nombre des prisonniers faits dans les huit derniers jours se monta à 248.000 dont 7 généraux italiens et 15 généraux allemands ; 250 chars et 1.000 canons furent pris. La bataille de Tunisie coûta 340.000 hommes aux  Italo-Allemands.

Colonne de prisonniers italiens et allemands acheminée vers l'arrière

Colonne de prisonniers italiens et allemands acheminée vers l'arrière

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Libération de la Corse

La Corse était occupée par 80.000 Italiens et 10.000 Allemands qui s’y étaient installés en novembre 1942. Leur défaite en Tunisie et les débarquements anglo-américains en Sicile (10/07/1943) et en Italie (08/09/1943) provoquent la capitulation de l’Italie. Les Italiens, en application des clauses de l’armistice, commencèrent à expulser les Allemands.
Il existait en Corse une résistance organisée d’une dizaine de milliers d’hommes armés par parachutages ou sous-marins. Dès le 9 septembre 1943, Ajaccio est aux mains des résistants cependant que des bagarres éclatent, à Bastia, entre Allemands et Italiens.

Le général Giraud décide alors Vésuve, opération de libération de la Corse, sans l’appui des alliés occupés ailleurs. En plusieurs voyages maritimes, les forces françaises sont débarquées à Ajaccio entre le 11 et le 17 septembre ; elles comprennent essentiellement le 1er régiment de tirailleurs marocains (colonel Butler),  le bataillon de choc (commandant Gambiez),  un groupement de Tabors (lieutenant-colonel de Latour), des éléments du 4ème régiment de spahis marocains et des unités d’appui (en tout, environ 6.000 hommes).

Carte de la Corse

Carte de la Corse

Le général Martin, commandant l’opération sur place, passe un accord de coopération avec le général italien Magli ; les unités italiennes participeront à certains combats. Il cherche ensuite à couper la route aux unités allemandes en repli mais les Allemands verrouillent les accès à leur itinéraire de retraite longeant la côte Est de l’île. Ils tinrent Bonifacio et Porto-Vecchio jusqu’au 23 septembre puis résistèrent dans la vallée du Golo et sur les passages difficiles qui mènent de Saint-Florent à Bastia à travers une chaîne escarpée d’un millier de mètres : cols de San Stefano, de Teghime et de San Leonardo.

Bastia fut enfin libérée le 4 octobre. Les Allemands avaient eu le temps d’évacuer pendant la nuit.

Canon russe de 155mm abandonné par les Allemands au col de Teghime

Canon russe de 155mm abandonné par les Allemands au col de Teghime

Les pertes allemandes sont estimées à 2.000 dont 400 prisonniers ; les résistants eurent 170 tués et 3.000 blessés ;  les troupes régulières eurent 75  tués (dont l’aspirant Michelin, premier officier mort pour la libération de la France) et 240 blessés ; les Italiens perdirent 600 hommes.

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Les évadés de France 1942/1944 

Dans son  Histoire de la 1ère Armée Française, le Maréchal de Lattre de Tassigny écrit : «  Aux colons, aux Français d’A.F.N. et de Corse, viennent s’adjoindre , par un courant ininterrompu, les évadés de la métropole. Ils sont 20 000 de tous les âges et de toutes les origines qui, laissant leurs familles à la discrétion de l’ennemi et de ses collaborateurs, déjouant les contrôles, franchissant les Pyrénées hostiles, finissent par atteindre l’Afrique, non sans avoir le plus souvent connu de longs mois de misère dans les camps espagnols de concentration. »

L’organe de la Fédération Nationale André-Maginot, «  la Charte » de décembre 2014 présente un dossier « Les évadés de guerre par l’Espagne ». Son auteur   J.C.B. Montagné nous dit : « … plus de 20 000 Français sont venus volontairement , en prenant d’énormes risques. Deux fois autant de jeunes furent pris par les Allemands avant de rejoindre les Pyrénées. Presque tous ont péri dans les camps nazis .

L’Espagne, affamée par le blocus allié, finira par accepter de les échanger contre des cargaisons de vivres et autres. On disait qu’un prisonnier était échangé contre deux sacs de blé ! « Ainsi deux bateaux firent la navette entre Casablanca et la péninsule ibérique : les navires Gouverneur général Lépine et Sidi Brahim portant marchandises du sud au nord et hommes du nord au sud. » Il faut mentionner l’obstination admirable de Mgr Boyer-Mas, à la délégation de la Croix-Rouge à Madrid pour parvenir à savoir où étaient les prisonniers français.

