Début septembre 1944, une grande effervescence règne dans la cour du lycée Janson de Sailly à Paris. Le commandement des F.F.I. (Forces Françaises de l’Intérieur) de la capitale a décidé d’y mettre sur pied une unité militaire d’infanterie. La troupe, de 500 hommes, est à tous les points de vue d’un niveau élevé; elle se recrute en partie parmi les étudiants de la Sorbonne et des élèves préparant les grandes écoles. La totalité de notre troupe n’a qu’un objectif: rejoindre l’armée de Lattre qui progresse vers la Bourgogne par la vallée du Rhône. Plusieurs officiers contactent donc le général de Lattre, qui accepte ce renfort, sous réserve qu’il rejoigne son armée dans les cinq jours et par ses propres moyens.
Faire sortir de Paris 500 hommes sans donner l’alerte, les transporter sur 400 km en cette période de pénurie représente une vraie gageure. Elle est gagnée. Dans la nuit du 25 au 26 septembre, le bataillon Janson de Sailly – appelé aussi “Royal XVI°”- s’évade de Paris.
Rassemblé le surlendemain à Gray, sur les bords de la Saône, il est inspecté par le général de Lattre. Chacun doit se présenter en précisant son âge et son degré d’instruction. Frappé par la bonne présentation et la cohésion de notre bataillon, le général est satisfait de recevoir 500 hommes dont plus de la moitié sont bacheliers. Nous sommes embarqués vers le camp du Valdahon que les Allemands viennent d’évacuer: accueil sinistre. Débarque une section d’instructeurs et de moniteurs chargés de conduire notre instruction de manière intensive malgré un temps exécrable. De Lattre vient fréquemment constater nos progrès qui le satisfont puisqu’il nous fait passer en revue le 13 novembre par le général de Gaulle, Winston Churchill, le général Juin et autres autorités.
Quelques jours plus tard, l’instruction s’arrête brusquement et nous sommes transportés au nord de Belfort et mis à la disposition du colonel Gambiez dont les unités, le 1er bataillon de choc et commandos de France, ont subi de lourdes pertes en s’infiltrant à Masevaux. Le bataillon Janson de Sailly reçoit la mission de s’emparer de la ville où il arrive le 26 novembre à l’aube après une marche dans les Vosges enneigées. En fin de soirée, les objectifs sont atteints et la ville libérée. Les pertes du bataillon sont lourdes: 45 tués et une centaine de blessés. Malgré cela, appuyé par des chars, il reprend sa progression dans la forêt dominant Thann, progression difficile qui lui coûte encore plusieurs morts.
Début janvier 1945, le bataillon Janson de Sailly, reçoit l’appellation officielle de 2° Bataillon de choc. Dans le cadre de l’amalgame, opération chère au général de Lattre qui a consisté à procéder à des échanges de personnel entre les unités ayant débarqué en Provence et celles d’origine F.F.I., le bataillon doit muter 140 sous-officiers et hommes du rang au 2° Régiment de Zouaves.
Pour la bataille de Colmar, du 23 janvier au 6 février, le bataillon reçoit la mission de s’emparer de plusieurs villages et cités des mines de potasse aux portes de Mulhouse. Sous la neige, il soutient des combats violents face à un ennemi puissant et agressif, qui déclenche plusieurs contre-attaques. Finalement, après avoir subi d’assez lourdes pertes, les Allemands se replient, laissant plusieurs chars Panther sur le terrain. Le bataillon déplore onze morts et 70 blessés ou gelés.
Relevé, le 2° Choc est envoyé à Rouffach où de Lattre a créé une école de cadres où il vient presque quotidiennement. Cinq mille cadres et futurs cadres de toutes les unités de la 1ère Armée y seront soumis, sans distinction de grades, à un entraînement intensif avec des séances à tir réel.
Le 3 avril 1945, le Rhin est franchi et la campagne d’Allemagne s’achève à un rythme endiablé. Le bataillon participe au nettoyage de Karlsruhe, puis chevauchée motorisée à travers la Forêt Noire, par Freudenstadt, Rottweil, Sigmaringen et Constance où nous apprenons la capitulation.
Début juin, le 2° Choc est dissous. Du jour au lendemain,le général de Lattre apprend qu’il doit quitter le commandement de son armée et des forces françaises en Allemagne pour remplir à Paris les fonctions d’inspecteur de l’armée (voir chapitre Épilogue).
D’après le Général Jacques MALÉZIEUX-DEHON
Commandeur de la Légion d’honneur