Cette période de renaissance de l’Armée Française n’est pas souvent évoquée car elle est moins spectaculaire que celle des combats. Pourtant elle impliqua un effort diplomatique, une organisation matérielle, un réarmement moral qui furent la base des succès ultérieurs.
A l’origine, les plans de l’état-major du général Eisenhower prévoyaient que les troupes françaises auraient un rôle de garde du territoire et seraient réarmées avec des matériels périmés, à l’exception d’un corps expéditionnaire de faible volume destiné à représenter la France sur les champs de bataille. Cette position, plutôt technique, visait à limiter les tonnages maritimes nécessaires impliquant la formation de convois protégés ; il ne faut pas oublier que les sous-marins allemands, bien que moins efficaces, continuaient à opérer dans l’Océan Atlantique.
Il va de soi que cette solution ne satisfaisait pas du tout le général Giraud et ses grands subordonnés.
Ce n’est que lors de la conférence d’Anfa (Maroc), en Janvier 1943, qu’il fut convenu, entre le président Roosevelt et le général Giraud, que les forces françaises recevraient, par priorité, l’armement le plus moderne. Les discussions qui s’ensuivirent précisèrent que les livraisons de matériels porteraient sur l’équipement de trois divisions blindées et de huit divisions motorisées ainsi que sur une aviation de première ligne constituée de cinq cents chasseurs, trois cents bombardiers et deux cents avions de transport.
Une mission française dirigée par le général Béthouart fut envoyée aux États-Unis pour assurer la coordination entre autorités américaines et autorités françaises. L’organisation matérielle fut gigantesque ; elle portait sur la planification des convois, leur réception par les unités dans les ports d’Afrique du Nord les plus voisins de leur lieu de stationnement, le déchargement des navires, la mise en condition des matériels et leur évacuation rapide pour éviter les risques de raids aériens ennemis.
Les cadences de livraison subirent quelques vicissitudes en raison de l’importance des tonnages nécessaires (mille cinq cents tonnes lors d’un premier convoi, huit cent mille tonnes au total). Courant août 1943, la première tranche réalisée permettait d’armer le Corps Expéditionnaire Français en Italie.
A matériels modernes, il fallait des servants compétents, des échelons de réparation à la hauteur et des chefs pour animer tout cela. Or, l’Afrique du Nord constituait un réservoir de combattants de base important mais ne disposait pas de suffisamment de techniciens et de cadres; il fallut donc organiser, de manière centralisée comme dans les unités, cours de mise à niveau ou stages. Pour alimenter la base du corps des officiers, l’école d’élèves aspirants de Cherchell fut créée ; elle donna cinq mille cent cinq officiers à la France dont dix pour cent donnèrent leur vie.