La seconde guerre mondiale semblait avoir sonné le glas des unités de cavalerie à cheval, dont les troupes furent reversées dans l’Arme Blindée , avec toujours Saumur pour centre vital.
“L’École de cavalerie de Saumur, en temps de paix, est le haut lieu où se forment et se perfectionnent les officiers de cette arme. Ses cadres constituent une élite : plus encore , au sein d’une armée qui se démocratise et se mécanise peu à peu, ils maintiennent une aristocratie, peut-être même exercent-ils une sorte d’apostolat … il y a aussi les écuyers du Cadre noir, officiers sans commandement, presque comparables dans l’armée à ce que sont dans l’Église des moines qui exercent leur sacerdoce en dehors des paroisses, à l’écart des besoins du siècle. Ils portent un uniforme noir, sur lequel se détache seulement l’or des galons et des boutons et le métal brillant des éperons. Ils vivent uniquement pour maintenir et pour perfectionner dans l’armée le culte de la cavalerie : leurs cérémonies sont les carrousels au cours desquels ils font évoluer leurs chevaux, sur un rythme d’incantation, coupé d’élans et de sauts. Dans les couloirs de l’École, dans ses manèges, ces hommes en noir font régner une atmosphère mi-monacale, mi-guerrière, comme dans un de ces couvents du Moyen Àge dont les offices s’encadraient dans des combats pour refouler les infidèles.”
Extrait de “Les grands dossiers de l’histoire contemporaine”
par Robert Aron.(Librairie Académique Perrin).
Le moteur était roi dans la Première Armée, à l’origine “Armée B”, commandée par le général Jean de Lattre de Tassigny, partie du 6th U.S. ARMY GROUP. Cette Armée comptait 3.034 camions, (qui faisaient chaque jour un kilométrage supérieur au tour de la terre !) auxquels il faut ajouter les véhicules de combat blindés, les Jeep, les ambulances, les amphibies, les motos. Pour la totalité de la campagne 237.000 tonnes d’essence furent brûlées + 16.500 tonnes de gas-oil et lubrifiants.
(cf les articles ”Véhicules de combat, tactiques » et le « Train des Équipages”)
Et pourtant nous avons découvert qu’il restait dans l’armée française un vestige du passé, la brigade à cheval du Colonel Brunot, composée du 5ème régiment de spahis marocains et du 7ème régiment de spahis algériens.
Après recherches, nous avons pu reconstituer son rôle pendant la Campagne de la Première Armée.
Un mot d’historique : En 1940, la 1ère Brigade à cheval de Spahis du Colonel Jouffrault avait pris part à de durs combats. Elle avait été citée à l’ordre de l’armée par le Général Huntziger. En août 1940, elle avait regagnée l’Afrique du Nord.
Une note de l’État Major Général de guerre remet sur pied la brigade de spahis pour le 20 octobre 1944, sous le commandement du Colonel Brunot, constituée d’un État Major et de deux régiments :
- Le 7ème Régiment de Spahis Algériens regroupé à Maison-Carrée. Il est aux ordres du Lt-Colonel Winsbach (qui sera tué en Alsace le 26 février 1945 et dès lors le fanion du 7e RSA sera orné d’une queue de cheval blanche en souvenir de la mort au combat de son chef de corps) et se compose de 5 escadrons de 120 chevaux chacun..
- Le 5ème Régiment de Spahis Marocains à Meknès (où il fut créé le 01/07/1943). , chargé de la réception du matériel de guerre américain à Casablanca. Lt-Colonel Sabarots . 6 escadrons.
Il s’agit d’escadrons montés, sauf quelques pelotons motorisés affectés aux canons P.40 antichars.
Fin 1943, la Brigade (1.000 chevaux environ) était prévue pour opérer “à pied” avec la 5ème Armée Américaine, sur le front d’Italie, qu’elle ne rejoindra pas.
Le 12 mai 1944, la 1ère Brigade de Spahis est placée sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, commandant l’Armée “B” qui deviendra “Première Armée Française” après ses premières victoires. La première inspection du Général aura lieu le 12 juin.
Le 1er septembre 1944, arrive une note du Haut État-Major par laquelle la 1ère Brigade est transformée en Brigade de Spahis à pied, avec ses véhicules automobiles, plus 8 canons T30.
Le 20 octobre, la Brigade arrive à Marseille. Le 17 novembre la 1ère Brigade de Spahis est reconstituée en Brigade à cheval; les chevaux et leur harnachement venant d’Afrique du Nord arrivent en France jusqu’au début janvier. Opérationnelle, la Brigade arrive à Lure (Haute-Saône) le 21 janvier 1945 ; le 25 elle est mise aux ordres de la 9ème Division d’Infanterie Coloniale. Elle s’illustrera durant l’hiver 1944/1945 dans les Vosges, dans la région de la Hard et dans le Bade-Wurtemberg, sur un terrain boueux où les véhicules blindés n’ont jamais eu accès. Puis prend part aux furieux combats préparant la prise de Colmar. sous forme du Groupement Brunot qui atteint le Rhin, son objectif, le 8 février au soir. Elle assurera la garde au Rhin. Le 20 avril, la Brigade entre en Allemagne par le pont de Kehl qui vient d’être construit. Elle remplira parfois un rôle de gouvernement militaire et souvent assurera la sécurité d’axes de communication et des arrières de l’Armée. Une opération relatée par le général de Lattre : “Le 24 avril, en Forêt-Noire, les spahis du Colonel Brunot, qui ratissent méthodiquement tous les itinéraires au sud de Hausach et capturent de nombreux isolés, s’emparent de Triberg… Le 28 avril 1945 le nettoyage minutieux se termine. La 1ère Brigade de Spahis à cheval inscrit à son tableau un millier de prisonniers. “
Juste avant la fin des hostilités, ses escadrons de pointe atteindront le col de l’Arlberg en Autriche.