Sur 23 000 hommes et femmes qui parvinrent à s’évader par l’Espagne, 19 000 volontaires prirent les armes ; 9 000 Évadés de France perdirent la vie en combattant. Cette minorité de 19 000 hommes motivés mérite de ne pas être oubliée. »

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Le réarmement de l’Armée française

Cette période de renaissance de l’Armée Française n’est pas souvent évoquée car elle est moins spectaculaire que celle des combats. Pourtant elle impliqua un effort diplomatique, une organisation matérielle, un réarmement moral qui furent la base des succès ultérieurs.

A l’origine, les plans de l’état-major du général Eisenhower prévoyaient que les troupes françaises auraient un rôle de garde du territoire et seraient réarmées avec des matériels périmés, à l’exception d’un corps expéditionnaire de faible volume destiné à représenter la France sur les champs de bataille. Cette position, plutôt technique, visait à limiter les tonnages maritimes nécessaires impliquant la formation de convois protégés ; il ne faut pas oublier que les sous-marins allemands, bien que moins efficaces, continuaient à opérer dans l’Océan Atlantique.

Il va de soi que cette solution ne satisfaisait pas du tout le général Giraud et ses grands subordonnés.

ANFA - Giraud, Roosevelt, de Gaulle, Churchill
ANFA – Giraud, Roosevelt, de Gaulle, Churchill

Ce n’est que lors de la conférence d’Anfa (Maroc), en Janvier 1943, qu’il fut convenu, entre le président Roosevelt et le général Giraud, que les forces françaises recevraient, par priorité, l’armement le plus moderne. Les discussions qui s’ensuivirent précisèrent que les livraisons de matériels porteraient sur l’équipement de trois divisions blindées et de huit divisions motorisées ainsi que sur une aviation de première ligne constituée de cinq cents chasseurs, trois cents bombardiers et deux cents avions de transport.

Une mission française dirigée par le général Béthouart fut envoyée aux États-Unis pour assurer la coordination entre autorités américaines et autorités françaises. L’organisation matérielle fut gigantesque ; elle portait sur la planification des convois, leur réception par les unités dans les ports d’Afrique du Nord les plus voisins de leur lieu de stationnement, le déchargement des navires, la mise en condition des matériels et leur évacuation rapide pour éviter les risques de raids aériens ennemis.

Chasseurs de chars en instance de réception
Chasseurs de chars en instance de réception
Déballage et réception de matériels
Déballage et réception de matériels

Les cadences de livraison subirent quelques vicissitudes en raison de l’importance des tonnages nécessaires (mille cinq cents tonnes lors d’un premier convoi, huit cent mille tonnes au total). Courant août 1943, la première tranche réalisée permettait d’armer le Corps Expéditionnaire Français en Italie.

A matériels modernes, il fallait des servants compétents, des échelons de réparation à la hauteur et des chefs pour animer tout cela. Or, l’Afrique du Nord constituait un réservoir de combattants de base important mais ne disposait pas de suffisamment de techniciens et de cadres; il fallut donc organiser, de manière centralisée comme dans les unités, cours de mise à niveau ou stages. Pour alimenter la base du corps des officiers, l’école d’élèves aspirants de Cherchell fut créée ; elle donna cinq mille cent cinq officiers à la France dont dix pour cent donnèrent leur vie.

Exercice de débarquement

Exercice de débarquement

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Le Corps Expéditionnaire Français en Italie (CEFI)

En Tunisie, les Français ont souvent combattu avec des moyens réduits et la décision finale n’est intervenue qu’après le renforcement des unités américaines. En Italie, au contraire, nous allons voir les forces françaises réarmées mener le jeu et, après l’échec de plusieurs actions frontales menées par nos alliés, rompre le front ennemi par la manœuvre, en combinant le sens tactique avec, cette fois, la puissance du matériel.

Après avoir conquis la Sicile, les anglo-américains, sous commandement du général anglais Alexander, effectuèrent un difficile débarquement à Salerne, le 9 septembre 1943 ; ils prirent Naples le 1er octobre mais se trouvèrent rapidement bloqués par les forces du Maréchal Kesselring qui disposait, dans son Groupe d’Armées, de vingt-cinq divisions aguerries ; en effet, pour l’Allemagne, l’attaque de l’Italie était le début de l’attaque de la forteresse Europe.

Le Maréchal Kesselring fit réaliser trois lignes successives de défense couvrant Rome puis Florence puis la plaine du Pô.

