“Il ne tombera jamais plus d’obus allemands sur Strasbourg”

Le 23ème Régiment d’Infanterie Coloniale dans la campagne d’Allemagne
“ Il ne tombera jamais plus d’obus allemands sur Strasbourg”  –  le 17 avril 1945

La mission est simple : s’emparer d’Oberkirch et ouvrir un passage dans la vallée de la Rench pour permettre aux blindés de foncer sur Freudenstadt, le grand noeud des routes de la Forêt noire, le point crucial de la manœuvre menée par la Première Armée Française pour Stuttgart. En même temps détruire les canons lourds qui continuent à harceler Strasbourg, là-bas à notre droite
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S’emparer de Ringelbach est un jeu pour la Compagnie Corvez, mais les réactions ennemies sont violentes, des minens partent de Gaisbach. L’un d’eux atteint le capitaine Corvez, qui debout comme à son habitude, comme à Meyers Hoff, comme à Kuppenheim, oriente sa section réservée. Corvez meurt dans les bras de l’abbé Laudrain, son ami, le prestigieux Aumônier Divisionnaire qui met en pratique ce principe pour lui essentiel, mais non de tout repos, que c’est en premier échelon toujours, là où le feu est le plus dense, qu’un prêtre doit se trouver pour assister les mourants.
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La liaison est-elle faite entre Lautenbach et Oberkirch ? Oui. Le Colonel Landouzy est le premier à la faire, et à féliciter le Commandant Voisard et son bataillon. Voici comment celui-ci a gravi les crêtes et enlevé le point d’appui de la côte 692, défendue par des gens de la “Kriegsmarine”, des collègues…
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A 7h départ d’Haslach, la 10ème Compagnie en tête, puis la 9ème, puis la 11ème. Le temps est magnifique.
A 9H30 , on traverse Ringelbach en flammes, et c’est alors la montée vers 692; 500 mètres de dénivelé, belle excursion si les munitions ne pesaient si lourd dans le sac. Le Bataillon s’étire en une interminable colonne par un sur l’unique sentier découpé en pleine forêt.
Derrière la 10ème, le fil téléphonique jalonne le parcours.
Haltes fréquentes; car si la forêt à cette heure matinale où le soleil joue dans les gouttes de rosée, est délicieuse, une sourde hostilité se dégage de la profondeur des bois.
Certes à chaque clairière on admire le magnifique panorama qui s’étend jusqu’au Rhin, et derrière lequel on devine confusément la cathédrale de Strasbourg, mais surtout on se méfie, le pays est si propice à l’embuscade.
On approche du sommet ; soudain des coups de feu éclatent. Encore quelque touriste qui se fâche, disent les hommes mais une Mg 42 élève la voix, tous ont compris et s’apprêtent au combat.
La 10ème est accrochée. Le Capitaine Mourrut engage sa Section de deuxième échelon, qui est presque aussitôt stoppée.
C’est sérieux. Et quel terrain! Une futaie impénétrable puis un terrain nu et rocailleux d’une centaine de mètres, et une nouvelle pépinière enfin, dernier bastion de défense pour le boche.
Le Capitaine Mourrut engage alors la 3ème Section dans un large mouvement débordant par le droite. Elle progresse avec difficulté. Il va falloir engager la 9ème Compagnie pour soulager la 10ème à sa gauche, et resserrer ainsi dans une implacable étreinte toute la défense allemande.
La voix du Commandant Voisard parvient très faible au téléphone: “La 9ème en avant !”
La Section Bacon part en tête, la Section TAP derrière, déboitant peu à peu sur la gauche. La Section Darrigand est en réserve.
On progresse difficilement, le visage cinglé par les branches, arrêtés par un fouillis de ronces qui s’accrochent partout; heureusement les Allemands ne peuvent ajuster leur tir, les rafales de leurs mitrailleuses passent au-dessus des têtes, faisant tomber une pluie de branches et de brindilles.
On arrive à la lisière, la Section TAP s’aligne sur la 1ère Section.
Les Allemands sont là, à 100 mètres à peine,  dissimulés dans un chaos de rochers, bien protégés.
Il faut donner l’assaut. Les 4 mitrailleuses légères de la Compagnie arrivent immédiatement , deux à gauche, deux à droite. Elles ouvrent le feu, et les deux Sections de voltigeurs, en ligne, crachant un feu nourri de toutes leurs armes automatiques parmi lesquelles brillent les M.P.44 allemands récupérés depuis peu, avancent au pas, les hommes debout, l’arme sous le bras, forçant l’ennemi à se terrer;
Les rafales allemandes deviennent sporadiques. Toute tête, toute épaule, qui se montre est immédiatement prise à parti.
C’est un feu roulant qui progresse. Le Caporal Duc, tombe frappé mortellement d’une balle en plein front, le Soldat Etienne s’affaisse lui aussi, une deuxième rafale l’étend inanimé. Le soldat Roura qui dirige brillamment le feu d’une mitrailleuse légère tombe lui aussi frappé à mort.
Mais l’élan est donné, on pénètre dans le dispositif ennemi où à bout portant sont abattus les Allemands qui ne se rendent pas. D’autres affolés, se tiennent recroquevillés dans leur trou
Plus de 20 prisonniers sont ainsi faits.
Tandis que la section TAP nettoie la crête, la 1ère section s’attaque au dernier réduit où deux mitrailleuses légères continuent à nous arroser. Le groupe Babilani y entre en force, une première rafale blesse le chef de groupe, qui continue néanmoins à progresser, une deuxième rafale l’atteint au ventre mais les servants paieront de leur vie ce dernier sursaut de résistance. Ceux qui tentent de s’échapper du bois, coincés également par l’avance de la section Chaignon sont abattus par les rafales ajustées des F.M.
Ceux qui continuent à se battre sont anéantis, le Capitaine commandant la Compagnie allemande est abattu par l’Aspirant Chaignon.
C’est fini, une cinquantaine de cadavres ennemis gisent ça et là, autant de prisonniers restent entre nos mains.
La route est ouverte sur Lautenbach
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C’est vers 17h que le Bataillon Voisard, dégringolant les pentes de la Côte 692, atteint Lautenbach et s’en empare après un furieux assaut.
Entre temps, les Batteries Allemandes qui jusque là bombardaient Strasbourg ont dû se replier ou se faire sauter. On en a vu défiler en bas sur la route, se dirigeant vers Openau Et elles ont été copieusement arrosées par nos artilleurs.
Le soir, le calme revient dans ce coin de vallée. Au matin, les blindés accompagnés du 6ème Marocain continueront vers Freudenstadt.

Il ne tombera plus jamais d’obus allemands sur Strasbourg.

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