Le 7ème Régiment de Spahis Algériens sera décoré de la Croix de Guerre avec une citation à l’ordre du Corps d’Armée pour sa conduite durant la campagne 1944/45.
Après la capitulation du 8 mai 1945, les missions sont : assurer la sécurité des lignes de communication, détruire les éléments armés qui pourraient subsister, assurer le mantien de l’ordre dans les villages occupés, rechercher les suspects et les criminels de guerre. Et elle prendra part à de nombreuses prises d’armes où sa présence fera merveille.
Le 29 avril 1946, le colonel Brunot fait ses adieux à la Brigade qui sera dissoute le 30.
Ainsi finira cette glorieuse épopée, qui termine la participation du cheval à la guerre moderne.
L’adieu au Cheval de Combat
Chaque fois que nous rencontrons un cheval nous sommes frappés et émus par la noblesse émanant de ce merveilleux animal !
Il a été à l’origine de l’aristocratie chez l’homme. Fustel de Coulange nous dit dans son ouvrage La Cité Antique (1895): “ Dans les premiers siècles de l’histoire des cités, la force des armées était dans la cavalerie. Le véritable guerrier était celui qui combattait sur un char ou à cheval. Aussi l’ancienne aristocratie s’était-elle réservé partout le droit de combattre à cheval ; même dans quelques villes les nobles se donnaient le titre de chevaliers. “
Saint Exupéry a écrit que les premiers conquérants du ciel, les pilotes, avaient fait de la mythique Aéropostale “une sorte de civilisation à part où les hommes se sentaient plus nobles qu’ailleurs.” Nul doute qu’aujourd’hui encore, il en est de même pour les “hommes de cheval”, dans toutes les professions et activités qui lui sont attachées. Les Cercles Équestres, les poney-clubs, les spectacles hippiques, qu’il s’agisse de concours d’attelages, de chevaux de cirque, d’épreuves de vitesse, de voltige équestre, de concours complets, du ballet rigoureux du Cadre Noir de Saumur, obtiennent toujours le même succès, avec bien entendu les hippodromes et le fameux P.M.U. Rappelons-nous le vif succès de ce film de guerre récent où “Un cheval de guerre” était l’acteur principal.
Si le cheval a été la plus noble et belle conquête de l’homme, nous pouvons dire que depuis la nuit des temps, partout associé à l’aventure humaine, il a, juste retour des choses, conquis le cœur de l’homme.
Ode au cheval
Les débuts de ce qui restera comme ayant été la “drôle de guerre”, de septembre 1939 aux heures sombres de juin 1940, ont été marqués par l’emploi des unités à cheval que comptait l’Armée Française , à savoir :
- Le Train des Équipages, avec ses “fourragères”, ses “fourgons” et ses “chariots de parc”, non soumis à un hypothétique approvisionnement en carburant.
- L’Artillerie Hippomobile, légère ou “volante”dotée du canon de 75, ou “lourde” dotée du canon de 105, court ou long.
- Enfin la Cavalerie, dont les subdivisions d’Armes, Cuirassiers, Dragons, Chasseurs à cheval et Hussards, ont mis sur pied des Groupes de Reconnaissance de Division d’Infanterie (GRDI) ou de Corps d’Armée (GRCA) ou bien se sont regroupées en Divisions de Cavalerie (principalement dans les villes de garnison de l’Est) ou en Brigades Mixtes de Spahis et de Chasseurs d’Afrique. Leur conduite, leurs exploits sont dans toutes les mémoires de l’époque mai-juin 1940 : engagements au Luxembourg et sur le canal des Ardennes, épopée des Cadets de Saumur, charges jusque dans la Vallée du Rhône pour stopper l’avance des blindés allemands, avec l’emploi de cocktails Molotov, etc…
On peut dire que jusqu’en 1940, le cheval fut l’animal le plus “associé” à la guerre, et sa présence fut souvent réconfortante en tant que compagnon d’armes ou de combat, pour ceux dont il fut, au péril de sa vie, un précieux auxiliaire.
Les “petits chevaux barbes” par leur rusticité et l’endurance dont ils firent preuve, se taillèrent la part du lion, contre des forces qui leur était bien supérieures. Ils n’ont pas démérité et auraient comme leurs ancêtres de Reichoffen, certainement suscité cette admiration qui aurait fait dire au Kaiser : “Ah ! Les braves chevaux que voilà ! “
Dernier texte par le Chef d’Escadrons Albert Sauvanet,
Commandeur de la Légion d’Honneur,
Doyen des écuyers du Cadre des instructeurs d’équitation de Saumur,
sélectionné n°1 pour le concours complet pour les Jeux Olympiques de Stockholm en 1956.
Campagnes de Rhin et Danube – Indochine – Algérie
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Le FIGARO
20 décembre 2014
Les camarades de promotion
de l’École d’officiers
de Dalat (Sud-Annam)
« le Saint-Cyr du Vietnam
en 1946 »
ont l’immense regret
de vous faire part du décès,
dans sa 93° année, du
chef d’escadrons
Albert SAUVANET
commandeur
de la Légion d’Honneur,
doyen des écuyers
du Cadre noir des instructeurs
d’équitation de Saumur,
ancien de la première armée
française Rhin et Danube
René Massonnat
14, allée Charles-Rhôné,
33120 Arcachon
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Cet article, véritable hymne à la gloire du cheval, est dédié à mon fils Érik Massonnat, qui a perdu accidentellement la vie à 15 ans, le 4 avril 1969, sur le chemin du Centre Hippique de Saint-Médard-en-Jalles où il a passé les meilleurs moments de sa vie.
Colonel (H) René Massonnat