Les lignes de défense allemandes
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La première, celle où se déroulèrent les plus violents combats, était la ligne Gustav située dans la partie la plus montagneuse de l’Italie du sud. Dans la zone qui intéresse les combats des unités françaises elle suivait le cours du Rapido et du Garigliano ; elle était doublée par la ligne Hitler qui coupait la vallée du Liri et la route de Rome entre le Cairo (1649 mètres) et les monts Aurunci (1535 mètres au plus haut sommet). Ces deux lignes étaient complétées par deux lignes secondaires dominant la vallée du Liri : Dora et Orangers.

La 2ème DIM monte en ligne

La 2ème DIM monte en ligne - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

La 2ème Division d’Infanterie Marocaine (2ème DIM) du général Dody et le 4ème Groupement de Tabors (Lt colonel Siulard) furent les premières unités françaises à monter en ligne en novembre 1943. La division relève la 34ème DIUS. Elle participe à la première offensive frontale des alliés et enlève le Pantano (1160 mètres), par le 5ème RTM du colonel Joppe, le 1er décembre et la Mainarde (1027 mètres), par le 8ème RTM du colonel Molle le 27 décembre. Elle est à pied d’œuvre pour attaquer les derniers massifs qui couvrent le Rapido : Costa San Pietro (1450 mètres) et Mona Casale (1395 mètres).

En cette fin d’année 1943, une violente tempête de neige s’abat sur le secteur ; les hommes sont à peine protégés dans leurs abris sommaires mais le moral tient bon, soutenu par l’arrivée de la 3ème Division d’Infanterie Algérienne (3ème DIA) du général Monsabert

Le 3 janvier 1944, le général Juin prend, à l’aile droite de la 5ème Armée US du général Clark le commandement du secteur du 6ème CAUS.

Une seconde offensive frontale, menée du 12 au 16 janvier permet à la 2ème DIM de conquérir la Costa San Pietro, par le 8ème RTM et le 5ème Tabor, et à la 3ème DIA de prendre le Mona Casale (1395 mètres), par le 7ème RTA du colonel Chapuis et le Mona Aquafondata (1325 mètres), par le 3ème RTA du Colonel de Linares. Le 17 janvier les unités françaises bordent le Rapido devant la ligne Gustav.

Croquis des positions allemandes à l'ouest du Rapido
Croquis des positions allemandes à l’ouest du Rapido – Cliquez sur la photo pour l’agrandir

Il est d’usage d’englober les quatre offensives qui suivront sous le nom de la bataille de Cassino.

Janvier 1944 : la boue entrave la circulation

Janvier 1944 : la boue entrave la circulation - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

La première offensive de Cassino (21 au 23 janvier) conduit à un échec ; les Américains de la 36ème DIUS n’ont pas pu forcer l’entrée de la vallée du Liri, cloués au sol par les tirs ajustés des deux positions allemandes du Mont Cassin et du Mont Majo. Les Alliés décident alors d’un débarquement de contournement à Anzio.

La seconde offensive de Cassino (25 au 31 janvier) est passée dans l’histoire sous le nom de « bataille du Belvédère » ; pourtant l’action des Français n’était que secondaire puisqu’elle consistait à attirer les réserves ennemies en vue de soulager l’action principale américaine sur le mont Cassin.

La 3ème DIA, couverte face au nord-ouest par la 2ème DIM, doit prendre pied au nord de Cassino sur le Belvédère et le Colle Abate voisin, montagnes relativement basses (721 et 915 mètres).

Emportant vivres et munitions pour plusieurs jours, deux bataillons du 4ème RTT , le 3ème du chef de bataillon Gandoet et le 2ème du chef de bataillon Berne traversent, de nuit, le Rapido puis bondissent à l’assaut de la falaise, font taire les blockhaus ennemis en jetant des grenades dans les embrasures et grimpent ainsi, de rochers en rochers, jusqu’au rebord du plateau. Les deux bataillons de tête atteignent l’objectif. Mais le général Von Senger, qui commande le 14ème corps blindé allemand a pris conscience de la brèche effectuée dans la ligne Gustav qui peut permettre de tourner les positions du Cairo par Terelle ou Belmonte ; il ordonne plusieurs contre-attaques repoussées avec une farouche énergie. Le 26 au soir, le 4ème RTT est encerclé ; le colonel Roux, commandant le régiment est tué, deux chefs de bataillons blessés, onze capitaines tués ; le régiment sera dégagé et relevé le 4 février, ayant perdu les deux tiers de l’effectif engagé.

