Le 21 janvier 1945, quittant Pfastatt, nous attaquons le village de Rischwiller. S’il n’y avait que peu de résistance, il y avait de nombreux snipers (soldats isolés armés de fusil de précision à lunette) autour des barricades et un peu partout dans le village, d’où quelques pertes parmi nous bien qu’avançant le long des murs, profitant des entrées de maison pour nous abriter.
Personnellement, je me trouvais dans l’encoignure d’un hall d’entrée d’une maison attendant pour repartir en courant quand mon chef de section, le sergent-chef Tomasi, se plaça devant moi juste au moment où un coup de feu claqua. Il s’écroula ayant pris une balle dans la poitrine qui m’était certainement destinée. Sans le vouloir, il m’avait sauvé la vie en s’arrêtant devant moi. Il fut presque aussitôt évacué, hospitalisé et revint quelques mois plus tard avec le grade d’adjudant.
La prise de Rischwiller se continua de la même manière pas à pas mais grâce à l’appui des chars sans trop de difficultés ni trop de pertes. Nous passâmes une nuit tranquille à dormir sous un mètre de paille.
Le lendemain matin, il y avait près de 30 centimètres de neige et il nous fut attribué des surplis blancs avec capuche. A la sortie du village une immense plaine blanche se trouvait devant nous et au bout un bois où s’étaient retranchés les Allemands fortement armés de mitrailleuses. Ce glacis de près de 200 à 300 mètres était recouvert d’une épaisse couche de neige. L’ordre d’attaquer étant lancé, nous partîmes en courant sur ce glacis; mais avec la hauteur de neige le surplis blanc me gênait quand il fallait se coucher pour se protéger des balles et surtout pour me relever, aussi j’abandonnais le mien. Malgré tout nous avancions et nous nous trouvions au milieu du glacis sans trop de pertes. Je me trouvais à plat ventre derrière un piquet de pâture en bois quand j’entendis un claquement et des morceaux de bois me frappèrent au visage. Une balle venait de percuter le piquet juste à hauteur de mon front. J’avais eu de la chance.
Étant tous bloqués encore loin du bois où les Allemands solidement retranchés tiraient sans arrêt, il a fallu faire appel aux chars qui, venant d’une autre direction surprirent les Allemands et détruisirent les nids de mitrailleuses et les mirent en fuite. Nous pûmes atteindre le bois sans difficulté où nous restâmes près de 2 heures à plat ventre dans la neige à attendre l’ordre d’attaquer la ferme de Meyershof. La neige fondait sous moi et regelait aussitôt. Heureusement collé contre un char dont le moteur tournait, je récupérais un peu de sa chaleur. L’ordre nous fut enfin donné de progresser vers la ferme, les chars restant en arrière en soutien. Nous pénétrâmes dans les bâtiments. Je me trouvais à l’extérieur longeant le mur et un camarade était à l’intérieur. A hauteur d’une fenêtre, j’entendis le crépitement de balles sur le mur, tout autour de moi. Je rouspétai après ce camarade, croyant qu’il tirait sur moi. Il me cria : « Planque-toi, une mitrailleuse allemande vient de te tirer dessus. » J’avais encore une fois eu de la chance. En fin de journée nous occupions les ¾ de l’ensemble de la ferme, mais la mitrailleuse allemande était toujours là, bloquant le passage vers l’arrière. Pour pouvoir l’éliminer, je fus désigné comme « volontaire d’office ». Je devais avancer dans la direction de cette mitrailleuse qui, en principe, devait tirer sur moi et un char qui me suivait à 50 mètres l’aurait détruite. J’étais donc désigné à être abattu et mourir. Heureusement, la mitrailleuse avait décroché. J’étais sain et sauf et de plus, en passant près d’un bunker, onze allemands en sortirent en levant les bras et je les ramenais prisonniers au Poste de Commandement. Ceci me valut une citation.
Puis la nuit fut calme bien que nous entendions des bruits de chars et d’engins motorisés laissant prévoir une contre-attaque pour le lendemain…
Durant cette journée, j’avais échappé plusieurs fois à la mort !
Soldat Christian GIGOT : Président de RHIN et DANUBE des Ardennes
Président départemental de la Fédération des Combattants de Moins de Vingt ans.