Les actions de rupture du CEFI durant l'hiver 1943/44 et au printemps 1944
Les actions de rupture du CEFI durant l’hiver 1943/44 et au printemps 1944 – Cliquez sur la carte pour l’agrandir

Le général Juin a vainement préconisé au commandement allié de profiter de cette brèche dans la ligne Gustav pour tenter un débordement par la dépression d’Atina.

Insigne du CEFI

Insigne du CEFI

La troisième offensive de Cassino (10 février au 25 mars) est conduite par la 8ème Armée britannique ; elle est précédée par l’inutile destruction du monastère du mont Cassin ; les parachutistes allemands qui n’occupaient pas le monastère prennent position dans les ruines et repoussent les assauts des troupes indiennes et néo-zélandaises. Pour ce qui concerne les Français, les unités sont au repos et se reconstituent ; elles voient arriver deux nouvelles divisions : la 4ème DMM du général Sevez et la 1ère DMI (ex 1ère DFL) du général Brosset ainsi que des unités de réserve générale et des groupements de Tabors du général Guillaume.

Le CEFI est au complet en mai 1944 (112 000 hommes), prêt pour de nouveaux succès.

La quatrième offensive de Cassino (11 mai au 22 mai) est passée dans l’histoire sous le nom de bataille du Garigliano, sans doute parce que sa base de départ fut la tête de pont située dans la boucle du Garigliano entre le Liri et le golfe de Gaète. La force de persuasion du général Juin et les exploits des français pendant l’hiver arrivent à convaincre le général Alexander, auparavant sceptique, et le général Clark, plus acquis, de déborder largement les puissantes défenses allemandes de la vallée du Liri par la montagne et plus exactement par les monts Arunci, moins fortifiés, pour atteindre Pico et se rabattre vers le nord pour déborder les défenses adverses. Cette manœuvre implique un changement complet du dispositif allié , un transfert du CEFI dans la tête de pont et la mise en place d’importants moyens logistiques : 170 000 rations de vivres – 35 000 rations d’orge pour les 400 mulets – 57 000 galons d’essence – 2 000 tonnes de munitions. De 500 à 1 000 camions par nuit assurent cette mise en place du 27 avril au 5 mai.

Le 11 mai, dans l’après- midi, le général Juin diffuse son célèbre ordre du jour : « Combattants français de l’armée d’Italie, une grande bataille, dont le sort peut hâter la victoire définitive et la libération de notre Patrie, s’engage aujourd’hui. La lutte sera générale, implacable, et poursuivie avec la dernière énergie. Appelés à l’honneur d’y porter nos couleurs, vous vaincrez, comme vous avez déjà vaincu, en pensant à la France martyre qui vous attend et vous regarde. »

Le 11 mai, à 23 heures, le feu de plus de 2 000 canons de tous calibres embrase la nuit noire de Cassino à la Méditerranée. Pour bénéficier de l’effet de surprise, il n’y a pas eu de préparation initiale ; dans les premiers fracas de notre artillerie les tirailleurs se lancent à l’assaut en entonnant la Chahada, à la fois pour se donner du courage et pour recommander leur âme à Dieu car ils savent qu’ils peuvent mourir mais ils suivent leurs chefs qui les entrainent.

Dans la nuit, leur chemin est dantesque ; l’artillerie allemande se déclenche, puis les mortiers, il y a ensuite le piège des champs de mines et pour terminer les armes automatiques qui viennent éclaircir encore leurs rangs ; à peine un objectif atteint, une contre-attaque ennemie arrive. Pourtant, le 12 mai au matin, le 8éme RTM du colonel Molle (2ème DIM) et le 1er bataillon du 6ème RTM (4ème DMM) ont pris le Faito (623 mètres) et s’y cramponnent mais les pertes sont énormes. Dans la soirée, le 4ème RTT du colonel Guillebaud (3ème DIA), servi par la poussée du 2ème CAUS au sud, entre dans Castelforte. Ailleurs, l’avance est bloquée ; néanmoins, le général Juin, qui s’est rendu sur place, décide de reprendre l’effort.

Attaque de chars sur Castelforte
Attaque de chars sur Castelforte – Cliquez sur la phoro pour l’agrandir

Le 13 mai, le Feuci est pris par le 2ème bataillon du 5éme RTM du Colonel Joppe (2ème DIM) qui se porte ensuite sur le Majo (940 mètres) abandonné par les Allemands et Castelforte est prise par le 4ème RTT (3ème DIA) qui débouche sur son axe d’exploitation. Le 14 mai, cette exploitation est menée par la 3ème DIA et le corps de montagne (4ème DMM et Goums).

Transport de blessé sur cacolet
Transport de blessé sur cacolet – Cliquez sur la photo pour l’agrandir

Le 15, la 3ème DIA, appuyée par les chars, est devant Ausonia et le corps de montagne aborde le Petrella (1535 mètres). Le 17 mai,, le verrou d’Esperia est forcé ainsi que la ligne Dora. Le 18 mai, le contact est pris sur la ligne Hitler par la 1ère DMI et la 3ème DIA. Le 20 mai, la ligne Hitler est forcée. Sur le papier, tout cela parait facile, mais il faut imaginer les difficultés rencontrées par ces unités menant marches et combats successifs, de crête en crête, avec des problèmes de ravitaillement et d’évacuation des blessés souvent avec l’aide des mulets.

Le 21 mai au matin, huit jours après le déclenchement de l’offensive, le CEFI a franchi complètement le massif des monts Aurunci ; il est prêt à déboucher sur les arrières allemands. Le 22 mai, Pico est à nous ; le commandement allemand, affolé, retire des fronts anglais et américains tout ce qu’il peut retirer, notamment la 26éme Panzer division qu’il lance dans la région de Pico. La 3ème DIA subira pendant plusieurs jours les actions de chars les plus violentes de la campagne. Le 25 mai, l’avant-garde du 2ème CAUS fait jonction avec celle du 6ème CAUS d’Anzio dans les marais Pontins. Il n’y a plus de tête de pont d’Anzio.

Débris d'une unité motorisée allemande prise à partie par notre artillerie

Débris d'une unité motorisée allemande prise à partie par notre artillerie - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

La marche sur Rome est une succession d’actions retardatrices des unités allemandes profondément désorganisées mais non détruites ; elles ont subi des pertes importantes en hommes (25 000 prisonniers) et en matériel (les Français ont pris l’artillerie de deux divisions) ; l’action de l’aviation alliée, beaucoup plus efficace sur ces colonnes en retraite qu’elle ne l’a été lors de la rupture ne cesse d’accroître ces pertes.

Dans les premiers jours de juin, la 3ème DIA marche sur Palestrina et Tivoli, défendue par les parachutistes de la division Hermann Goering et atteint le Tamerone dont les ponts ont sauté. Un pont est lancé. La 2ème brigade (colonel Garbay) de la 1ère DMI traverse alors la rivière et le 5ème Bataillon de Marche entre dans Tivoli, à une trentaine de kilomètres de Rome, le 6 juin, jour du débarquement en Normandie. Les Français reçoivent alors l’ordre de stopper, l’entrée dans Rome, déclarée ville ouverte par les Allemands, étant réservée, en priorité, aux Américains et aux Britanniques… Nos troupes sont tout de même admises au grand défilé du 7 juin.

Défilé à Rome - Au fond : le Colisée

Défilé à Rome - Au fond : le Colisée - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

Dans l'église Saint Louis des Français,

Dans l'église Saint Louis des Français, à Rome, les unités du CEFI ont apposé des plaques pour honorer leurs morts; voici celle de la 3e DIA - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

La marche sur Sienne commence après quelques jours de repos dans la région de Rome. Le CEFI reçoit la mission de poursuivre les unités de la 14ème armée allemande dans le cadre de la 5ème armée américaine mais dans une zone d’action étroite d’une trentaine de kilomètres. Deux divisions seulement sont mises en ligne le 10 juin, formant un corps de poursuite aux ordres du général Larminat, à gauche la 3ème DIA, à droite la 1ère DMI. La marche est jalonnée de combats retardateurs avec des coups d’arrêt souvent extrêmement durs : La Rotta, Radicofani, Amiata, rivière d’Orcia où les Allemands sont en train d’établir la ligne Frieda. La 1ère DMI, première division à quitter le CEFI pour participer au débarquement de Provence, est alors relevée par la 2éme DIM ; elle a perdu en Italie seize pour cent de son effectif. Dans la nuit du 26 au 27 juin, les Allemands abandonnent la ligne Frieda. La 3ème DIA fonce alors vers Sienne, nouveaux coups d’arrêt : Casciano, col de Rosia ; Sienne est à huit kilomètres. Le 2 juillet, la 3ème DIA se trouve aucontact d’une solide position défensive couvrant Sienne en arc de cercle.

Les premiers éléments du 4ème RTT pénètrent dans Sienne

Les premiers éléments du 4ème RTT pénètrent dans Sienne - Cliquez sur la photo pour l'agrandir

Le 3 juillet, après avoir déclaré Sienne « ville hôpital », les Allemands l’évacuent ; les premiers éléments du 4ème RTT y pénètrent. Le 4  juillet, dans Sienne, première grande ville libérée par les seules troupes française une prise d’arme a lieu sur la Piazza Del Campo ; la 3ème DIA et un détachement de goumiers défilent devant le général Juin ; c’est l’adieu de cette division au CEFI puisqu’elle doit, à son tour, rejoindre la zone de regroupement pour l’embarquement vers la Provence. Elle aura laissé, comme toutes les divisions du corps expéditionnaire beaucoup des siens sur cette terre italienne. A titre d’exemple, au premier bataillon du 4ème RTT du chef de bataillon Cerutti, depuis janvier, les pertes atteignent cent-cinquante pour cent de l’effectif.

Après Sienne, il reste aux alliés à atteindre Florence puis à franchir l’Arno pour aborder la ligne gothique que les Allemands renforcent en hâte au nord de la ville. Au CEFI, seules la 2ème DIM et la 4ème DMM restent en ligne ; les combats livrés par ces deux divisions sont très durs et leur coûtent des pertes analogues à celles subies dans la bataille du Garigliano. C’est une succession de durs accrochages : massif du Mont Maggio, San Giminiano, Castelfiorentino. Depuis le 21 juillet, la relève de la 4ème DMM par les Britanniques se poursuit ; cette division a perdu, depuis Sienne,1 360 tués et blessés. La 2ème DiM stoppe à vingt- cinq kilomètres de Florence et se laisse dépasser ; première arrivée en Italie, elle sera la dernière à rejoindre sa zone d’embarquement pour la Provence ; elle aura perdu huit mille hommes en sept mois et demi.

Le CEFI n’existe plus. Il aura payé ses victoires de plus de seize mille hommes. Dans les régiments d’infanterie, les pertes pour six mois de combats dépassent en pourcentage celles de deux ou trois années de la première guerre mondiale. Trois cimetières rappellent sur la terre italienne ces sacrifices : celui de Miano, faubourg de Naples (1 849 tombes), celui de Venafro, dans la vallée du Volturno proche de Cassino (3 376 tombes) et celui de Rome à la sortie nord de la ville (1 822 tombes).

Nécropole de Venafro
Nécropole de Venafro

Les généraux Alexander et Clark ont manifesté au général Juin, quittant son commandement, toute leur sympathie et leur admiration pour les résultats obtenus par les forces françaises. Avec la magnifique résistance de la 1ère Brigade Française Libre du général Koenig à Bir Hakeim les victoires du CEFI ont largement contribué à relever le prestige de l’armée française aux yeux de nos alliés.

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Conquête de l’Ile d’Elbe

Les 17 et 18 juin 1944, des éléments de l’armée française vont accomplir un nouveau fait d’armes : la prise de l’île d’Elbe, après les prouesses de C.E.F.I. (Corps Expéditionnaire Français en Italie) sous les ordres du Général Juin.

Ce fut en fait une répétition du débarquement de Provence sur une côte similaire de falaises abruptes et de petites criques rocheuses sans accès routier vers l’intérieur. La marine et l’aviation n’ayant pas garanti la destruction des principaux obstacles et batteries, les chocs et les commandos ont montré ce qui était possible à la contre-batterie à moyens humains en triomphant de ces obstacles pour surprendre et détruire les batteries côtières et désorienter le commandement ennemi.

La garnison est de l’ordre de 3 000 hommes commandés par l’énergique général Gall. Il a fait exécuter des travaux de défense puissants d’une redoutable efficacité compte tenu du relief et six batteries de 155 sur les points propices aux débarquements, mais un peu moins à l’intérieur de l’ile.

Les abords maritimes de l’île étant défendus par d’importants champs de mines, il sera obligatoire de pénétrer par le couloir utilisé par les navires allemands pour atteindre le port de Marina dicampo.

Le général Henry Martin, le contre-amiral anglais Troubridge et le colonel aviateur américain Darcy furent chargés de la préparation de la “Force 255” qui était composée de troupes exclusivement françaises pour l’armée de Terre, d’unités pour la Marine principalement britanniques renforcées d’unités françaises, de groupes alliés pour l’Air, dont deux groupes de chasse français.

Il fut admis au début que l’A.F.H.Q. (Allied Forces Headquarters = Quartier Général des Forces Alliées en Méditerranée) aurait le commandement  de cette Force 255. Mais le général de Lattre en obtint la responsabilité, selon le voeu du président du C.F.L.N. (Comité Français de Libération National à Alger).

Le Bataillon de Choc du lieutenant-colonel Gambiez accepta la mission de débarquer ses hommes en pleine nuit, trois heures avant l’attaque pour réduire au silence les principales batteries. On pourra alors espérer une tête de pont où débarquera la majeure partie de nos forces terrestres : des éléments de la 9ème Division d’Infanterie Coloniale  du général Magnan, le deuxième Groupement de Tabors Marocains du colonel de Latour et le Groupe des Commandos d’Afrique du lieutenant-colonel Bouvet soit une masse de 12 000 hommes et  600 véhicules.

Le 16 juin, vers 23 heures, les 220 navires alliés approchent de l’objectif vers  le canal de Marina di Campo. A minuit, les “chocs”embarquent à bord des L.C.A. (Version anglaise du L.C.V.P. américain : Landing Craft Véhicule Personnel. Peut embarquer 36 hommes équipés ou un véhicule de 3000 kg ou 4000 kg de frêt).

Ils débarquent en six points, la surprise est complète et les “chocs” vont réussir magnifiquement et à peu près complètement à détruire les batteries. Ils se répandent dans l’île, attaquent les postes isolés, les convois, incendient les dépôts, causent un désordre qui désoriente le commandement allemand. A quatre heures, une immense lueur illumine la baie de Marina di Campo avec un énorme grondement de tonnerre : les bâtiments d’appui feu avec leurs 4 000 tubes viennent d’expédier une énorme salve de roquettes.

Débarquement à Marina di Campo, un LCI a été touché

Débarquement à Marina di Campo, un LCI a été touché (Cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Les Allemands répliquent aussitôt, avec un déluge de feu. Deux L.C.A. sont en flammes, puis deux L.C.I. sur les cinq de la troisème vague. Les Sénégalais ont réussi à débarquer mais resteront plus de cinq heures accrochés à une étroite bande de sable : un enfer. Ils progressent toutefois à l’aide de bangalores (explosifs au bout de perches ) et de cisailles, se frayant un passage dans les barbelés mais les champs de mines créent des pertes sanglantes. L’homme de tête de chaque colonne déroule une tresse blanche jusqu’à ce qu’il tombe, il est remplacé par le suivant jusqu’à ce qu’il s’écroule à son tour: le passage est assuré par ces sacrifices, à “coup d’hommes.”

A l’est de la baie, les commandos d’Afrique (équivalents des “chocs”) ont parfaitement réussi à débarquer et s’emparent dès l’aube du Mont Tombone. Dans la matinée, Marina di campo est prise, le colonel Chrétien , commandant le Régiment de Tirailleurs Sénégalais, ayant réussi à débarquer, malgré les récifs, avec le 4ème Régiment Colonial et les Tabors. A 16 heures, nous sommes maîtres du pourtour montagneux de la baie de Marina di Campo. Les troupes françaises atteignent la côte nord dans la soirée et occupent toute la partie ouest de l’ile, assurant pratiquement la victoire, grâce à la guérilla généralisée et à une diversion navale devant Porto-Ferraio.

Conquête de l'ile d'Elbe

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Le 18 juin, la progression reprend avec l’aide de l’aviation et de l’artillerie. La Compagnie Kuntz du 4° R.T.S. s’empare dès 5 heures du matin de la villa Napoléon et inscrit sur le livre d’Or : « La France ! ».  La capitale de l’ile, Porto Ferraio, est prise à 14 heures. Au centre le 902° bataillon allemand « Festung » défend durement les abords du Mont Puccio qui sont tournés par les tabors, les chocs et les commandos qui progressent le long de la côte sud jusqu’à la citadelle de Porto Longone sur la côte est, dont les 300 hommes de la garnison se rendront le 19.

La conquête de l’ile est pratiquement acquise le 18 au soir. Le Général Gall parvient à s’échapper en embarquant à bord d’un sous-marin.

L’Opération « Brassard » est la première victoire de l’Armée « B », future « Première Armée Française », victoire chaudement disputée. Les troupes françaises ont tué ou blessé plusieurs centaines d’Allemands, fait 1995  prisonniers et pris un important matériel.

Dans ces durs combat, nos pertes ont été de 7% des effectifs, soit 201 tués dont 20 officiers,51 disparus et 635 blessés. Le journal quotidien de l’armée américaine Stars and Stripes écrira dans son numéro du 24 juin : « La marine alliée estime que l’invasion de l’île d’Elbe a été le plus dur de tous les débarquements en Méditerranée. »

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Paris libéré par la 2ème D.B. le 23 août 1944

Comment se fait-il que les 14 500 hommes formant cette fameuse division -la 2ème D.B.- aient réussi à lui donner ce renom démesuré et mythique, cette place, cette reconnaissance dans la mémoire de la France ?

C’est d’abord l’œuvre de son glorieux chef le Général Leclerc, lequel, bien avant les combats de France, s’était rendu célèbre en Afrique où avec des moyens disparates, des effectifs sommaires, un armement des plus réduits, il avait formé des colonnes franchissant des distances incroyables dans le désert, capable de prendre Koufra aux Italiens, avec un seul canon, de s’imposer au Fezzan, puis rejoignant la 8ème Armée de Montgomery et participant à la victoire de Tunisie. La camaraderie de ses valeureux soldats était exceptionnelle ; ils avaient avec leur chef fait le serment de Koufra :  « Nous n’arrêterons pas le combat avant de voir flotter nos trois couleurs sur la cathédrale de Strasbourg ». Ils ont combattu pendant quatre ans derrière le Général de Gaulle.

Lors du réarmement par les Américains au Maroc, Leclerc aurait voulu conserver le nom de sa division « 2ème division française libre » mais on transigea pour « 2ème division blindée » appartenant à l’Armée « B ». Son but fut alors de faire transporter sa division en Angleterre afin de débarquer dans le nord de la France et le général de Gaulle était bien d’accord pour que des soldats français libèrent Paris.

Le commandant suprême Eisenhower en accepta l’idée. L’entraînement alla bon train en Grande Bretagne où Leclerc se lia d’amitié avec George Patton, ce qui lui valut d’embarquer le 30 juillet au lieu du 20 août prévu, comme division de la 3ème Armée. Il participera dès le 9 août aux combats de la Poche de Falaise.

Dès le 19 août, Paris était en plein soulèvement, mais les plans alliés étaient de contourner Paris au nord et au sud, préférant transporter en priorité carburant et munitions plutôt que les 4 000 tonnes de ravitaillement nécessaires aux Parisiens. Le 21 août, de Gaulle demande à Eisenhower de lancer Leclerc sur Paris. Par chance, le gouverneur militaire allemand de Paris le Général Choltitz ne désirait pas attacher son nom à la destruction de Paris envisagée par Hitler, conforté dans cette idée par le Consul Général de Suède Raoul Nordling dont le rôle fut essentiel.

Barricade improvisée sur un pont de Paris
Barricade improvisée sur un pont de Paris (Cliquez pour agrandir l’image)

Le 21 août, Leclerc décide de passer à l’action. Il donne au Lieutenant-Colonel de Guillebon l’ordre de constituer un petit détachement de 150 hommes avec dix automitrailleuses et dix chars, avec mission de foncer sur Paris. Il prit un Piper-Cub (avion de reconnaissance et de liaison) pour aller au quartier-général du général Hodges et dans l’après-midi du 22, le général Bradley vint lui annoncer qu’Eisenhower avait (enfin) décidé d’engager la 2ème DB pour libérer Paris.

Un officier prisonnier agite une étoffe blanche pour faire cesser le feu par ses compatriotes
Un officier prisonnier agite une étoffe blanche pour faire cesser le feu par ses compatriotes (Cliquez pour agrandir l’image)

Le général Choltitz disposait de 5 000 hommes, d’une cinquantaine de canons, d’une compagnie de chars et de 60 avions au Bourget, mais la résistance allemande fut sporadique. Choltitz signa la capitulation le 25. Le général de Gaulle arriva dans l’après midi du même jour et après avoir rencontré Leclerc alla s’installer au Ministère de la Guerre, puis rendit visite à l’Hôtel de Ville. Enfin ce fut la descente triomphale des Champs Elysées le 26 avec Koenig et Leclerc, dans l’enthousiasme d’une innombrable foule.

La population parisienne a eu 1 483 tués et 3 467 blessés, les Allemands 2 788 tués et 4 911 blessés, et la 2ème DB 130 tués et 319 blessés à Paris, mais l’avance sur la capitale a coûté 71 tués, 225 blessés, 35 chars, 6 canons automoteurs dans de durs combats à Longjumeau, Massis, Wissous et au carrefour de la Croix-de-Berny.

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